Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/861

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

muoit comme les nôtres, dans une espece de cornet (pyrrus) avant que de les jetter ; mais il y avoit cette différence qu’au lieu que nos dez ont six faces, parce qu’ils sont cubiques, les tali des Romains n’en avoient que quatre, parce qu’il y en avoit deux opposées des six qu’ils auroient dû avoir, qui étoient arrondies en cone.

On s’en servoit, pour deviner aussi bien que pour jouer, & l’on en tiroit bon ou mauvais augure, selon ce qu’on amenoit. Comme on en jettoit d’ordinaire quatre à la fois, la plus heureuse chance étoit quand on amenoit les quatre points différens. Parce qu’on appelloit ces deux faces du nom de quelques animaux, comme le chien, le vautour, le basilic, ou de quelques dieux, comme Vénus, Hercule.

Il y a des auteurs qui ont cru qu’elles étoient marquées des figures de ces animaux, & non pas de nombres ni de points, comme nos dez. Mais si cela est, il faut que ces images fussent affectées à signifier chacune un certain nombre particulier ; car il est constant que de deux faces opposées l’une valoit un, & l’autre six ; & de deux autres opposées, l’une valoit trois, & l’autre quatre.

Ce jeu étoit bien ancien, puisque les amans de Pénelope y jouoient déja dans le temple de Minerve, car c’étoit la coutume de jouer dans les temples. C’étoit un jeu de vieillard chez les Romains, comme Auguste même le dit, & chez les Grecs un jeu d’enfant ; comme il paroit 1°. par la description d’un excellent tableau de Polyclete cité dans Pline ; 2°. par Apollodore qui y fait jouer Cupidon avec Ganymede ; 3°. par Diogene de Laërce, qui dit que les Ephésiens se moquoient d’Héraclite, parce qu’il y jouoit avec les enfans. (D. J.)

TALASIUS, s. m. (Mythol.) tout le monde sait l’histoire de ce romain célebre par sa valeur, par ses vertus, & par la jeune sabine d’une beauté admirable, que ses amis enleverent pour lui. Il la rendit heureuse, & fut pere d’une belle & nombreuse famille, ensorte qu’après sa mort on souhaitoit aux gens mariés le bonheur de Talasius ; bien-tôt on en fit un dieu du mariage, que les Romains chanterent comme les Grecs hyménée. (D. J.)

TALASSA, s. f. (Hist. nat. Botan.) plante des Indes orientales, qui ne produit ni plante, ni fleurs, ni fruits. Ses feuilles servent à assaisonner les alimens ; mangées vertes, elles excitent à la volupté.

TALAVERA, (Géog. mod.) ville d’Espagne, dans la nouvelle Castille, sur le bord septentrional du Tage, à 20 lieues au sud-ouest de Madrid. Cette ville fut prise sur les maures l’an 949 par Ramire II. Il s’y est tenu un synode l’an 1498 ; les archevêques de Tolede en jouissent, & y ont un vicaire général ; cependant cette ville est gouvernée par un juge de police, & douze recteurs perpétuels. Elle est grande, fortifiée, contient 7 paroisses & plusieurs couvens. Long. 13. 27. lat. 39. 45.

Mariana (Jean), célebre jésuite, & l’un des plus habiles hommes de son siecle. naquit à Talavera en 1537, & mourut à Tolede en 1624, à 87 ans. Son traité du changement des monnoies, lui fit des affaires à la cour d’Espagne, car il y découvrit si bien la déprédation des finances, en montrant les voleries qui se commettoient dans la fabrique des especes, que le duc de Lerne qui se reconnut là visiblement, ne put retenir sa colere. Il ne lui fut pas mal-aisé de chagriner l’auteur, parce que Philippe III. étoit censuré dans cet ouvrage comme un prince oisif qui se reposoit du soin de son royaume sur la conduite de ses ministres. Mariana sortit de prison au bout d’un an ; mais il ne s’étoit pas trompé en annonçant que les abus qu’il représentoit, plongeroient l’Espagne dans de grands desordres.

