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quitte le lithotome, & on prend le gorgeret particulierement destiné à cette opération. Voyez Gorgeret. On glisse son bec dans la cannelure du trocart, pour le conduire dans la vessie de la même maniere qu’on y a conduit le lithotome, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’on soit arrêté par le rebord de la cannelure : alors on retire le trocart ; on retourne en-dessus la gouttiere, qui étoit en-dessous lorsqu’on a introduit le gorgeret : ce gorgeret est formé de deux pieces ou branches, qui peuvent s’écarter & servir s’il est besoin de dilatation. On porte le doigt dans cette gouttiere pour examiner l’étendue de l’incision, on introduit les tenettes, on retire le gorgeret, & l’on termine l’opération à la façon ordinaire.

Après l’extraction de la pierre, il faut mettre une cannule dans la vessie, voyez figure 2. Planche XIII. pour entretenir, autant de tems qu’il est nécessaire, le cours des urines & des matieres de la suppuration. Sans cette méthode de panser, lorsque les urines s’arrêtent, ou bien lorsque les suppurations deviennent abondantes, & qu’elles n’ont pas un cours assez libre, le tissu cellulaire s’enflamme & s’engorge ; ce qui occasionne des infiltrations, & même des abscès gangréneux qui causent quelquefois la mort. La canule a encore un autre usage que je ne dois pas omettre, qui est que lorsqu’une pierre trop grosse ou irréguliere a ouvert quelques vaisseaux considérables, on peut facilement par son moyen se rendre maître du sang, parce qu’elle sert à contenir la charpie qu’on emploie pour comprimer les vaisseaux.

Quelques mauvais succès ont fait découvrir un avantage très-important dans cette nouvelle maniere de tailler.

Aucunes méthodes n’ont pu ouvrir aux grosses pierres une issue suffisante pour pouvoir les tirer, sans exposer les parties par où elles passent à une violence, qui a ordinairement des suites funestes ; & quoique M. Foubert ait eu dans ses premieres opérations la satisfaction de tirer heureusement des pierres d’un volume considérable, il lui est cependant arrivé en tirant des pierres extrèmement grosses d’avoir eu à forcer une si grande résistance, que ces pierres ont causé dans leur passage des contusions & des déchiremens qui ont fait périr les malades, les uns fort promptement, & les autres à la suite d’une suppuration très-considérable & très longue.

Ces malheurs porterent M. Foubert à faire l’examen des parties qui paroissoient former le plus d’obstacle à la sortie de ces pierres. Il reconnut que c’étoit le cordon des fibres du bord inférieur du muscle triangulaire, & la partie du muscle releveur qui descend, à la marge du sphincter de l’anus, qui causoient la principale résistance. Voyez Planche XIII. figure 4. Lorsque le volume de la pierre excede l’incision que l’on fait à ces muscles, elle entraîne avec elle vers le fondement les portions de ces muscles qui s’opposent à son passage, & forme en ramassant leurs fibres, une bride très-difficile à rompre. Quand M. Foubert eut reconnu que la résistance dépendoit principalement de ces portions de muscles, il comprit qu’il étoit aisé de lever l’obstacle, non-seulement parce qu’il n’y avoit aucun inconvénient à couper la bride qui le forme, mais encore parce que la pierre qui la porte vers le dehors, rend cette petite opération très-facile. Dans cette idée il fit faire un bistouri courbe à bouton (voyez fig. 1. Pl. XIII.) qui pût être porté facilement entre les branches de la tenette sur la pierre, à l’endroit de la bride, pour la couper. On a quelquefois recours au même expédient dans les autres méthodes, mais avec bien moins d’avantage, parce que l’on coupe la prostate & le col de la vessie ; au lieu que M. Foubert ne coupe qu’un petit paquet de fibres qui est sans conséquence : & depuis qu’il a observé cette pratique, il a tiré des pierres fort grosses avec un heureux succès.

