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que l’eau, se mêle avec elle, à-moins qu’on ne le verse fort doucement, ou à-moins qu’on ne le verse sur quelque corps nageant sur la surface de l’eau (tel par exemple, qu’une tranche de pain), & qui amortisse la force que le vin peut avoir reçu en tombant. (O)

Sympathie, (Physiolog.) cette convenance d’affection & d’inclination ; cette vive intelligence des cœurs, communiquée, répandue, sentie avec une rapidité inexplicable ; cette conformité de qualités naturelles, d’idées, d’humeurs & de tempéramens, par laquelle deux ames assorties se cherchent, s’aiment, s’attachent l’une à l’autre, se confondent ensemble, est ce qu’on nomme sympathie. Quelle est rare & délicieuse, sur-tout quand elle est si forte, que pour me servir des termes d’un auteur anglois, il ne peut naître de troisieme amour entre deux ! mais ce n’est point de cette heureuse liaison, dont je dois entretenir le lecteur. Il s’agit ici de cette communication qu’ont les parties du corps les unes avec les autres, qui les tient dans une dépendance, une position, une souffrance mutuelle, συνπάθεια, & qui transporte à l’une des douleurs, les maladies qui affligent l’autre. Il est vrai pourtant que cette communication produisoit aussi quelquefois par le même méchanisme un transport, un enchaînement de sensations agréables.

La sympathie, en physique anatomique, est donc l’harmonie, l’accord mutuel qui regne entre diverses parties du corps humain par l’entremise des nerfs, merveilleusement arrangés, & distribués pour cet effet.

La nature s’est proposé trois choses principales dans leur distribution ; 1°. de donner du sentiment aux organes des sens.

2°. De donner du mouvement aux muscles & aux fibres.

3°. De mettre les parties du corps dans une dépendance réciproque les unes des autres. L’œil, comme s’exprime un écrivain sacré (c’est S. Paul), ne peut pas dire à la main, je n’ai que faire de toi, ni la tête aux piés, je n’ai que faire de vous : ainsi les nerfs sont autant de renes dont l’ame se sert pour tourner le corps de tous côtés ; ce n’est qu’à eux que les parties doivent leurs mouvemens ; les rameaux que leur envoient les mêmes troncs, ou ceux qui se communiquent, les tiennent dans une dépendance mutuelle, & portent à l’une les maux ou les plaisirs, qui affligent l’autre.

Fausse hypothèse sur la sympathie. Quelques auteurs ont attribué cette espece de commerce qui se trouve entre les parties, aux membranes qui leur sont communes ; mais il n’y eut jamais d’opinion moins fondée ; l’expérience nous apprend que les membranes perdent le sentiment de l’action, dès qu’elles n’ont plus de liaison avec les nerfs ; ce n’est donc pas sur elles qu’on doit rejetter les accidens qui s’étendent d’une partie à l’autre ; souvent la partie qui partage la couleur d’une autre est fort éloignée, & ce qui se trouve dans l’entredeux, ne souffre point.

Comment pourroit-il se faire qu’une membrane qui transporte ces mouvemens irréguliers, ne fît aucun ravage dans le milieu ? D’ailleurs, ceux qui soutiennent l’opinion dont nous parlons, s’imaginent que c’est par des oscillations que les membranes se communiquent leurs mouvemens ; mais qui pourra croire que des membranes pressées fortement de tous côtés, attachées à chaque point de leur surface, flottantes dans une infinité d’endroits, lâches presque partout, conduites par plusieurs détours, soient capables de vibrations ? Ce n’est donc qu’aux nerfs & aux vaisseaux qu’il faut rapporter la sympathie qui se trouve entre les parties du corps. Entrons dans l’explication de ce méchanisme.

Sympathie de la tête avec d’autres parties du corps expliquées. Dans diverses maladies du cerveau, comme dans les contusions, les yeux s’enflamment ; le suc nerveux porté dans les nerfs qui vont à l’œil, donne beaucoup de force aux vaisseaux, & pousse le sang dans les arteres lymphatiques ; les nerfs de la troisieme, quatrieme & sixieme paires, mettent les muscles en convulsion, & le regard devient féroce, ce qui pronostique le délire prochain.

Les douleurs de l’oreille sont des plus aiguës ; le grand nombre de rameaux de la septieme paire, & sa communication avec la huitieme, en donnent la raison ; il survient des pustules à la langue, & quelquefois on ne peut plus parler quand le cerveau est abscédé : d’abord les nerfs envoient beaucoup de suc dans les muscles de la langue, y engorgent les vaisseaux, & forment par-là des pustules ; enfin par la violente compression des nerfs, la langue devient paralytique.

Dans les blessures de tête, on vomit de la bile ; en voici la raison ; par l’action des nerfs qui vont à ce viscere, les tuyaux sont resserrés, & comme le sang n’a pas un grand mouvement, il s’accumule & filtre plus de bile ; mais l’action ne doit pas se terminer seulement au soie, elle peut s’étendre sur d’autres parties ; aussi a-t-on remarqué que dans les blessures de tête, il se répandoit dans la cuisse un engourdissement ; l’intercostal qui s’étend aux cuisses, explique ce phénomene.

Sympathie des yeux expliquée. Les parties de la tête qui sont hors du crâne, ont beaucoup d’empire sur les autres. 1°. Les yeux reçoivent des nerfs de la cinquieme paire ; ainsi la dure-mere est agitée quand les yeux le sont ; de-là vient que l’ophthalmie produit une douleur de tête avec des battemens : 2°. quand un œil est attaqué, l’autre l’est dans la suite, c’est peut-être parce que les deux branches de la troisieme paire sortent du même endroit : 3°. quand les humeurs d’un œil s’écoulent par quelque blessure, l’autre diminue ; cet accident vient du vaisseau sympathique, lequel communique avec les deux yeux : 4°. les yeux nous marquent les passions ; parce que la cinquieme paire qui se répand dans l’œil, communique avec les nerfs des visceres : dès qu’il y a quelque grande agitation dans le cerveau, le suc nerveux qui est envoyé dans les nerfs des yeux, y imprime divers mouvemens. 5°. La diarrhée, selon Hippocrate, guérit l’ophtalmie ; cela doit être ainsi, puisqu’alors les vaisseaux engorgés dans les yeux se desemplissent. 6°. Dans certaines maladies, les yeux se bouffissent, parce que le sang ne peut pas retourner par les veines, car quand on lie la jugulaire d’un chien, son œil se gonfle extraordinairement. 7°. Dans les grandes passions, il succede une inflammation de l’œil ; cela vient de ce que les nerfs contractent les extrémités capillaires des arteres ; alors le sang étant accumulé, & poussé avec plus de force, se jette dans les arteres lymphatiques de l’œil. 8°. Quand le corps est privé de nourriture, les yeux s’enfoncent, parce que ce qui forme leur masse, & la graisse qui les environne diminue. 9°. Comme il y a beaucoup de houpes nerveuses dans les paupieres, elles doivent être sensibles ; & quand elles seront fort irritées, il pourra survenir des convulsions dans tout le corps, à cause des communications de la cinquieme paire d’où elles tirent leur naissance.

Sympathie des narines expliquée. La dépendance mutuelle des narines & du diaphragme s’explique par le nerf intercostal, qui donne un rameau au diaphragme, & en reçoit un de chaque côté des nerfs diaphragmatiques. Baglivi s’est imaginé, que le nez avoit quelque liaison particuliere avec les intestins, parce que quand on fume, on est quelquefois purgé ; mais c’est qu’alors, on a avalé de la fumée de tabac.