langues ; mais ce n’est pas la pluralité purement numérale............ C’est celle qui vient de la diversité, telle qu’elle brille dans les productions de la nature....... Je ne fais donc cas de la quantité des mots que par celle de leur valeur. S’ils ne sont variés que par les sons ; & non par le plus ou le moins d’énergie, d’étendue & de précision, de composition ou de simplicité, que les idées peuvent avoir ; ils me paroissent plus propres à fatiguer la mémoire, qu’à enrichir & faciliter l’art de la parole. Protéger le nombre des mots sans égard au sens, c’est, ce me semble, confondre l’abondance avec la superfluité. Je ne saurois mieux comparer un tel goût qu’à celui d’un maître-d’hôtel qui feroit consister la magnificence d’un festin dans le nombre des plats plutôt que dans celui des mets. Qu’importe d’avoir plusieurs termes pour une seule idée ? N’est-il pas plus avantageux d’en avoir pour toutes celles qu’on souhaite d’exprimer ? » On doit juger de la richesse d’une langue, dit M. du Marsais, (Trop. pag. 309.) par le nombre des pensées qu’elle peut exprimer, & non par le nombre des articulations de la voix : & il semble en effet que l’usage de tous les idiomes, tout indélibéré qu’il paroît, ne perde jamais de vue cette maxime d’économie ; jamais il ne légitime un mot synonyme d’un autre, sans proscrire l’ancien, si la synonymie est entiere ; & il ne laisse subsister ensemble ces mêmes mots, qu’autant qu’ils sont réellement différenciés par quelques idées accessoires qui modifient la principale.
« Les synonymes des choses, dit M. le Président de Brosses, dans un mémoire dont j’ai déja tiré bon parti ailleurs, viennent de ce que les hommes les envisagent sous différentes faces, & leur donnent des noms relatifs à chacune de ces faces. Si la rose est un être existant réellement & de soi dans la nature, sa maniere d’exciter l’idée étant nette & distincte, elle n’a que peu ou point de synonymes, par exemple, fleur ; mais si la chose est une perception de l’homme relative à lui-même, & à l’idée d’ordre qu’il se forme à lui-même pour sa convenance, & qui n’est qu’en lui, non dans la nature, alors comme chaque homme a sa maniere de considérer & de se former un ordre, la chose abonde en synonymes » (mais dans ce cas-là même, les différentes origines des synonymes démontrent la diversité des aspects accidentels de la même idée principale, & justifient la doctrine de la distinction réelle des synonymes) ; « par exemple, une certaine étendue de terrein se nomme région, eu égard à ce qu’elle est régie par le même prince ou par les mêmes lois : province, eu égard à ce que l’on y vient d’un lieu à un autre (provenire.) » [L’i & le c de provincia me feroient plutôt croire que ce mot vient de procul & de vincere, conformément à ce qu’en dit Hégésippe cité par Callepin (verb. provincia) ; scribit enim Hegesippus, dit-il, Romanos cùm vincendo in suam potestatem redigerent procui positas regiones, appellavisse provincias : ou bien du verbe vincire, qui rendroit le nom de provincia applicable aux régions mêmes qui se soumettroient volontairement & par choix à un gouvernement : ce qui se confirme par ce que remarque Cicéron (Verrin. iv.) que la Sicile est la premiere qui ait été appellée province, parce qu’elle fut la premiere qui se confia à l’amitié & à la bonne foi du peuple romain ; mais toutes ces étymologies rentrent également dans les vues de M. le président de Brosses, & dans les miennes] : « contrée, parce qu’elle comprend une certaine étendue circonvoisine (tractus, contractus, contrada) : district, en tant que cette étendue est considérée comme à part & séparée d’une autre étendue voisine (districtus, distractus) : pays, parce qu’on a coutume
de fixer les habitations près des eaux : car c’est ce que signifie le latin pagus du grec πηγὴ, fons : état, en tant qu’elle subsiste dans la forme qui y est établie, &c.... Tous ces termes passent dans l’usage : on les généralise dans la suite, & on les emploie sans aucun égard à la cause originelle de l’institution. Cette variété de mots met dans les langues beaucoup d’embarras & de richesses : elle est très incommode pour le vulgaire & pour les philosophes qui n’ont d’autre but en parlant que de s’expliquer clairement : elle aide infiniment au poëte & à l’orateur, en donnant une grande abondance à la partie matérielle de leur style. C’est le superflu qui fournit au luxe, & qui est à charge dans le cours de la vie à ceux qui se contentent de la simplicité. »
De la diversité des points de vue énoncés par les mots synonymes, je conclurois bien plutôt que l’abondance en est pour les philosophes une ressource admirable, puisqu’elle leur donne lieu de mettre dans leurs discours toute la précision & la netteté qu’exige la justesse la plus métaphysique ; mais j’avoue que le choix peut leur donner quelque embarras, parce qu’il est aisé de se méprendre sur des différences quelquefois assez peu sensibles. « Je ne disconviens pas qu’il n’y ait des occasions où il soit assez indifférent de choisir ; mais je soutiens qu’il y en a encore plus où les synonymes ne doivent ni ne peuvent figurer l’un pour l’autre, surtout dans les ouvrages médités & composés avec réflexion. S’il n’est question que d’un habit jaune, on peut prendre le souci ou le jonquille ; mais s’il faut assortir, on est obligé à consulter la nuance (préf. des synon.) »
M. de la Bruyere remarque (caract. des ouvrages d’esprit) qu’entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n’y en a qu’une qui soit la bonne : que tout ce qui ne l’est point, est foible, & ne satisfait pas un homme d’esprit qui veut se faire entendre. « Ainsi, dit M. du Marsais, (trop. pag. 307), ceux qui se sont donné la peine de traduire les auteurs latins en un autre latin, en affectant d’éviter les termes dont ces auteurs se sont servis, auroient pu s’épargner un travail qui gâte plus le goût qu’il n’apporte de lumiere. L’une & l’autre pratique (il parle de la méthode de faire le thème en deux façons) est une fécondité stérile qui empêche de sentir la propriété des termes, leur énergie, & la finesse de la langue. » (E. R. M. B.)
SYNONYMIE, s. f. (Belles-Lettres.) figure de rhétorique où l’on emploie plusieurs mots synonymes ou différens termes qui tous ont la même signification, dans le dessein d’amplifier ou d’enfler le discours. Voyez Synonyme & Amplification.
Tel est ce passage de Cicéron, abiit, evasit, excessit, erupit, pour dire que Catilina est sorti de Rome.
Ce mot est formé du grec σὺν, & ὄνομα, nom.
SYNOQUE, (Médec.) σύνοχος, en latin febris continens, fievre renfermée dans un seul paroxisme depuis le commencement jusqu’à la fin, & prolongée pendant plusieurs jours de suite ; le terme σύνοχος n’est pas proprement grec ; car il faudroit dire avec Hippocrate συνεχέες πυρετός ; mais il a été forgé par le tems à l’effet de rendre une idée pour laquelle on manquoit d’expression, ensuite on a établi deux especes de fievres synoques, savoir la fievre synoque simple & la fievre synoque putride. Voyez Synoque simple & Synoque putride. (D. J.)
Synoque simple, (Médec.) sorte de fievre continue sans redoublement, ni rémission depuis le commencement jusqu’à la fin, & qui s’étend au-delà de quatre jours, sans être cependant ni dangereuse ni putride ; c’est proprement une fievre éphemere, prolongée au-delà des vingt-quatre heures, mais qui ne va pas jusqu’au septieme jour.