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aussi communiqué une copie très-exactement figurée à M. Schoeflin, membre de l’académie des Inscript. de Paris.

Ces tablettes postérieures à celles de Saint-Victor de 6 ou 7 ans, comprennent les articles des sommes payées à ceux qui apportoient des présens au roi, des aumônes distribuées dans les lieux de son passage aux pauvres, à des religieux ou religieuses, à des gens qui venoient de tous côtés pour être guéris de ce qu’ils appelloient morbus regis (des écrouelles), de la dépense pour les funérailles des officiers qui mouroient sur la route, des sommes données à l’abbaye de S. Denis pour des anniversaires, aux hôpitaux des lieux par où la cour passoit, à certains officiers, lorsque cela étoit d’usage, outre leurs gages, pour l’achat de chevaux en place de ceux qui mouroient : d’autres sommes pour les offrandes que le roi & les princes, ou la reine, faisoient aux églises qu’ils visitoient : pour celles qu’ils employoient aux jeux : les sommes à quoi étoient évaluées les dixmes, soit du pain seul, soit du pain & du vin que le roi s’obligeoit de payer à quelques monasteres voisins des lieux où il s’arrêtoit pour les repas, suivant d’anciennes concessions : le payement des gages des nouveaux chevaliers, à mesure que le roi en créoit dans ses voyages, & le coût du cheval, ou au-moins du frein doré dont il leur faisoit présent. En général les tablettes de Genève paroissent très-instructives, & il seroit à souhaiter qu’on en eût conservé beaucoup d’autres de ce genre.

On peut tirer plusieurs utilités de ces sortes de tablettes, par rapport à d’anciens usages de la cour, du prince, ou de la nation, comme aussi pour la vérification de certaines époques, sur lesquelles on n’a pas de monumens plus certains. On y trouve avec plaisir le prix de diverses choses de ce tems-là ; par exemple, dans les tablettes en cire de Genève on voit que le cheval de somme & le roussin étoient payés 8 liv. le palfroi 10 liv. le cheval de trait simplement appellé equus, 12, 14 & 16 liv. un grand cheval (sans doute de bataille) fut payé 32 liv. Le sieur de Trie pour avoir employé 24 jours en son voyage d’Angleterre, demanda 150 liv. mais pour son palfroi & deux roussins qui étoient morts, il requit 120 livres : ce qui faisoit alors une somme fort considérable. On accorde à un valet du roi 2 sols 6 deniers pour ses gages par jour, & au cuisinier le double : ce qui est fort cher, si l’on évalue l’argent d’alors à celui de nos jours.

L’article des aumônes de nos rois forme dans les tablettes de Geneve plus de trois grandes pages in-fol. parce qu’on y marquoit le nom, la qualité & le pays des personnes auxquelles elles se faisoient. Mais ce qui mérite d’être observé dans ce détail, c’est qu’on y apprend que les malades qui étoient alors affligés des écrouelles, venoient trouver le roi de toutes les provinces du royaume, & même d’Espagne & d’Italie.

Il n’est pas à présumer que ces gens accourussent de si loin, seulement pour avoir 20 ou 30 sols qu’on leur donnoit en aumône, mais apparemment parce que Philippe le bel les touchoit, quelque jour que ce fût, & sans se faire attendre. Voyez Ecrouelles.

Remarquons encore qu’on qualifioit du titre d’aumône, per elemosynam, tout ce qui se donnoit gratuitement. En vertu de cet usage, l’écrivain de ces mêmes tablettes marque au jeudi 29 Novembre 1308, que ce jour-là, le roi étant à Fontainebleau, Pierre de Condé, clerc de sa chapelle, reçut huit livres, per elemosynam.

