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C’est sans doute par la raison de cette même différence, que les taches de vin sont plus fréquentes au visage que dans d’autres parties du corps, car une partie du corps ne rougit plus facilement qu’une autre, qu’autant que la partie rouge du sang y trouve un moindre obstacle à passer dans le lacis des vaisseaux. La rougeur se montre plus facilement au visage qu’ailleurs par cette même raison, ensorte qu’un effort léger qui ne produit rien sur une autre partie, produira sur le visage un effet sensible ; aussi quand on examine ces taches à l’aide d’un bon microscope, la dilatation des vaisseaux s’apperçoit clairement, & l’on y voit couler les parties du sang qui les colorent. (D. J.)

Tache du Crystallin, (Médecine.) j’entends par tache du crystallin, une espece de cicatrice qui est communément blanche, qu’on remarque sur sa superficie, & qui blesse la vue.

Elle est le plus souvent la suite d’un très-petit abscès ou pustule qui se forme sur la superficie du crystallin, dont l’humeur étant en très-petite quantité & bénigne, se résout & se consomme, sans causer d’autre altération au crystallin, que celle du lieu où cette petite pustule se trouve ; & cet endroit du crystallin se cicatrise ensuite.

Dans son commencement, on la connoît par un nuage fort léger qui paroît sur le crystallin, & par le rapport du malade qui se plaint que sa vue est brouillée ; dans la suite ce nuage devient plus épais, & blanchit enfin.

On ne peut cependant dans les premiers mois assurer positivement que ce ne soit pas le commencement d’une cataracte, ou d’une ulcération ambulante du crystallin, parce qu’on ne peut juger de la nature de la pustule : mais quand après un, deux ou trois ans, cette tache reste dans le même état, on peut probablement assurer qu’elle y restera toute la vie.

Quand cette tache est blanche, on la voit aisément, & quand elle est noirâtre ou très-superficielle, on ne la peut distinguer ; mais on conjecture qu’elle y est par le rapport du malade.

Selon l’endroit que cette tache occupe, les malades semblent voir devant l’œil, & en l’air, un nuage qui suit l’œil en tous les lieux où la vue se porte.

Les malades en sont plus ou moins incommodés, suivant qu’elle est plus grande, ou plus petite, ou plus profonde, ou plus superficielle.

Les taches du crystallin ne s’effacent point, ainsi les remedes y sont inutiles : elles n’augmentent point, à-moins qu’elles ne s’ulcerent de nouveau ; & elles ne s’ulcerent pas, sans qu’il se fasse une nouvelle fluxion d’humeurs sur cette partie ; mais quand cela arrive, le crystallin s’ulcere quelquefois entierement, & il se forme ainsi une cataracte purulente, ou au-moins une mixte qui tient de la purulente. (D. J.)

TACHÉOGRAPHIE, s. f. (Littérat.) on appelloit ainsi chez les Romains l’art d’écrire aussi vîte que l’on parle, par le moyen de certaines notes dont chacune avoit sa signification particuliere & désignée. Dès que ce secret des notes eut été découvert, il fut bien-tôt perfectionné ; il devint une espece d’écriture courante, dont tout le monde avoit la clé, & à laquelle on exerçoit les jeunes gens. L’empereur Tite, au rapport de Suétone, s’y étoit rendu si habile, qu’il se faisoit un plaisir d’y défier ses secrétaires mêmes. Ceux qui en faisoient une profession particuliere, s’appelloient en grec ταχυγράφοι, & en latin notarii. Il y avoit à Rome peu de particuliers qui n’eussent quelque esclave ou affranchi exercé dans ce genre d’écrire. Pline le jeune en menoit toujours un dans ses voyages. Ils receuilloient ainsi les harangues qui se faisoient en public.

Plutarque attribue à Cicéron l’art d’écrire en notes abregées, & d’exprimer plusieurs mots par un seul

caractere. Il enseigna cet art à Tiron son affranchi ; ce fut dans l’affaire de Catilina qu’il mit en usage cette invention utile, que nous ignorons en France, & dont les Anglois ont perfectionné l’idée, l’usage & la méthode dans leur langue. Comme Caton d’Utique ne donnoit aucune de ses belles harangues, Cicéron voulut s’en procurer quelques-unes. Pour y réussir, il plaça dans différens endroits du sénat deux ou trois personnes qu’il avoit stylées lui-même dans l’art tachéographique, & par ce moyen il eut, & nous a conservé le fameux discours que Caton prononça contre César, & que Salluste a inséré dans son histoire de Catilina : c’est le seul morceau d’éloquence qui nous reste de ce grand homme. (D. J.)

L’art tachéographique est encore en usage en Angleterre.

TACHI-VOLICATI, (Géogr. mod.) bourg de Grece dans la Macédoine ; Nardus croit que c’est l’ancienne Gyrtone. (D. J.)

TACHYGRAPHIE, s. f. (Littérat.) la tachygraphie ou tachéographie, parole composée des mots grecs ταχὺς, vite, & γραφὴ, écriture, est l’art d’écrire avec rapidité & par notes ; elle est aussi quelquefois nommée brachygraphie de βραχὺς, court, & γράφω, j’écris, en ce que pour écrire rapidement, il faut se servir de manieres abregées.

Aussi les Anglois qui sont ceux de tous les peuples du monde qui s’en servent le plus généralement & y ont fait le plus de progrès, l’appellent-ils de ce nom short-hand, main brieve, courte écriture ou écriture abregée.

Herman Hugo dans son traité, de primo scrib. origin. en attribue l’invention aux Hébreux, fondé sur ce passage du pseaume xliv. Lingua mea calamus scribæ velociter scribentis. Mais nous ferons voir, en parlant du notariacon, que leurs abréviations sont beaucoup plus modernes, purement Chaldaïques, & inventées par les rabins, long-tems après la destruction de Jérusalem.

Cependant les anciens n’ignoroient point cet art. Sans remonter aux Egyptiens, dont les hiéroglyphes étoient plutôt des symboles qui représentoient des êtres moraux, sous l’image & les propriétés d’un être physique. Nous trouvons chez les Grecs des tachéographes & semmeiographes, comme on le peut voir en Diogene Laërce & autres auteurs, quoiqu’à raison des notes ou caracteres singuliers dont ils étoient obligés de se servir, on les ait assez généralement confondus avec les cryptographes.

Les Romains qui avec les dépouilles de la Grece transporterent les arts en Italie, adopterent ce genre d’écriture, & cela principalement, parce que souvent les discours des sénateurs étoient mal rapportés & encore plus mal interpretés, ce qui occasionnoit de la confusion & des débats en allant aux voix.

C’est sous le consulat de Cicéron qu’on en voit les premieres traces. Tiron, un de ses affranchis, prit mot à mot la harangue que Caton prononçoit contre Catilina ; Plutarque ajoute qu’on ne connoissoit point encore ceux qui depuis ont été appellés notaires, & que c’est le premier exemple de cette nature.

Paul Diacre, cependant attribue l’invention des premiers 1100 caracteres à Ennius, & dit que Tiron ne fit qu’étendre & perfectionner cette science.

Auguste charmé de cette découverte, destina plusieurs de ses affranchis à cet exercice ; leur unique emploi étoit de retrouver des notes. Il falloit même qu’elles fussent fort arbitraires & dans le goût de celles des Chinois, puisqu’elles excédoient le nombre de cinq mille.

L’histoire nous a conservé le nom de quelques-uns de ces tachygraphes, tels que Perunius, Pilargirus, Faunius & Aquila, affranchis de Mécene.