Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou plutôt ses paupieres desséchées ne se ferment jamais. La nuit a beau faire disparoître le jour & répandre ses voiles sombres, il prolonge sa tâche à la faveur d’une lumiere artificielle.

« Il admiroit d’un œil inquiet le Sommeil immobile, étendu par terre, respirant profondément, également insensible aux disgraces de ceux que maltraite la fortune, & à la prospérité de ceux qu’elle éleve. C’est lui qui donne le repos au corps, le délassement au laboureur, la paix & la tranquillité à l’ame. Il est le compagnon de la nuit, & fait la meilleure partie de notre vie sur la terre. Quelquefois il nous rappelle le passé par des songes, nous annonce les événemens prochains, & plus souvent encore ceux qui ne seront jamais.

« A la porte de la Mort étoit son messager, vieillard décrépit, courbé sous le poids des années, sans dents, & presque aveugle. Il marchoit sur trois piés, & se traînoit quelquefois sur quatre. A chaque pas qu’il faisoit, on entendoit le cliquetis de ses os desséchés. La tête chauve, le corps décharné, il heurtoit de son poing sec à la porte de la Mort, hâletant, toussant, & ne respirant qu’avec peine.

« « Aux côtés du vieillard étoit la pâle Maladie accablée dans un lit, sans pouls, sans voix, sans goût, & rendant une haleine infecte, objet d’horreur à ceux qui la regardent.

« Un spectacle non moins déplorable s’offroit près d’elle ; c’étoit la Famine qui, jettant d’affreux regards, demandoit de la nourriture, comme étant prête à expirer. Sa force est si grande, que les murailles même ne sauroient lui résister. Ses ongles crochus arrachent & déchirent tout ce qui se présente ; elle se dévore elle-même, rongeant sa carcasse hideuse, dont on peut compter les os, les nerfs & les veines. Tandis que le poëte avoit sur elle les yeux fixés & mouillés de larmes de sang à la vue d’un pareil objet, elle jette tout-d’un-coup un cri dont l’enfer même retentit. On vit à l’instant un dard enfoncé au milieu de sa poitrine, & ce dard venoit ouvrir un passage à sa vie.

« Enfin parut la Mort elle-même, divinité terrible qui, la faulx à la main, moissonne indistinctement tout ce qui respire sur la terre, sans que les prieres, les larmes, la beauté, le mérite, la grandeur, la puissance, les royaumes, les empires, les forces réunies des mortels & des dieux puissent soustraire personne à son pouvoir irrésistible. Tout est contraint de subir ses lois inexorables ».

Kidder (Richard), savant évêque de Bath & Wells, naquit en 1649, & publia plusieurs ouvrages théologiques. Il fut tué dans son lit à Wells avec sa femme, par la chûte d’une rangée de cheminée que renversa sur sa maison la violente tempête du 26 Novembre 1703. On a fait plusieurs éditions de son livre intitulé, les devoirs de la jeunesse. Sa démonstration du Messie parut à Londres en 1684, 1699 & 1700, en trois volumes in-8°. Son commentaire sur les cinq livres de Moïse, avec une dissertation sur l’auteur du Pentateuque, a été imprimé à Londres en 1694, deux volumes in-8°.

May (Thomas), poëte & historien, naquit sous le regne de la reine Elisabeth, & mourut subitement dans une nuit de l’année 1652. Il a donné 1°. cinq pieces de théâtre. 2°. Un poëme sur le roi Edouard III. imprimé à Londres en 1635, in-8°. Ce poëme commence ainsi : « Je chante les hauts faits du troisieme & du plus grand des Edouards, qui, par ses exploits, éleva tant de trophées dans la France vaincue, s’orna le premier de ses fleurs de lis, & porta ses armes victorieuses jusqu’au rivage occidental, où le Tage roulant sur un sable d’or, se précipite dans l’Océan ». 3°. Une traduction en

vers anglois, de la Pharsale de Lucain, imprimée à Londres en 1630, in-8°. 4°. Histoire du parlement d’Angleterre de l’année 1640, Londres 1647, in-fol. Il dit dans la préface de cette histoire : Quod plura de patriæ defensorum, quàm de partis adversæ rebus gestis exposuerim, mirùm non est, quoniàm plus familiaritatis mihi cum ipsis, & major indagandi opportunitas fuit. Si pars adversa idem tali probitate ediderit, posteritas omnia gesta magno cùm fructu, cognoscet.

