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sont exercés sur la Tachygraphie ; telle est la plume volante, & quelques manuscrits dans la bibliotheque du roi ; mais ils ne se sont point appliqués à simplifier leurs signes, ni à en généraliser l’usage, ni cette attention suffisante au génie de la langue ; & au lieu de recourir aux racines de l’idiome, ils se sont pris aux branches.

Il ne seroit cependant pas impossible de rendre à la langue françoise le même service qu’à l’angloise ; ce seroit une très-grande obligation que le public auroit à messieurs de l’académie françoise, si à la suite de leur dictionnaire, ils compiloient une méthode facile & analogue à la langue. Il ne faut cependant pas se flatter qu’elle puisse être aussi simple, ni consister en aussi peu de caracteres que pour l’anglois, qui n’ayant point de genre, le même article exprime le masculin & le féminin, & le singulier & le pluriel. De plus, les terminaisons des verbes auxiliaires ne variant guere que dans le présent, occasionne une bien plus grande facilité.

La méthode de Weston est fondée sur cinq principes.

1°. La simplicité des caracteres.

2°. La facilité de les joindre, insérer, & combiner les uns aux autres.

3°. Les monogrammes.

4°. La suppression totale des voyelles, comme dans les langues orientales.

5°. D’écrire comme l’on prononce ; ce qui évite les aspirations, les lettres doubles & lettres muettes. Les caracteres sont en tout au nombre de 72, dont 26 comprennent l’alphabet, y ayant quelques lettres qui s’écrivent de différentes façons, suivant les circonstances ; & cela pour éviter les équivoques que la combinaison pourroit faire naître. Les 46 caracteres restans sont pour les articles, pronoms, commencemens, & terminaisons qui se répetent fréquemment, & pour quelques adverbes & propositions.

Pour se rendre cette méthode familiere, on commence par écrire en entier les paroles dans le nouveau caractere, à l’exception des voyelles que l’on supprime ; mais le lieu où commence la lettre suivante l’indique, c’est-à-dire, si le commencement de cette lettre est au niveau du haut de la lettre précédente, cela marque la voyelle a ; si c’est au pié, c’est un u ; si c’est au milieu, c’est un i ; un peu plus haut ou un peu plus bas désigne l’e & l’o.

On croiroit d’abord que cette précision de placer les lettres empêcheroit d’aller vîte ; mais cela ne retarde aucunement ; car le sens fournit naturellement la voyelle au lecteur comme dans les lettres missives ou phrases, dont la plûpart des élémens pris séparément, pourroient à peine se déchiffrer ; ce qui n’empêche pas qu’on n’en lise la totalité très-vîte.

Comme rien ne nuit davantage à la célérité de l’écriture que de détacher la plume de dessus le papier, la personne se joint au verbe, comme dans l’hébreu celui-ci est uni inséparablement avec son verbe auxiliaire, & ordinairement avec son adverbe ; ce qui loin d’apporter de la confusion, donne de la clarté, en ce que par l’étendue & forme de ce grouppe de caracteres, on voit tout-d’un-coup que c’est un verbe dans un tems composé.

Quand on est parvenu à écrire ainsi couramment, on apprend les abréviations ; car chaque lettre isolée signifie un pronom, adverbe, ou proposition, &c.

Chaque union de deux lettres ab, ac, ad, par exemple, en exprime aussi un mot relatif aux élémens qui la composent. Il y a aussi quelques autres regles d’abréviations générales, comme au lieu de répéter une parole ou une phrase, de tirer une ligne dessous ; quand une consonne se trouve répétée dans la même syllabe, de la faire plus grande, par exemple même,

non-pape où l’m n, & le p, sont la double de leur grandeur naturelle, en ce qu’ils représentent deux m, deux n, deux p ; ceux-ci sont ordinairement des commencemens de mots, y en ajoutant les terminaisons finales, on fait les paroles mémoire -nonain papauté | : ciseaux. Ainsi pour les terminaisons, toutes les paroles qui s’unissent en son ou en sion, s’expriment par un point dans la lettre, exemple, hameçon en le décomposant on trouve un a & un m avec un point au milieu de l’a coction .

Les terminaisons ation, étion, ition, otion, ution, s’écrivent avec deux points placés à l’endroit de la voyelle, par exemple, nation : notion pétition passion, la marque du pluriel quand on l’exprime, se fait par un point derriere la derniere, exemple, passions. la terminaison ment, s’exprime par un t final redoublé, exemple, parlement sciemment, humainement  : ces regles peuvent s’appliquer indifféremment à toutes les langues.

Nous avons dit que la Tachygraphie angloise n’exprime que les sons, sans avoir égard à l’ortographe, par exemple, si on veut écrire de cette façon en françois ils aiment, on retranche l’nt final comme superflu, dès que le verbe est précédé du signe de la troisieme personne du pluriel ; ce qui abrégeroit la parole d’un tiers, & seroit aime, comme on ne prononce dans cette parole que l’m seule ; on écriroit en Tachygraphie ils m. De plus, comme pour former l’m, il faut 7 traits, savoir trois lignes droites, & quatre lignes courbes, & que l’m est fréquemment usité ; la Tachygraphie l’admet parmi ses caracteres simples, & réduit les sept lignes à une simple diagonale, & y joignant le caractéristique de la troisieme personne du pluriel, ils aiment, s’écriroit aussi en françois composé de deux traits, au lieu de 28 que nous employons. En anglois, ce seroit différent ; car aimer se disant to love, on se sert de l au lieu d’m ; & ils aiment s’écriroit ils aimoient , aima ntaimer qui dérive du substantif love amosar, ainsi que amant loveless sans lovely omour aimable lovelyness, substantif d’aimable, & qui ne se pourroit rendre en françois que par le terme d’amabilité.

Quand on suit un orateur rapide, on peut supprimer entierement les articles qui se placent ensuite en relisant le discours.

Il y a apparence que l’écriture chinoise, où chaque parole s’exprime par un caractere particulier, n’est pas essentiellement différent de notre Tachygraphie, & que les 400 clés sont 400 caracteres élémentaires dont tous les autres sont formés, & dans lesquels ils peuvent se résoudre. En cela la Tachéographie angloise lui seroit fort préférable, à cause de son petit nombre de caracteres primitifs, qui par la même raison, doivent être infiniment moins composés que dans un plus grand nombre qui supposent nécessairement une multiplicité de traits.

Pour n’avoir rien à desirer sur cette matiere, il faut se procurer l’alphabet de Weston, avec ses 26 caracteres, & 46 abréviations, l’abrége du dictionnaire & des regles, & y joindre l’oraison dominicale, le symbole des apôtres, & les dix commandemens écrits suivant ces principes.

En outre des méthodes de Weston & de Macaulay, on peut consulter les suivantes, qui ont eu cours en différens tems.

Steganographia, or the art of short writing, by Addy.

Willis’s abbreviation, or writing by characters, London 1618.

Sheltons, art of short hand writing, Lond. 1659.

Mercury, or the secret and swift messengers, by Wilkins, 1641.