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Ils en composent aussi des paroles techniques & barbares, comme par exemple, ramban pour rabbi ; moïse bar Maiemon, c’est-à-dire, fils de Maiemon. Ceux qui voudront connoître plus particulierement ces abréviations, en trouveront plus de mille au commencement de la Bibliotheque rabbinique de Buxtorf : ils peuvent aussi consulter les Recueils de Mercerus, David de Pomis & Schinder. Les rabbins cabalistiques vont bien plus loin : ils prétendent que presque toute l’Ecriture sainte est susceptible de cette interprétation, & qu’en cela & la gémare consiste la vraie intelligence ou l’esprit de la loi.

Ainsi dans la premiere parole de la Genese, au commencement, ils ont trouvé : bara rackia-ares schamaim jam theomoth, il créa au commencement les cieux & la terre & l’abîme.

Il est facile d’appercevoir que le but des rabbins, par ces interprétations forcées, étoit d’éluder les passages les plus formels des prophetes sur l’avénement du Messie ; prophéties accomplies littéralement dans la personne de Jesus-Christ.

Les Grecs ont ainsi trouvé dans le nom d’Adam les quatre parties du monde, ἀνατολὴ, orient ; δύσις, occident ; ἄρκτος, nord ; μεσημβρία, midi ; & il y a beaucoup d’apparence que le fameux abraxadabra & autres noms barbares qui se trouvent sur les talismans & autres monumens des bassilidiens & gnostiques, noms qui ont donné la torture à tant de savans, ne sont que des mots techniques qui renferment plusieurs paroles. Ce qui donne plus de probabilité à cette conjecture, est qu’un grand nombre de caracteres qui se trouvent sur les talismans & dans les œuvres des démonographes sont visiblement des monogrammes. On voit dans Agrippa les noms des anges Michaël, Gabriel, & Raphaël, exprimés de cette maniere & à l’aide de la figure quadrilinéaire ou chambrée, rapportée par le même auteur.

On en peut résoudre un très-grand nombre en leurs lettres constituantes. Il ne seroit donc pas surprenant que ceux qui se sont étudiés à combiner tous les élémens d’un mot dans une seule lettre, eussent réuni les lettres initiales dans une seule parole.

Les Romains se servoient aussi de lettres initiales pour désigner certaines formules usitées dans les inscriptions long-tems avant Cicéron, comme S. P. Q. R. pour senatus populusque romanus ; D. M. dis manibus, &c. dont Gruter nous a donné une ample collection dans son traité de Inscriptionibus veterum. On peut aussi consulter Mabillon de re diplomaticâ, ainsi que Sertorius, Ursatus, Valerius-Probus, Goltzius, &c. qui nous ont laissé des catalogues d’abréviations usitées dans les inscriptions, les médailles & les procédures. Cet usage qui ne laisse pas de charger la mémoire, & ne s’étend qu’à un petit nombre des mots ou formules, a lieu dans presque toutes les langues. Voyez Abréviation.

Quant aux caracteres tachygraphiques qui sont plus immédiatement de notre sujet, il y en a d’universels : tels sont les caracteres numériques, algébriques, astronomiques, chimiques, & ceux de la Musique, dont on peut voir les exemples sous leurs articles respectifs & particuliers, telles sont l’écriture chinoise, quelques traités françois manuscrits à la bibliotheque du roi, & la tachygraphie angloise.

Les Anglois enfin, ont perfectionné ce genre d’écriture ; & c’est parmi eux ce que peut-être étoit l’ἐπιθολογραφική. Chez les Egyptiens, ils l’ont poussé au point de suivre facilement l’orateur le plus rapide ; & c’est de cette façon qu’on recueille les dépositions des témoins dans les procès célebres, les harangues dans les chambres du parlement, les discours des

prédicateurs, &c. de sorte qu’on n’y peut rien dire impunément même dans une compagnie, pour peu que quelqu’un se donne la peine de recueillir les paroles.

Cet art y est fondé sur les principes de la langue & de la Grammaire ; ils se servent pour cet effet d’un alphabet particulier, composé des signes les plus simples pour les lettres qui s’emploient le plus fréquemment, & de plus composés pour celles qui ne paroissent que rarement.

Ces caracteres se peuvent aussi très-facilement unir les uns aux autres, & former ainsi des monogrammes qui expriment souvent toute une parole ; tels sont les élémens des tachéographes anglois, qui depuis un siecle & demi ont donné une quarantaine de méthodes, dont nous donnons le titre des principales au-bas de cet article. Elles se trouvent actuellement réduites à deux, qui sont les seules usitées aujourd’hui ; savoir celle de Macaulay & celle de Weston ; nous nous bornerons à donner ici une légere idée de la méthode de ce dernier, comme la plus généralement suivie, & parce qu’on trouve plusieurs livres imprimés dans ses caracteres ; entre autres, une grammaire, un dictionnaire, les pseaumes, le nouveau-Testament, & plusieurs livres d’église.

Le docteur Wilkins & quelques autres, vouloient à l’aide de ce genre d’écriture, former un langage ou plutôt une écriture universelle, c’est-à-dire, que le même caractere qui signifie cheval, le françois le lût cheval ; l’anglois, horse ; l’allemand, pferd ; l’italien, cavallo ; le latin, equus ; & ainsi des autres.

Mais en outre, la différence de construction dans les différentes langues qui seroit un grand obstacle, & la forme des verbes auxiliaires qui dans l’allemand & l’anglois, different totalement de celle usitée en françois & en latin, on retomberoit dans l’inconvénient de la méthode de Tiro, qui requéroit presque autant de signes différens qu’il y avoit d’objets à présenter. Un anglois, par exemple, n’aura pas de peine à comprendre que n signifie horse, parce que ce signe est composé de la particule or suivi d’une s, c’est-à-dire, les trois seules lettres qui se prononcent, l’h tenant lieu d’une simple aspiration, & l’e muet final ne servant qu’à prolonger le son ; mais ces trois lettres orz ne communiquent à aucune autre nation l’idée d’un cheval.

En attendant qu’on trouve quelque chose de mieux, il y auroit peut-être une méthode simple & facile à proposer, à l’aide de laquelle, sur le champ, & sans étude, un chacun pourroit se faire entendre, & entendre les autres, sans savoir d’autres langues que la sienne.

Il s’agiroit de numéroter les articles d’un dictionnaire en un idiome quelconque, & que chaque peuple mît le même chiffre après le même terme dans leurs dictionnaires respectifs. Ces dictionnaires devroient être composés de deux parties ; l’une à l’ordinaire, suivant l’ordre alphabétique ; l’autre, suivant l’ordre numérique.

Ainsi je suppose un françois à Londres ou à Rome, qui voudroit dire je viendrai demain ; ignorant la langue du pays, il cherchera dans la partie alphabétique de son dictionnaire je, que je suppose comme premiere personne désignée par le n°. 1. venir, par 2800, demain, par 664.

Il écrira 1. 664. 2800. l’anglois ou l’italien cherchant suivant l’ordre numérique, liront, J come tomorrou, jo venire domani.

Et répondront par d’autres chiffres, dont le françois trouvera l’explication en cherchant le numéro.

Je n’ai mis ici que l’infinitif du verbe pour suivre l’ordre des dictionnaires ; mais il seroit aisé d’y ajouter un signe ou point qui en déterminât le tems.

Nous avons aussi quelques auteurs françois qui se