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une couverture de treillis attachée par des bouts, & lacée par-dessus. La table à tondre est posée sur deux tréteaux de bois inégaux, en sorte qu’elle se trouve un peu en talud, ce que les ouvriers appellent placée en chasse ; elle sert à étendre l’étoffe dessus pour la tondre avec les forces. Les tondeurs se servent encore d’une autre table assez semblable à la premiere, à la reserve qu’elle est faite en forme de pupitre long ; & parce que c’est sur cette table qu’ils rangent ou couchent le poil d’étoffe avec le cardinal & la brosse, & qu’ensuite ils la nettoyent avec la tuile, ils l’appellent, suivant ces différens usages, tantôt table à ranger & à coucher, & tantôt table à nettoyer. Savary. (D. J.)

Table de verre, s. f. (Vitrerie.) c’est du verre qu’on appelle communément verre de Lorraine, qui se souffle & se fabrique à-peu-près comme les glaces de miroirs ; il est toujours un peu plus étroit par un bout que par l’autre, & a environ deux piés & demi en quarré de tout sens : il n’a point de boudine, & sert à mettre aux portieres des carrosses de louage ou de ceux où l’on ne veut pas faire la dépense de véritables glaces ; on en met aussi aux chaises à porteurs. Les tables de verre se vendent au balot ou ballon composé de plus ou moins de liene, suivant que c’est du verre commun ou du verre de couleur. Savary. (D. J.)

Table se dit au jeu de trictrac des deux côtés du tablier où l’on joue avec des dames, & dont on fait des cases.

La table du grand jan est celle qui est de l’autre côté vis-à-vis celle du petit jan. On l’appelle table du grand jan, parce que c’est là qu’on le fait.

La table du petit jan, c’est la premiere table où les dames sont empilées.

Le mot de table se prend encore quelquefois pour les dames mêmes. Voyez Dames.

Table, (Econom. domestiq.) c’est un meuble de bois, dont la partie supérieure est une grande surface plane, soutenue sur des piés ; il est destiné à un grand nombre d’usage dans les maisons ; il y a des tables à manger, à jouer, à écrire. Elles ont chacune la forme qui leur convient.

Table, mensa, (Antiq. rom.) les Romains étalerent une grande magnificence dans les tables dont ils ornerent leurs salles & leurs autres appartemens ; la plûpart étoient faites d’un bois de cedre qu’on tiroit du mont Atlas, selon le témoignage de Pline, l. XLIII. c. xv. dont voici les termes : Atlas mons peculiari proditur sylvâ ; confines ei mauri, quibus plurima arbor cedri, & mensarum insania quas fæminæ viris contra margaritas, tegerunt. On y employoit encore quelquefois un bois beaucoup plus précieux, lignum citrum, qui n’est pas notre bois de citronnier, mais d’un arbre beaucoup plus rare que nous ne connoissons pas, & qu’on estimoit singulierement à Rome. Il falloit être fort riche pour avoir des tables de ce bois ; celle de Cicéron lui coutoit près de deux mille écus ; on en vendit deux entre les meubles de Gallus Asinius, qui monterent à un prix si excessif, que s’il en faut croire le même Pline, chacune de ces tables auroit suffi pour acheter un vaste champ. Voyez Citronnier.

L’excès du prix des tables romaines provenoit encore des ornemens dont elles étoient enrichies. Quant à leur soutien, celles à un seul pié se nommoient monopodia, celles sur deux piés bipedes, & celles sur trois piés tripedes ; les unes & les autres étoient employées pour manger ; mais les Romains ne se servoient pas comme nous d’une seule table pour tout le repas, ils en avoient communément deux ; la premiere étoit pour tous les services de chair & de poisson ; ensuite on ôtoit cette table, & l’on apportoit la seconde sur laquelle on avoit servi le fruit ; c’est à cette seconde table qu’on chantoit &

qu’on faisoit des libations. Virgile nous apprend tout cela dans ces deux vers de l’Enéide, ou il dit :

Postquam prima quies epulis, mensæque remotæ
Crateras magnos statuunt, & vina coronant.

Les Grecs & les Orientaux étoient dans le même usage. Les Hébreux même dans leurs fêtes solemnelles & dans leurs repas de sacrifice avoient deux tables ; à la premiere ils se régaloient de la chair de la victime, & à la seconde ils donnoient à la ronde la coupe de bénédiction, appellée la coupe de louange.

Pour ce qui regarde la magnificence des repas des Romains & le nombre de leurs services, nous en avons parlé sous ces deux mots. Autant la frugalité étoit grande chez les premiers Romains, autant leur luxe en ce genre étoit extrème sur la fin de la république ; ceux même dont la table étoit mesquine étaloient aux yeux des convives toute la splendeur de leurs buffets. Martial, l. IV. épigr. se plaint agréablement de cet étalage au milieu de la mauvaise chere de Varus.

Ad cœnam nuper Varus me fortè vocavit
Ornatus, dives ; parvula cœna fuit.
Auro non dapibus oneratur mensa, ministri
Apponunt oculis plurima, pauca gulæ.
Tunc ego : non oculos, sed ventrem pascere veni,
Aut appone dapes, Vare, vel aufer opes.

Ces vers peuvent rappeller au lecteur le conte de M. Chevreau, qui est dans le Chevreanâ, tome II. « Je me souviens, dit-il, que Chapelle & moi ayant été invités chez *** qui nous régala suivant sa coutume, Chapelle s’approcha de moi immédiatement après le repas, & me dit à l’oreille : Où allons-nous dîner au sortir d’ici » ?

J’ai parlé ci-dessus des tables des Romains, à un, à deux & à trois piés, mais je devois ajouter que leur forme fut très-variable ; ils en eurent de quarrées, de longues, d’ovales, en fer à cheval, &c. toujours suivant la mode. On renouvella sous le regne de Théodore & d’Arcadius celle des tables en demi-croissant, & on les couvroit après avoir mangé d’une espece de courte-pointe ou de matelas-pour pouvoir coucher dessus & s’y reposer ; ils ne connoissoient pas encore nos lits de repos, nos duchesses, nos chaises longues. A cela près, le luxe des seigneurs de la cour du grand Théodore & de ses fermiers méritoit bien la censure de saint Chrysostôme. On voyoit, dit-il, auprès de la table sur laquelle on mangeoit, un vase d’or que deux hommes pouvoient à peine remuer, & quantité de cruches d’or rangées avec symmétrie. Les laquais des convives étoient de jeunes gens, beaux, bienfaits, aussi richement vêtus que leur maîtres, & qui portoient de larges braies. Les musiciens, les joueurs de harpes & de flûtes amusoient les conviés pendant le repas. Il n’y avoit point à la vérité d’uniformité dans l’ordre des services, mais tous les mets étoient fort recherchés ; quelques-uns commençoient par des oiseaux farcis de poisson haché, & d’autres donnoient un premier service tout différent. En fait de vins, on vouloit celui de l’île de Thasos, si renommé dans les auteurs grecs & latins. Le nombre des parasites étoit toujours considérable à la table des grands & des gens riches, mais les dames extrèmement parées en faisoient le principal ornement ; c’est aussi leur luxe effréné que saint Chrysostôme censure le plus. « Leur faste, dit-il, n’a point de bornes : le fard regne sur leurs paupieres & sur tout leur visage ; leurs jupes sont entrelacées de fils d’or, leurs colliers sont d’or, leurs bracelets sont d’or ; elles vont sur des chars tirés par des mulets blancs dont les renes sont dorées, avec des eunuques à leur suite, & grand nombre de femmes & de filles de chambre ». Il est vrai