On auroit eu bien plus de raison de l’inquietter au

sujet d’un autre livre, que l’Espagne & l’Italie laisserent passer sans blâme, & qui fut brûlé à Paris par arrêt du parlement, à cause de la pernicieuse doctrine qu’il contenoit. Ce livre a pour titre, de rege & regis institutione, & parut à Tolede l’an 1598 avec privilege du roi, & avec les approbations ordinaires. C’est un ouvrage capable d’exposer les trônes à de fréquentes révolutions, & la vie des princes au couteau des assassins, parce que l’auteur affecte de relever le courage intrépide de Jacques Clément, sans ajouter un mot qui tende à le rendre odieux au lecteur. Ce livre valut aux jésuites de France mille sanglans reproches, & des insultes très-mortifiantes.

Un autre traité de Mariana a fait bien du bruit, c’est celui où il remarque les défauts du gouvernement de sa compagnie ; mais ses confreres ne demeurent pas d’accord qu’il soit l’auteur de cet ouvrage, intitulé del governo de la compania di Jesus. Il se trouve tout entier en espagnol & en françois, dans le second tome du mercure jésuitique, imprimé à Genève en 1630. Il a aussi paru à Bordeaux en espagnol, en françois, en italien & en latin ; l’édition est de 1625, in-8°.

Les scholies du P. Mariana sur l’Ecriture, ont mérité l’approbation de M. Simon, & l’on ne peut disconvenir qu’il n’y regne beaucoup de jugement & de savoir. Il choisit d’ordinaire le meilleur sens, & il n’est point ennuyeux dans les différentes interprétations qu’il rapporte.

Son histoire d’Espagne en XXX livres, est son ouvrage le plus important, & le plus généralement estimé dans la république des lettres. Il nous seroit facile d’en indiquer les différentes éditions, les traductions, les continuations, les critiques & les apologies. Mais pour en abréger le détail nous nous contenterons de remarquer

1°. Que l’édition latine la plus ample, est celle de la Haye, en 1733, in-fol. 4. vol. cependant on auroit pu rendre cette édition encore plus belle & plus complette, en y ajoutant le summarium de Mariana, qui l’auroit conduite jusqu’en 1621. les tables chronologiques des souverains des divers états de l’Espagne, l’explication des mots difficiles qui se trouvoient dans les anciennes éditions, & sur-tout les additions & corrections de l’édition espagnole de 1608, soit dans le texte entre des crochets, soit à la marge par des renvois.

2°. Que les traductions espagnoles sont de l’auteur même, qui nous apprend qu’entre les raisons qui le déterminerent à ce nouveau travail, la principale fut l’ignorance où les Espagnols étoient alors de la langue latine. Mariana mit au jour son ouvrage dans cette langue, à Tolede, en 1601. in-fol. 2. vol. & l’enrichit de quantité de corrections & d’augmentations, qui rendent la traduction préférable à l’original latin. Cette traduction fut réimprimée à Madrid en 1608, 1617, 1623, 1635, 1650, 1670, 1678. Cette derniere est la meilleure de toutes, ou quelqu’autre postérieure, bien entendu qu’elle ait été faite exactement sur celle de 1608, à laquelle l’auteur donnoit la préférence, en quoi il a été suivi par les savans de son pays ; mais cette édition de 1608, ne va que jusqu’en 1516 ; au-lieu que celle de 1678, continuée par dom Felix de Luzio Espinoza, va jusqu’en 1678.

3°. Qu’il y en a deux traductions françoises, l’une par Jean Rou, non encore imprimée ; & l’autre par le pere Joseph-Nicolas Charenton, jésuite. Cette derniere, tout-à-fait semblable au manuscrit de la premiere, a été très-bien reçue du public, & a paru à Paris en 1725, in-4°. en cinq gros vol.

4°. Que la traduction angloise faite sur l’espagnole, par le capitaine Stevens, & publiée à Londres, en 1699, in-fol, 2 vol. est beaucoup plus complette