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de mœurs qu’on exigeoit d’eux, Cicéron nous parle encore des devoirs auxquels ils étoient assujettis, l’un de ces devoirs, étoit l’obligation d’être assidu. La liberté qu’ils avoient d’aller à la campagne, dans les intervalles d’une assemblée à l’autre, ayant dégéneré en abus, les consuls leur défendirent dans plusieurs circonstances de s’absenter de Rome plus de trois à la fois, & de s’éloigner de maniere qu’ils ne pussent revenir dans le jour. Le second devoir consistoit à ne parler qu’à son tour. La troisieme regle de discipline étoit de ne pas étendre son avis au-delà des bornes ; mais cette regle eut souvent ses exceptions. Au reste, un sénateur perdoit son état lorsqu’il se dégradoit lui-même, en montant sur le théâtre, ou en descendant dans l’arene.

Il arrivoit aussi que les illustres membres d’un conseil suprème, qui tenoit dans ses mains les renes d’un aussi puissant empire, qui regloit toutes les affaires avec les étrangers, & qui dans son lustre présidoit à toute la terre, étoit regardé partout, avec la plus grande distinction. Nous voyons en effet, que plusieurs d’entr’eux avoient sous leur protection particuliere, des rois, des villes & des nations.

Cicéron rendant compte des avantages d’un sénateur sur les membres des autres ordres de la république, dit qu’il avoit l’autorité & l’état dans Rome, le nom & la faveur chez l’étranger. Il jouissoit du privilege de prendre place dans les assemblées des sénats des provinces alliées à la république. Quelle est la ville, ajoute Cicéron, dans les parties les plus éloignées de la terre, quelque puissante & quelque libre qu’elle soit, quelque rudesse & quelque barbarie qu’elle puisse avoir ; quel est le roi qui ne se fasse un plaisir d’accueillir & de bien traiter chez lui un sénateur du peuple romain ?

Parmi les membres de cet ordre seulement, on choisissoit tous les ambassadeurs, & ceux qu’on employoit dans les états étrangers ; & lorsqu’ils avoient quelque motif particulier de voyager au dehors, même pour leurs propres intérêts, ils obtenoient du sénat le privilege d’une légation libre. Ce privilege leur donnoit le droit d’être traités partout avec les honneurs dûs à un ambassadeur, & d’être fournis pendant leur route d’une certaine quantité de vivres, & de choses qui pouvoient leur être nécessaires, ainsi qu’à leurs gens. De plus, pendant tout le tems qu’ils résidoient dans les provinces de la république, les gouverneurs de ces provinces étoient dans l’usage de leur donner les licteurs qui les précédoient. S’ils avoient quelque procès, ou quelque discussion d’intérêt dans ces provinces, il paroît qu’ils jouissoient du droit de demander leur renvoi à Rome.

Ils n’étoient pas moins distingués des autres citoyens dans cette capitale, par des privileges & des honneurs particuliers ; puisque dans les fêtes & les jeux publics ils avoient des places qui leur étoient assignées dans le lieu le plus commode & le plus honorable. Lorsqu’on offroit des sacrifices à Jupiter, ils jouissoient seuls du droit de donner des fêtes publiques dans le capitole, revêtus de leurs habits de cérémonie, ou des habits propres aux charges qu’ils avoient exercées.

Ils étoient d’ailleurs distingués des autres citoyens par les ornemens de leurs habits ordinaires, ainsi que par leur tunique, par la matiere, & la forme de leurs souliers, dont les anciens auteurs rendent compte. L’ornement de leur tunique étoit le laticlave. Voyez Laticlave.

