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ou moins de chaleur ; lorsque les peaux sont bien ébourées, écharnées & lavées, on les fait passer dans huit à dix bassemens plus ou moins, suivant la force des cuirs. Ces sortes de bassemens, qu’on appelle bassemens rouges, sont composés de jus d’écorce, à qui l’on donne tel degré de force que l’on veut, & que l’on connoît au goût & à l’odeur. Le tems ordinaire que doivent rester les peaux dans chaque bassement, est de vingt à trente jours. Lorsque les peaux ont séjourné un tems suffisant dans les différens bassemens par où elles ont été obligées de passer, qu’elles sont bien imbibées, & que le jus en a pénétré toutes les parties, on les met dans les fosses avec la poudre de tan, avec les mêmes précautions que nous avons indiquées ci-dessus, à l’exception cependant qu’on ne donne ordinairement que trois poudres aux peaux qui ont été ainsi plamées, mais il faut observer de charger davantage les peaux, & de se servir de tan moins pulvérisé, c’est-à-dire que l’écorce ne soit que concassée. Les peaux ne doivent ordinairement rester que trois ou quatre mois au plus sous chaque poudre ; ce qui peut être évalué à un an pour le total : ainsi cette façon d’apprêter les cuirs, est beaucoup plus courte que les autres, & ne doit pas les rendre inférieurs en bonté lorsqu’ils sont traités avec soin. Lorsque les cuirs sortent de leur troisieme & derniere fosse, on les met sécher, & le reste se pratique comme ci-dessus.

Les outils & instrumens en usage chez les Tanneurs sont simples & en petit nombre, ils consistent en de grandes tenailles ; un couteau, nommé couteau de riviere, qui sert à ébourer ; un autre pour écharner qui differe peu du premier ; de gros ciseaux, autrement nommés forces ; le chevalet, & la quiosse ou queue.

Les tenailles ont au-moins quatre piés de longueur, & consistent en deux branches de fer d’égale grandeur, & attachées ensemble par une petite cheville de fer ou sommier qui les traverse à environ six à huit pouces loin de son extrémité ; ce sommier est rivé aux deux côtés, & contient les deux branches, de façon qu’elles ne peuvent se disjoindre, mais elles y conservent la facilité de tourner comme sur un axe. Ces tenailles servent à retirer les peaux des plains pour les mettre égoutter sur le bord ; quelquefois cependant on se sert de crochets, sur-tout lorsque les plains sont profonds ; ces crochets ne sont autre chose qu’une petite branche de fer recourbée, & emmanchée au bout d’une perche plus ou moins longue.

Le couteau est une lame de fer, longue d’environ deux piés & demi, large de deux doigts, dont les deux bouts sont enchâssés chacun dans un morceau de bois arrondi & qui sert de poignée, de sorte que le tout ressemble assez à la plane dont se servent les Charrons. Ce couteau se nomme couteau de riviere, & sert à ébourer ; on s’en sert d’un semblable pour écharner, avec cette différence néanmoins que le tranchant de ce dernier est fin, au lieu qu’il est fort gros dans le premier, & qu’il ne coupe point.

Les ciseaux ou forces servent à couper les oreilles & la queue aux peaux que l’on dispose à plamer ; & c’est ce qu’on appelle l’émouchet.

Le chevalet est une piece de bois creuse & ronde, longue de quatre à cinq piés, disposée en talus, sur laquelle on étend les peaux, soit pour les ébourer, soit pour les écharner, soit enfin pour les quiosser.

La quiosse ou queue est une espece de pierre à aiguiser, longue de huit à dix pouces, & assez polie ; on la fait passer sur la peau à force de bras du côté de la fleur qui est l’endroit où étoit le poil, pour achever d’ôter la chaux & les ordures qui pourroient être restées ; & c’est ce qu’on appelle quiosser les cuirs. Le quiossage ne se fait, comme nous l’avons

observé, qu’après les avoir lavés & écharnés.

Avec quelque attention que nous ayons traité cet article, il nous paroîtroit cependant imparfait si nous ne donnions ici le plan d’une tannerie avec toutes les commodités nécessaires à cette profession.

Pour construire donc une tannerie utile & commode, sur-tout lorsqu’on n’est pas gêné par le terrein, on doit la disposer en quarré long, comme, par exemple, quarante piés sur cent vingt ; d’un bout au milieu de sa largeur doit se trouver la porte dont l’ouverture soit suffisante pour le passage des charrois ; aux deux côtés de la porte, on fera élever un bâtiment qui servira de logement au tanneur & à sa famille. La hauteur du rez-de-chaussée seroit celle de la porte sur laquelle regneroit le bâtiment ; après ce bâtiment doit être une grande cour, au milieu de laquelle on conservera un chemin de la largeur au moins de l’entrée, & qui réponde en droite ligne à la porte. Aux deux côtés de cette voie, on pratiquera des fosses à tan, que l’on peut multiplier selon la force du tanneur, & le terrein dont il peut disposer. Ces fosses à tan doivent porter environ cinq piés de profondeur & cinq piés de diametre, ce qui feroit par conséquent quinze piés cinq septiemes de circonférence ; il faudroit observer de ne point approcher trop près de la voie ces fosses à tan aux deux bouts de la cour, afin que les charrois eussent la liberté de tourner. A la suite de la cour doit se trouver un autre bâtiment, dont le rez-de-chaussée soit de toute la largeur du terrein. La porte de ce bâtiment doit être en face de la porte de la maison & aussi large ; c’est dans cette piece que l’on doit pratiquer les plains qu’on peut disposer à droite & à gauche, & multiplier également comme les fosses à tan, & dont les dimensions sont à-peu-près les mêmes ; enfin il doit y avoir une porte sur le derriere qui réponde à celle de l’entrée, afin d’aller à la riviere, car il est très-à-propos, pour ne pas dire indispensable, qu’elle passe en travers à environ dix à douze piés de distance du mur du dernier bâtiment où sont les plains. Le rez-de-chaussée de cet endroit doit ne point être si élevé, afin que la chaleur se conserve & se concentre. Au-dessus de ce rez-de-chaussée, on peut bâtir des magasins, on en peut aussi pratiquer dans la cour un de chaque côté, & adossé contre l’endroit où sont les plains ; ce qui éviteroit la peine de monter les cuirs, de même que les tourbes ou mottes qu’on peut également mettre dans la cour sur des claies destinées à cet usage. Ces mottes se font avec le tan qui sort des fosses, & sont d’un grand secours l’hiver pour les pauvres qui n’ont pas les moyens de brûler du bois. Une tannerie ainsi disposée pourroit passer pour belle & commode ; mais comme souvent on ne peut disposer du terrein selon ses desirs, on est alors obligé de se conformer aux lieux, se contentant de se procurer par la façon de distribuer, les commodités indispensablement nécessaires. Voyez sur cet article les Pl. & leur explic.

TANNERIE, s. f. (Archit.) grand bâtiment près d’une riviere, avec cours & hangars, où l’on façonne le cuir pour tanner & durcir, comme les tanneries du fauxbourg S. Marcel à Paris. (D. J.)

TANNEUR, s. m. c’est un marchand ou artisan qui travaille à la tannerie, & qui prépare les cuirs avec la chaux & le tan.

Les Tanneurs préparent les cuirs de plusieurs manieres, savoir en coudrement ou plaqués, comme les peaux de bœufs qui servent à faire les semelles des souliers & des bottes.

Ils préparent les cuirs de vache en coudrement ; ces cuirs servent aux cordonniers pour les empeignes des souliers & des bottes ; aux selliers pour les carosses & les selles, & aux bourreliers pour les harnois des chevaux.