Nouvelle méthode latérale. M. Thomas, persuadé des avantages de la méthode dont nous venons de parler, a travaillé à la rendre plus facile, & a cru pouvoir y ajouter des perfections, en la pratiquant de haut en-bas ; au lieu que M. Foubert incise les parties de bas en-haut : le procédé est tout-à-fait différent ; c’est une autre méthode d’inciser le corps de la vessie vis à-vis le périnée, à côté de son col. Il y a aussi quelque différence dans la coupe des parties. M. Thomas a présenté à l’académie royale de Chirurgie un mémoire dans lequel il admet la supériorité de l’opération, par laquelle on fait la section du corps de la vessie, à la pratique de couper son col ; ensuite il met sa méthode d’opérer en parallele avec celle de M. Foubert. Dans celle-ci le trajet du trocart dans la ponction qui fait le premier tems de l’opération, devient la partie inférieure de l’incision complettée, parce qu’on la fait sur la cannelure du trocart de bas en-haut. M. Thomas agit différemment ; il porte le trocart immédiatement au-dessous de l’os pubis, un peu latéralement ; & le trajet de cet instrument forme la partie supérieure de l’incision. Par cette inversion de méthode, si l’on peut se servir de ce terme, M. Thomas craint moins de manquer la vessie ; il y pénetre sûrement, quoiqu’elle contienne une moindre quantité d’urine. L’incision se fait ensuite de haut en-bas, & l’instrument tranchant après avoir fait l’ouverture suffisante au corps de la vessie, coupe en glissant vers l’extérieur, du côté de la tubérosité de l’ischion, & fait jusqu’aux tégumens une gouttiere, que M. Foubert n’obtient qu’accessoirement par un débridement, au moyen d’un bistouri boutonné, dans le cas de résistance des parties externes à la sortie des pierres considérables : encore la borne-t-il aux fibres du muscle transversal. La section prolongée jusqu’à la peau, est essentiellement de la méthode de M. Thomas, & elle prévient l’infiltration de l’urine dans le tissu cellulaire dont M. Foubert a reconnu les mauvais effets, & qu’il empêche par l’usage d’une canule : mais dans la nouvelle méthode il n’en faut point, si ce n’est en cas d’hémorrhagie ; & l’expérience a déja montré que cet accident n’étoit point ordinaire. M. Thomas pour pratiquer son opération, a un instrument qui réunit au trocart une lame tranchante qui s’ouvre à différens degrés, & un petit gorgeret pour conduire les tenettes dans la vessie lorsque l’incision est faite.

J’ai donné dans un mémoire imprimé, à la fin du III. tome des Mémoires de l’académie royale de Chirurgie, mes réflexions pour la perfection de cet instrument, & pour le plus grand succès de la méthode. J’avois vu à Bicêtre un malade opéré deux mois auparavant par M. Thomas, il étoit resté un petit trou par où suintoit de l’urine fort claire ; la cicatrice étoit d’ailleurs très-solide dans toute son étendue. Quoique cet homme guérît par le seul secours de l’embonpoint qu’il recouvra, je crus pouvoir dire d’après les expériences que j’avois faites de cette méthode de tailler sur différens cadavres, que la fistule pouvoit avoir lieu lorsque l’angle inférieur de la plaie de la vessie seroit au-dessous du niveau de son orifice ; parce que l’urine trouveroit moins de résistance à passer par-là, qu’à reprendre sa route naturelle. Je proposai un moyen fort simple d’éviter cette cause de fistule ; c’étoit de faire coucher le taillé sur le côté opposé à la plaie, & de placer dans la vessie par l’uretre, une algalie, pour déterminer constamment le cours de l’urine par cette voie ; j’avançai même, comme on peut le voir dans le mémoire cité, qu’on obtiendroit en peu de jours la consolidation parfaite de la plaie, lorsque rien d’ailleurs n’y mettroit obstacle. Le succès a passé mes espérances. M. Thomas a taillé en ma présence, & de plusieurs de nos confreres, un jeune homme de vingt