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figure nue, couronnée de rayons, avec un fouet à la main, à cause de la rapidité de sa course.

Les figures couchées & appuyées sur une vase sont les fleuves ; quelquefois cependant les rivieres paroissent comme des figures à mi-corps qui nagent dans l’eau.

M. Vaillant assûre que les fleuves ne sont représentés couchés, que quand ils en reçoivent d’autres qui les grossissent, & qu’alors le fleuve qui porte ses eaux dans un autre est représenté debout.

Mais cette remarque de M. Vaillant est détruite par plusieurs médailles ; je me contenterai d’en citer deux. La premiere, qui est de Gordien Pie, a été frappée par les Saïtténiens dans la Lydie : on y voit au revers deux figures couchées avec des joncs & des urnes ; ce sont deux rivieres, dont l’une, qui est le Pactole ou l’Hyllus, se jette dans l’Hermus. Dans la seconde médaille, qui est d’Apamée, on voit le Méandre & le Marsyas, tous les deux couchés, quoique le Marsyas se jette dans le Méandre. Ces deux médailles sont citées par M. Spanheim dans une de ses lettres à Morel.

Les figures couchées dans des lits sont des exemples d’une cérémonie particuliere aux payens, nommée lectisterne. En effet, dans les grandes nécessités, comme pour faire cesser les maladies contagieuses, ils mettoient dans des lits magnifiques des idoles de certaines déités, comme Apollon, Diane, Latone, Cérès, la Fortune, Neptune, Hercule, Mercure. Tite-Live prétend que cette superstition, qu’Arnobe reproche aux payens, commença l’an 366 de Rome.

Il faut parler maintenant des symboles des provinces & des villes.

Les provinces ont pareillement des marques qui les font connoître, soit dans leur habillement, soit dans les symboles qui les environnent.

L’Afrique est coëffée d’une tête d’éléphant. Elle a auprès d’elle un scorpion, un serpent ou un lion, tous animaux qui naissent dans ce pays. On y voit quelquefois des montagnes, à cause de celles qui s’élevent jusque aux nues, dans la Mauritanie Tingitane.

L’Asie est désignée par le serpent & par un gouvernail, pour montrer que c’est un pays où l’on ne pouvoit aller que par mer. Je ne sai si les deux serpens sur la médaille d’Auguste, Asiâ subactâ, ne signifient pas plutôt que l’Asie divisée entre lui & M. Antoine revint en entier à Auguste, après la bataille d’Actium.

L’Europe n’a point de symbole particulier ; car les médailles où l’on voit Europe enlevée par Jupiter transformé en taureau, sont les médailles de Sidon.

L’Orient est figuré par une tête jeune, couronnée de rayons ; souvent le mot Orient y est exprimé.

La Macédoine est vêtue en cocher, le fouet à la main, ou parce qu’elle fournissoit d’excellens chevaux, ou parce qu’elle honoroit particulierement le soleil. Les médailles de ce pays-là portent aussi la massue d’Hercule, dont les rois de Macédoine se vantoient de descendre.

La Mauritanie se marque par un cheval & par une houssine, à cause de la vîtesse de ses coursiers, à qui l’on ne donnoit jamais de l’épéron, comme on ne leur mettoit jamais de mors à la bouche.

L’Egypte se connoît par le sistre, par l’ibis & par le crocodile. Alexandrie prend un bouquet d’épics & un sep de vigne.

L’Achaïe se distingue par un lapin, dont elle nourrit grande quantité, ce qui l’a fait nommer par Catulle Cuniculosa. On la voit en habit de soldat, avec un petit bouclier, & deux javelots, à cause de la valeur de ses peuples. Elle tient des épics, à cause de sa fertilité.

La Gaule a une espece de javelot, que Virgile nomme gæsum. Elle est vêtue d’une saie, assez semblable au juste-au-corps qu’on y porte aujourd’hui. La saie étoit un habit militaire.

La Judée est en robe, & se connoît par le palmier qu’elle porte, ou contre lequel elle est appuyée ; c’est parce qu’elle fait partie de la Phénicie, à qui proprement appartient le palmier, dont elle a pris le nom ΦΟΙΝΙΚΗ.

L’Arabie se marque par le chameau qui, dans ce pays-là, va plus vîte que le cheval, à ce que dit Aristote, par la canne parfumée & par l’arbre qui porte l’encens.

La Dace est représentée en habit de femme, portant un javelot avec une tête d’âne, type de sa valeur ; les anciens ayant nommé cet animal ζῷον ἀήττητον, & en ayant fait en Orient la monture des princes : quelquefois c’est une tête de bœuf ou de cheval, qui sert de symbole à la Dace, à cause des trompettes paphlagoniennes dont le son approchoit fort du cri de ces animaux. Elle est aussi quelquefois assise sur une cotte d’armes, avec une palme & une enseigne, à cause de la bravoure de son peuple.

La Sicile est désignée par une tête au milieu de trois cuisses, qui sont ses trois promontoires. Elle a quelquefois une faucille & des épics, pour faire connoître sa fertilité.

La Pannonie est marquée par deux figures de femmes vêtues à cause de la froideur du climat ; elle tient des enseignes militaires à la main, pour caractériser la vaillance de ses habitans.

L’Italie, comme reine du monde, est assise sur un globe, la couronne tourelée sur la tête, à cause de la quantité de villes qu’elle renferme, & qui marque son empire sur l’univers ; la corne d’abondance qu’elle tient d’une main, désigne sa fertilité. Ce type de l’Italie se rencontre sur les médailles de Titus, d’Antonin-Pie, de Commode, &c. Dans Hadrien, l’Italie est représentée debout, s’appuyant de la main droite sur une haste sans fer, & tenant de la gauche une corne d’abondance. La légende est Italia.

La Germanie est taillée en grande femme, avec un javelot & un bouclier, plus long & plus étroit que ceux des Romains. Les Grisons & la ville d’Ausbourg ont pour symbole la pomme de pin, à cause de la quantité de pins qui se trouvent sur les Alpes voisines du pays, dit Ortélius.

L’Arménie porte le bonnet en coqueluche, avec l’arc & les fleches.

Le royaume des Parthes est représenté par une femme habillée à la mode du pays, avec l’arc & le carquois, à cause de l’habileté des Parthes à tirer des fleches, même en fuyant.

La Bithynie tient un cartouche pareil à celui qu’on met à la main de la Libéralité. Ce symbole pourroit bien être particulier aux médailles d’Adrien, restitutori Bithyniæ, & peindre les largesses que fit ce prince, pour rétablir les villes de ce pays que les tremblemens de terre avoient renversées, principalement Nicomédie & Nicée.

La Cappadoce porte la couronne tourelée, & un guidon de cavalerie, qui marque les troupes que les Romains en tiroient. Elle est aussi ordinairement accompagnée du mont Argée, soit qu’elle le tienne à la main, soit qu’on le voie placé à ses piés. On sait que les Cappadociens l’adoroient comme une déité.

La Mésopotamie figure entre deux fleuves, le Tygre & l’Euphrate, avec une espece de mitre sur la tête, dit Antoine Augustin ; mais si la médaille de Trajan qu’il cite est celle sur laquelle nous lisons Armenia & Mesopotamia in potestatem P. R. redactæ, il y a grande apparence qu’il a pris l’un des deux fleuves, qui figure la Mésopotamie pour la province même.