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La grande Bretagne, qui est une île, se reconnoit par le gouvernail sur lequel elle s’appuie, & par une proue de navire à ses piés, ainsi que par la forme du bouclier & du javelot plus long que le romain.

Les villes particulieres ont eu aussi des symboles, sur lesquels je ne m’étends point, parce qu’ordinairement la légende les indique ; outre qu’ayant à parler des animaux, je vais être forcé de faire mention de la plûpart de ces symboles.

L’abeille est l’emblème de la ville d’Ephese, parce que les muses, sous la figure d’abeilles, y conduisoient la flotte des Athéniens, qui, selon l’oracle de Delphes, formerent en même tems treize colonies. Les médailles latines où l’on trouve des abeilles représentées, ont été frappées à Rome pendant le tems de la république, & elles entrent dans la suite des consulaires. Voyez la dissertation intitulée : Jo. Petri Bellorii notæ in numismata, tùm Ephesia, tùm aliarum urbium, apibus insignita, Rom. 1658, in-4°.

L’aigle est le symbole naturel des légions, dont il étoit la principale enseigne. Il signifie la puissance souveraine, parce que Jupiter s’en sert pour porter son foudre. On le donne aussi aux ministres des princes, dont on veut qu’il marque les bonnes qualités, parce qu’Œlien déclare que ces oiseaux ne mangent point de chair, ne vont jamais à la proie, & ne vivent que de certaines herbes.

Le bœuf ou le taureau désigne cent choses différentes. Sur les médailles d’Egypte, c’est Apis ; on s’en sert aussi pour marquer la consécration d’Antinoüs, que les Egyptiens mirent au nombre de leurs dieux comme un second Apis. Sur d’autres médailles, ils signifient la force, la patience, la paix, favorable au laboureur ; enfin les sacrifices où ces animaux servoient de victimes : alors ils ont les cornes chargées de rubans, & on les appelle tauri vittati, ou insutali, ou mithrati.

Quand ils sont en posture de frapper de la corne, ils annoncent la guerre ou simplement des combats de taureaux qu’on a donnés pour spectacle. Quand ils sont ou passans ou accouplés, & conduits par un homme voilé, ils marquent les colonies dont on traçoit l’enceinte avec la charrue.

On sait peut-être la cérémonie qui se pratiquoit pour les villes qu’on vouloit bâtir. On atteloit, non pas une paire de bœufs, mais un bœuf & une vache, & on mettoit le bœuf en-dehors & la vache en-dedans. Le sens de ce mystere est que le bœuf marque les hommes qui doivent aller & venir pour les affaires, & la vache marque les femmes qui doivent garder le logis & prendre soin du domestique.

Le cancre décele les villes maritimes. C’est encore le symbole de la prudence, & il est consacré à Minerve, déesse de la sagesse, à cause de l’industrie qu’il a de se défaire de son écaille, quand il en est incommodé. On le trouve joint à un papillon, à cause du bon mot d’Auguste, festina lente.

Le capricorne, ou simple ou double, est le symbole de cet empereur. On croit que c’est le signe sous lequel ce prince vint au monde, & qu’il marquoit l’horoscope qui lui fut faite à Apollonie par Théogene, lorsqu’il lui prédit l’empire. Cette opinion cependant se trouve combattue par les savans, qui soutiennent qu’Auguste n’est point né sous le capricorne.

Le cerf fait connoître Ephese & les autres villes où Diane étoit singulierement honorée.

Le chameau nous annonce l’Arabie.

Le cheval dans les médailles puniques est le symbole de Carthage, bâtie, selon l’oracle, dans le lieu où l’on apperçut une tête de cheval. Les chevaux paissans marquent la paix & la liberté, ou simplement un pays abondant en pâturages. Le cheval bondissant dénote l’Espagne fertile en excellens chevaux.

Quelquefois il désigne les victoires remportées dans les jeux publics, comme sur les médailles du roi Hiéron. Quelquefois c’est le bucéphale d’Alexandre, ou simplement l’emblème des rois de Macédoine.

Le chien est l’image de la fidélité. On le donne à Mercure, à cause de sa vigilance & de son industrie à découvrir ce qu’il quête. Diane a ses levriers pour symbole. Quand le chien est auprès d’une coquille & qu’il a le museau barbouillé de rouge, il marque la ville de Tyr ; car c’est là que le chien d’Hercule, ayant mangé le murex, en revint le nez tout empourpré, & fit connoître cette belle couleur. On possede une médaille d’argent consulaire de la famille Mamilia, sur laquelle l’on voit d’un côté la tête de Mercure couverte du pétase, & le caducée derriere. De l’autre est un homme en habit de voyageur, qui s’appuie de la main gauche sur un grand bâton, & qui tend la main droite sur un chien qui semble le reconnoître & s’approcher pour le caresser. Tout le monde reconnoît là l’aventure d’Ulysse racontée dans l’Odyssée d’Homere. La légende de ce côté de la médaille est C. Mamillimea. Elle a été restituée par Trajan.

La cicogne qui nourrit son pere & sa mere durant leur vieillesse, est le symbole de la piété. Elle se place ordinairement aux piés de cette déesse, ou à côté des enfans qui ont singulierement honoré leurs parens.

Le coq, est l’attribut de la vigilance. On le donne au dieu Lunus & à Mercure ; quelquefois à Bacchus, parce qu’on le lui sacrifioit pour la conservation des vignes. Il dénote aussi les combats & la victoire.

La corneille, est le symbole d’Apollon le dieu des devins. Quand elle est perchée, elle désigne la foi conjugale.

Le crocodile, représente le Nil & l’Egypte qu’il arrose, parce qu’il naît dans ce fleuve. Quelquefois il marque des spectacles, où l’on avoit donné le plaisir au peuple de voir ces animaux extraordinaires.

Le dauphin, entortillé à un trident ou à une ancre, spécifie la liberté du commerce & l’empire de la mer. Quand il est joint à un trépié d’Apollon, il caractérise le sacerdoce des quinze-virs, qui pour annoncer leurs sacrifices solemnels, portoient par toute la ville un dauphin au bout d’une perche, & qui regardoient ce poisson comme étant consacré à Apollon, ainsi que la corneille parmi les oiseaux.

L’éléphant figure l’éternité, parce qu’il est d’une très-longue vie. Plus souvent néanmoins, il marque les jeux publics, où l’on en exposoit aux yeux du peuple.

Dans les médailles de Jules, du tems de la république, lorsqu’il n’étoit pas encore permis de mettre sa tête sur les monnoies, il fit graver à la place cet animal, dit le P. Jobert, parce qu’en langue punique, cæsa signifie un éléphant. Mais il n’est pas vraissemblable que César ait employé cette frivole équivoque ; de plus, l’histoire nous apprend que le surnom de César étoit dans la famille des Jules, dès le tems de la seconde guerre punique.

La harpie, est l’emblême de la valeur.

Le hibou, qui voit comme le chat dans les ténebres, est le symbole de la sagesse ; il est consacré à Minerve, & placé quelquefois sur son casque, quelquefois à ses piés.

L’hipopotame, représente le Nil & l’Egypte que ce fleuve arrose.

Le lievre & le lapin sont le symbole de l’Espagne ; on en voit aussi sur les médailles de Sicile. Ils caractérisent en général l’abondance, à cause de leur fécondité.

Le loup & la louve signifient, ou l’origine de la ville de Rome, fondée par les deux freres qu’on publioit avoir été allaités par une louve, ou simple-