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exempt de cette peine, c’est lorsqu’il avoit été porté à intenter l’accusation par une juste douleur pour l’offense qu’il avoit reçue dans sa personne ou dans celle de ses proches. Voyez au code la loi derniere de accusation. & la derniere du titre de calomniat.

Les prévaricateurs subissoient aussi la peine du talion, l. ab imp. ff. de prævar.

Il en étoit de même dans quelques autres cas qui sont remarqués au digeste quod quisque juris, &c.

Le droit canon se conformant à la pureté de l’évangile, paroît avoir rejetté la loi du talion, ainsi qu’il résulte du canon hæc autem vita xx. quest. 4 du canon quod debetur, xiv. quest. 1. du canon sex differentiæ, xxiij. quest. 3, & le canon sex differentiæ dans la seconde partie du decret, cause 23, quest. 3 ; mais ce que ces canons improuvent, & singulierement le dernier, ce sont les vengeances particulieres. Nous ne parlons ici que de ce qui appartient à la vindicte publique.

Ricard, roi des Wisigots, dans le VI. liv. des lois des Wisigots, tit. 4, c. iij. ordonne que la peine du talion soit subie par le coupable, de maniere qu’il ait le choix ou d’être fouetté de verges, ou de payer l’estimation de l’injure, suivant la loi ou l’estimation faite par l’offensé.

La peine du talion avoit aussi lieu anciennement en France en matiere criminelle. On en trouve des vestiges dans la charte de commune de la ville de Cerny, dans le Laonnois, de l’an 1184, quòd si reus inventus fuerit, caput pro capite, membrum pro membro reddat, vel ad arbitrium majoris & juratorum, pro capite aut membri qualitate dignam persolvet redemptionem.

Il en est aussi parlé dans la charte de commune de la Fere de l’an 1207 rapportée par la Thomassiere, dans ses coutumes de Berry, dans les coutumes d’Arques de l’an 1231, dans les archives de l’abbaye de S. Bertin, dans la 51e. lettre d’Yves de Chartres.

Guillaume le Breton rapporte qu’après la conquête de la Normandie, Philippe Auguste fit une ordonnance pour établir la peine du talion dans cette province : qu’il établit des champions, afin que dans tout combat qui se feroit pour vuider les causes de sang, il y eût, suivant la loi du talion, des peines égales, que le vaincu, soit l’accusateur ou l’accusé, fût condamné par la même loi à être mutilé ou à perdre la vie ; car auparavant c’étoit la coutume chez les Normands, que si l’accusateur étoit vaincu dans une cause de sang, il en étoit quitte pour payer une amende de 60 sols ; au lieu que si l’accusé étoit vaincu, il étoit privé de tous ses biens, & subissoit une mort honteuse : ce qui ayant paru injuste à Philippe Auguste, fut par lui abrogé, & il rendit à cet égard les Normands tous semblables aux Francs : ce qui fait connoître que la peine du talion avoit alors lieu en France.

Les établissemens faits par S. Louis en 1270, liv. I. ch. iij. contiennent une disposition sur le talion. Si tu veux, est-il dit, appeller de meurtre, tu seras oïs ; mais il convient que tu te lies à souffrir telle peine comme tes adversaires souffriroient, s’ils en étoient atteints, selon droit écrit en digeste, novel, de privatis l. finali. Au tiers livre on a eu en vue la loi derniere de privatis delictis, qui ne parle pourtant pas clairement du talion.

Le chap. ij. du II. livre de ces mêmes établissemens parle aussi de la dénonciation ou avertissement que la justice devoit donner à celui qui se plaignoit de quelque meurtre. La justice, dit cette ordonnance, lui doit dénoncer la peine qui est dite ci-dessus ; ce que l’on entend du talion.

Cette peine a été abrogée dans quelques coutume, comme on voit dans celle de Hainaut, chap. xv.

On tient même communément que la loi du talion est présentement abolie en France ; & il est certain

en effet que l’on n’observe plus depuis long-tems cette justice grossiere & barbare, qui faisoit subir à tous accusés indistinctement le même traitement qu’ils avoient fait subir à l’accusateur. L’on n’ordonne plus que l’on crévera un œil, ni que l’on cassera un membre à celui qui a crevé l’œil ou cassé un membre à un autre ; on fait subir à l’accusé d’autres peines proportionnées à son crime.

Il est cependant vrai de dire que nous observons encore la loi du talion pour la proportion des peines que l’on inflige aux coupables.

On observe même encore strictement cette loi dans certains crimes des plus graves ; par exemple, tout homme qui tue, selon nos lois, mérite la mort ; les incendiaires des églises, villes & bourgs sont condamnés au feu.

Les princes usent encore entr’eux en tems de guerre du droit de représailles, qui est proprement une espece de justice militaire qu’ils se font, conformément à la loi du talion. Voyez Représailles, voyez Alberic, Balde, Bartole, Felix speculator Augustinus, les constitutions du royaume d’Arragon, Imbert, le gloss. de du Cange au mot talio, celui de Lauriere, l’hist. de la Jurisprud. romaine de M. Terrasson. (A)

TALISMAN, s. m. (Divination.) figures magiques gravées en conséquence de certaines observations superstitieuses, sur les caracteres & configurations du ciel ou des corps célestes, auxquelles les astrologues, les philosophes hermétiques & autres charlatans attribuent des effets merveilleux, & surtout le pouvoir d’attirer les influences célestes. Voyez Théraphim.

Le mot talisman est purement arabe ; cependant Menage, aprè Saumaise, croit qu’il peut venir du grec τέλεσμα, opération ou consécration. Borel dit qu’il est persan, & qu’il signifie littéralement une gravûre constellée ; d’autres le dérivent de talamascis litteris, qui sont des caracteres mystérieux ou des chiffres inconnus dont se servent les sorciers, parce qu’ajoutent-ils, talamasca veut dire phantôme ou illusion. M. Pluche dit qu’en Orient on nommoit ces figures tselamim, des images ; & en effet, comme il le remarque, « lorsque dans l’origine, le culte des signes célestes & des planetes fut une fois introduit, on en multiplia les figures pour aider la dévotion des peuples & pour la mettre à profit. On faisoit ces figures en fonte & en relief, assez souvent par maniere de monnoie, ou comme des plaques portatives qu’on perçoit pour être suspendues par un anneau, au cou des enfans, des malades & des morts. Les cabinets des antiquaires sont pleins de ces plaques ou amulettes, qui portent des empreintes du soleil ou de ses symboles, ou de la lune, ou des autres planetes, ou des différens signes du zodiaque. » Hist. du ciel, tom. I. pag. 480.

L’auteur d’un livre intitulé les talismans justifiés, prétend qu’un talisman est le sceau, la figure, le caractere ou l’image d’un signe céleste, d’une constellation, ou d’une planete gravée sur une pierre sympathique ou sur un métal correspondant à l’astre ou au corps céleste pour en recevoir les influences.

L’auteur de l’histoire du ciel va nous expliquer sur quoi étoient fondées cette sympathie & cette correspondance, & par conséquent combien étoit vaine la vertu qu’on attribuoit aux talismans.

« Dans la confection des talismans, dit-il, la plus légere conformité avec l’astre ou le dieu en qui l’on avoit confiance, une petite précaution de plus, une légere ressemblance plus sensible faisoit préférer une image ou une matiere à une autre ; ainsi les images du soleil, pour en imiter l’éclat & la couleur, devoient être d’or. On ne doutoit pas même que l’or ne fût une production du soleil ; cette conformité de couleur, d’éclat & de mérite en étoit la preuve. Le soleil devoit donc mettre sa