Le pere Alexandre, dominicain, voulant établir que la tradition des Provençaux sur la possession du corps de la Magdelaine est très-ancienne, se sert d’une inscription écrite sur une petite tablette enduite de cire, & pour donner du poids à cette inscription, il

dit qu’elle est du ve. siecle de Jesus-Christ, parce qu’on n’a point écrit sur la cire depuis ce siecle là. M. l’abbé Lebeuf, dans un mémoire sur cette matiere, inséré dans le recueil de l’académie des Belles-Lettres, & dont nous venons de profiter, prouve invinciblement contre le dominicain, que l’usage d’écrire sur des tablettes de cire, loin d’avoir cessé avec le v. siecle, a été pratiqué plus ou moins dans tous les siecles suivans, & même dans le dernier siecle.

L’abbé Chatelain de Notre-Dame de Paris témoigne qu’en 1692 les tables du chœur de S. Martin de Savigny, au diocese de Lyon, qui est une maison d’anciens religieux de Clugny, étoient de cire verte, & qu’on écrivoit dessus avec un stilet d’argent. La même chose est attestée pour la fin du même siecle, à l’égard de la cathédrale de Rouen, par le sieur le Brun des Marettes, auteur du voyage liturgique composé alors, & imprimé en 1718, à la réserve qu’on écrivoit le nom des officiers qu’avec un simple poinçon. Peut-être que cet usage ne subsiste plus aujourd’hui à Rouen ; mais il y étoit encore en vigueur en 1722 ; car M. le Beuf y vit alors les officiers de la semaine courante in tabulis sur de la cire. Les Romains s’en servoient à d’autres usages, & presque toujours pour les lettres qu’ils écrivoient à table, souvent entre les deux services, au sénat, au théatre, en voyage dans leurs litieres, &c. Ils nommoient ces petites planches ou tablettes enduites de cire, codicillos. Cicéron les employoit volontiers pour ses billets à Atticus. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tablettes, (Hist. ancien. & mod.) les tablettes que nous employons pour écrire, sont une espece de petit livre qui a quelques feuilles d’ivoire, de papier, de parchemin préparé, sur lesquelles on écrit avec une touche, ou un crayon, les choses dont on veut se souvenir.

Les tablettes des Romains étoient presque comme les nôtres, excepté que les feuillets étoient de bois, dont elles eurent le nom de tabellæ, c’est-à-dire, parvæ tabulæ ; elles contenoient deux, trois, ou cinq feuillets ; & selon le nombre de ces feuillets, elles étoient appellées diptycha, à deux feuillets ; triptycha, à trois feuillets ; penteptycha, à cinq feuillets celles qui avoient un plus grand nombre de feuillets, se nommoient polyptycha, d’où nous avons fait puletica, des poulets, terme dont on se sert encore pour dire des lettres de galanterie, des lettres d’amour. Les anciens écrivoient ordinairement les lettres d’amour sur des tablettes, & la personne à qui on avoit écrit la lettre amoureuse, faisoit réponse sur les mêmes tablettes, qu’elle renvoyoit, comme nous l’apprenons de Catulle, ode 43. (D. J.)

Maniere de faire les tablettes blanches pour écrire avec un poinçon de cuivre. Prenez du gypse criblé & passé par le tamis ; détrempez-le avec de la colle de cerf, ou autre, & en donnez une couche sur les feuilles de parchemin ; quand elle sera seche, vous la raclerez pour la rendre unie & polie ; puis vous donnerez encore une couche comme dessus, & raclerez une seconde fois, après quoi, avec de la céruse bien broyée & tamisée, détrempée dans l’huile de la graine de lin cuite, vous oindrez lesdites tablettes, & les laisserez sécher à l’ombre pendant cinq ou six jours ; cela fait, avec un drap ou linge un peu mouillé, vous les frotterez & unirez ; cela fait, lorsqu’elles auront encore seché dix-huit ou vingt jours, elles seront faites.

Tablettes de bibliotheque, (Antiq. rom.) les latins appelloient pegmata, ou platei, les tablettes des bibliotheques, sur lesquelles on plaçoit les livres.

Ciceron écrit à Atticus, ep. 8. l. IV. en lui parlant de sa bibliotheque : la disposition des tablettes est très-agréable, nihil venustius quam illa tua pegmata. On avoit coutume de ranger dans un même lieu