Otvay (Thomas), fameux tragique anglois, naquit en 1651 ; il quitta l’université sans y avoir pris aucun degré, & vint à Londres, où il cultiva la poésie, & même monta quelquefois sur le théâtre, ce qui lui valut les bonnes graces du comte de Plimouth, un des fils naturels de Charles II. En 1677, il passa en Flandres en qualité de cornette dans les troupes angloises, mais il en revint en pauvre équipage, & se remit de nouveau à la poésie, & à écrire pour le théâtre. Il finit ses jours en 1685 à la fleur de son âge, n’ayant que 34 ans. Quoique royaliste ouvert, & dans la plus grande misere, il n’obtint jamais de Charles II. le moindre secours, & se vit réduit par un sort singulier, à mourir littéralement de faim.

M. Addison observe, qu’Otway a suivi la nature dans le style de la tragédie, & qu’il brille dans l’expression naturelle des passions, talent qui ne s’acquiert point par le travail ni par l’étude, mais avec lequel il faut être né ; c’est en cela que consiste la plus grande beauté de l’art ; il est vrai que quoique ce poëte ait admirablement réussi dans la partie tendre & touchante de ses tragédies, il y a quelque chose de trop familier dans les endroits qui auroient dû être soutenus par la dignité de l’expression. Ses deux meilleures pieces sont Venise sauvée, ou la conjuration découverte, & l’Orpheline, ou le malheureux mariage ; c’est dommage que cet auteur ait fondé sa tragédie de Venise sauvée sur une intrigue si vicieuse, que les plus grands caracteres qu’on y trouve, sont ceux de rébelles & de traitres. Si le héros de cette piece eût fait paroître autant de belles qualités pour la défense de son pays, qu’il en montre pour sa ruine, les lecteurs n’auroient pu trop l’admirer, ni être trop touchés de son sort. Mais à le considerer tel que l’auteur nous le dépeint, tout ce qu’on en peut dire, c’est ce que Saluste dit de Catilina, que sa mort auroit été glorieuse, s’il eût péri pour le service de sa patrie : si pro patriâ sic concidisset.

Sa tragédie l’Orpheline, quoique toute fictive, peint la passion au naturel, & telle qu’elle a son siege dans le cœur. Mademoiselle Barry, fameuse actrice, avoit coutume de dire, qu’en jouant le rôle de Monime dans cette piece, elle ne prononçoit jamais sans verser des larmes, ces trois mots, ha ! pauvre Castalio ! qui par leur simplicité font un effet d’un pathétique sublime.

Pell (Jean), mathématicien du xvij. siecle, naquit en 1611. Il fut nommé professeur en mathématiques à Amsterdam, & en 1646 à Breda ; en 1654 Cromwell alors protecteur, l’envoya pour résider auprès des cantons protestans. Il revint à Londres en 1658, prit la prêtrise, & fut nommé un des chapelains domestiques de l’archevêque de Cantorbery. Il mourut en 1685. Il a publié quelques livres de mathématiques, & entr’autres, 1. celui qui est intitulé, de verâ circuli mensurâ ; 2. table de dix mille nombres quarrés ; savoir, de tous les nombres quarrés, entre o & cent millions, de leurs côtés & de leurs racines. Londres 1672, in-fol.

Sadler (Jean) naquit en 1615, & mourut en 1674. Son ouvrage intitulé les droits du royaume, parut en 1646, in-4°. dans le tems que l’auteur étoit secrétaire de la ville de Londres. Cet ouvrage fut fort estimé dans ce tems-là, & ne l’a pas été moins depuis.