La forme de leurs souliers étoit particuliere, & différente de celle des autres citoyens. Ciceron parlant d’un certain Asinius, qui, dans le desordre général causé par la mort de César, s’étoit introduit dans le sénat, dit que voyant la cour ouverte, il changea de chaussure, & devint tout d’un trait sénateur ;

cette différence consistoit dans la couleur, dans la forme, & dans l’ornement de ces souliers. Leur couleur étoit noire, tandis que ceux des autres citoyens n’avoient pas une couleur particuliere, & qu’elle dépendoit de leur fantaisie. La forme en étoit en quelque sorte semblable à nos brodequins. Ils remontoient jusqu’au milieu de la jambe, ainsi qu’on le voit dans quelques statues antiques, & dans des bas reliefs, & ils étoient ornés de la figure d’une demi-lune, cousue & attachée sur la partie de devant, près la cheville du pié.

Plutarque dans ses questions romaines, donne diverses raisons de cette figure emblématique. Mais d’autres auteurs disent que cela n’avoit aucun rapport avec la lune, quoiqu’il parût que la figure le dénotât, mais qu’elle servoit seulement à exprimer la lettre C, comme un signe numératif, & comme la lettre initiale du mot centum, nombre fixe des sénateurs dans leur premiere institution par Romulus.

La toge & la robe d’un sénateur ordinaire, ne différoient point de celle des autres citoyens ; mais les consuls, les préteurs, les édiles, les tribuns, &c. portoient toujours dans l’année de leur magistrature, la prétexte, qui étoit une robe bordée d’une bande de pourpre ; & c’est aussi l’habit que tout le reste du sénat qui avoit déja rempli les grandes charges, portoit aux fêtes & aux solemnités.

Dans les commencemens de la république, les sénateurs n’osoient quitter en aucun lieu les marques distinctives de leur rang ; mais dans la suite on se négligea sur ces bienséances respectables. C’est à cette époque qu’il faut rapporter le trait satyrique de Juvenal contre les sénateurs de son tems : il dit qu’ils aiment à paroître tous nuds en plein sénat, parce que la folie est moins honteuse que la mollesse. Le luxe vint encore au secours de l’indécence, & l’aimable simplicité des premiers romains fut entierement bannie ; nous laisserons-là le tableau de ces sénateurs efféminés, plus immodestes que les courtisanes : nous nous sommes proposé de ne présenter aux yeux des lecteurs que l’histoire d’un corps auguste, digne de nous être transmise, lorsque ce corps au comble de sa gloire & de son pouvoir, étoit également vertueux & libre dans ses délibérations. (Le chevalier de Jaucourt.)

Sénateur pédaire, (Hist. rom.) ce nom fut donné aux chevaliers qui entrerent dans le sénat, pour les distinguer des sénateurs d’un rang supérieur, qui suivant les commentaires de Gabius Bazius, avoient le privilege de venir au sénat en voiture. Pline, hist. nat. l. VII. c. xliij. nous apprend que cet honneur singulier fut accordé à Métellus, qui avoit perdu la vue pour sauver d’une incendie le palladium déposé au temple de Vesta. Les sénateurs pédaires furent ainsi nommés, parce qu’ils ne parloient point, & qu’ils exprimoient leurs suffrages, s’il y avoit une division dans l’assemblée, en passant du côté de ceux dont ils approuvoient l’avis. Ainsi pour faire allusion à cet usage, qui semble toutefois avoir entierement cessé dans les derniers tems de la république, cette partie du sénat qui ne disoit pas son avis, fut toujours qualifiée du nom de pédaire. Il est aisé de le voir dans le rapport que fait Ciceron à Atticus, de certaines disputes, & d’un decret du sénat à cet égard ; il dit que cela fut fait par le concours général des pédaires, quoique contre l’autorité des consulaires. (D. J.)

Senateurs de Pologne, (Hist. moderne.) c’est ainsi que l’on nomme en Pologne les grands du royaume qui forment un corps de 128 personnes, destiné à mettre des bornes à l’autorité royale & empêcher le monarque d’empiéter sur les droits de ses sujets. On distingue les sénateurs en grands & en petits. Les grans sénateurs sont, 1°. vingt-trois palatins ou way-