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nous apprend qu’il y en a eu qui ont duré jusqu’à cinquante jours.

Il y avoit une autre espece de supplication publique, qu’on nommoit le lectisterne. Voyez Lectisterne.

Les supplications particulieres n’étoient autre chose que les prieres que chacun faisoit aux dieux, ou pour obtenir la santé, une bonne récolte, &c. ou pour les remercier des biens qu’on en avoit reçus. Une seule formule des prieres des payens, suffira pour en donner quelque idée : je trouve celle-ci, qui a été conservée dans une inscription que Camilla Amata fait à la fievre pour son fils malade. Divinæ febri, sanctæ febri, magnæ febri, Camilla Amata pro filio malè affecto. « P. Camilla Amata offre ses prieres pour son fils malade, à la divine fievre, à la sainte fievre, à la grande fievre ».

Les vœux peuvent encore être regardés comme des supplications particulieres. Voyez Vœux.

Les supplications publiques qu’on faisoit dans les féries impératives des Romains, avoient beaucoup de rapport à nos processions, car il s’y trouvoit un nombre indéterminé, mais assez considérable d’enfans de l’un & de l’autre sexe, nés libres, ayant encore leurs peres & leurs meres, patrimi & matrimi, couronnés de fleurs & de verdure, ou tenant à la main droite une branche de laurier, qui marchoient à la tête, & chantoient des hymnes à deux chœurs.

Dianam teneræ dicite virgines,
Intonsum pueri dicite cynthium.

Ils étoient suivis des pontifes, après lesquels on voyoit les magistrats, les sénateurs, les chevaliers, les plébéïens, tous habillés de blanc, & avec les marques les plus éclatantes du rang que chacun tenoit dans la république : les dames mêmes, séparées des hommes, & avec leurs plus beaux atours, faisoient quelquefois le plus brillant ornement de ces fêtes. Il a eu des tems où il ne leur étoit permis de porter de l’or & des habits de diverses couleurs, que dans ces grandes solemnités : ces jours-là n’étoient point compris dans la loi oppia.

On alloit dans cet ordre se présenter devant les dieux de la premiere classe, diis majorum gentium, qu’on trouvoit couchés sur des lits dressés exprès, & rehaussés de paquets ou gerbes de vervene, ou bien debout sur des estrades, d’où ils paroissoient respirer l’encens qu’on leur brûloit, & accepter les victimes qu’on leur immoloit. Toute cette cérémonie est exprimée dans Tite-Live par ces mots, ire supplicatum ad omnia pulvinaria.

Ces supplications s’ordonnoient pour deux raisons tout-à-fait opposées, pour le bien & pour le mal. Par exemple, un général d’armée qui avoit remporté une victoire signalée, ne manquoit pas d’envoyer au sénat des lettres ornées de feuilles de laurier, par lesquelles il lui rendoit compte du succès de ses armes, & lui demandoit qu’il voulût bien décerner en son nom des supplications en actions de grace aux dieux ; & le decret du sénat étoit souvent une assurance du triomphe pour le vainqueur, triumphi prærogativa.

On ne doit pas s’étonner du grand nombre de jours que duroient ces fêtes, sur-tout vers la fin de la république. Le sénat en ordonna quinze au nom de Jules-César pour les victoires qu’il avoit remportées sur les Gaulois ; & ce qui n’avoit encore été fait pour personne, il en ordonna cinquante en faveur de D. Brutus, qui avoit vaincu Marc-Antoine, dont l’ambition devenoit aussi pernicieuse à la république, que l’avoit été celle de Jules-César.

Cicéron en fit ordonner autant au nom de C. Octavien, d’Hirtius & de Pansa, comme il le dit dans la philippique xiv. mais environ vingt ans aupara-

vant il avoit eu le plaisir de voir décerner des supplications en son nom, pour autant de jours qu’on en eût jamais accordé aux plus grands capitaines, & cela pour avoir étouffé la conjuration de Catilina, & remis le calme dans toute l’étendue de l’empire romain. L’orateur consul ne manqua pas de faire valoir cette distinction, en exhortant tout le peuple à célebrer ces fêtes avec toute la joie qu’on est capable de goûter, lorsqu’on connoît la grandeur du péril qu’on a couru, & le miracle par lequel on a été préservé.

L’autre occasion de faire des supplications n’étoit pas si fréquente ; mais comme l’on est plus sensible au mal qu’au bien, quand il étoit question de parer les traits de la colere céleste, on redoubloit son zele, on n’épargnoit ni peine, ni dépense ; les prieres, les vœux, les sacrifices, les spectacles mêmes, pour lesquels on s’imaginoit que les dieux ne devoient pas avoir moins de sensibilité que les hommes, tout étoit mis on usage. (D. J.)

SUPPLICE, s. m. (Gouvernem.) peine corporelle, plus ou moins douloureuse, plus ou moins atroce.

Un dictionnaire des divers supplices, pratiqués chez tous les peuples du monde, feroit frémir la nature ; c’est un phénomene inexplicable que l’étendue de l’imagination des hommes en fait de barbarie & de cruauté.

Gouverner par la force des supplices, c’est vouloir faire faire aux supplices ce qui n’est pas en leur pouvoir, je veux dire, de donner des mœurs. Les supplices retranchent bien de la société un citoyen qui ayant perdu ses mœurs, viole les lois ; mais si le monde, ou si la plus grande partie d’un état a perdu ses mœurs, les supplices les retablissent-ils ? Ils arrêteront, je l’accorde, plusieurs conséquences du mal général, mais ils ne corrigeront pas ce mal.

La vue des Perses dans leurs sages établissemens, au rapport de Xénophon, étoit d’aller au-devant du mal, persuadés qu’il vaut bien mieux s’appliquer à prévenir les fautes qu’à les punir ; & au lieu que dans les autres états on se contente d’établir des punitions contre les méchans, ils tâchoient de faire ensorte que parmi eux il n’y eût point de méchans. (D. J.)

Supplice de la cendre, (Littér. sacrée & profane.) supplice particulier à la Perse, & dont on ne se servoit que pour de grands criminels ; on les faisoit périr en les étouffant dans la cendre. Voici la description qu’en donne le XI. liv. des Macch. On remplissoit de cendres jusqu’à une certaine élévation, une grande tour. Du haut de cette tour on jettoit le criminel dans la cendre la tête la premiere, & ensuite avec une roue on remuoit cette cendre autour de lui, jusqu’à ce qu’elle l’étouffât. Vous trouverez dans Valere Maxime l’origine de ce supplice, l. I. 9. 2. extern. § 6. C’est de ce supplice qu’Ochus plus connu sous le nom de Darius Nothus, fit périr Sogdien son frere qui s’étoit emparé du trône par des meurtres. Il traita de même Arsites son autre frere, par le conseil de sa femme Parysatis. On ne voit dans l’histoire que des crimes punis par d’autres crimes. (D. J.)

Supplices des Hébreux, on remarque plusieurs sortes de supplices usités chez les Hébreux & mentionnés dans l’Ecriture. On peut les réduire à ceux-ci 1°. le crucifiement ou le supplice de la croix dont nous avons parlé sous les mots Crucifiement & Croix, 2°. la suspension ou la corde, 3°. la lapidation, 4°. le feu, 5°. le tympanum ou le fouet, 6°. la prison, 7°. l’épée ou la décollation, 8°. la scie, 9°. précipiter les coupables du haut d’un rocher, 10°. les précipiter dans une tour remplie de cendres, 11°. les écraser sous des épines ou sous les