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dre ; & où l’on trouve de quoi entendre les types différens de ces médailles, qu’il semble n’avoir pas voulu se donner la peine d’expliquer plus distinctement. Nous les avons depuis l’an 1618, gravées autrefois par Goltzius même, réparées & imprimées de nouveau par Jacques de Bie à Anvers, en plus de cent tables, & mises à la tête de deux tomes de l’histoire greque de ce même Goltzius. Le premier contient la grande Grece & la Sicile. Le second comprend la Grece même, les îles de la Grece, & une partie de l’Asie. Le plus grand chagrin des antiquaires, c’est qu’on a perdu la meilleure partie des médailles que Goltzius avoit ramassées, & que de 30 provinces dans lesquelles il avoit divisé toute la suite, il n’en est resté que les cinq moindres : la Colchide, la Cappadoce, la Galatie, le Pont, & la Bithynie.

M. de Boze possédoit un volume entier manuscrit des médailles de Goltzius, toutes dessinées fort exactement. Il seroit à souhaiter qu’on les fît graver, parce qu’il y en a quantité de fort rares ; le nombre va jusqu’à près de sept mille toutes impériales, depuis Jules César jusqu’à Justinien, outre celles que nous avons déja du même auteur, gravées dans l’histoire qu’il nous a donnée des trois premiers Césars, Jules, Auguste & Tibere. Il est vrai qu’on n’est point d’accord sur la confiance qu’on doit donner à Goltzius. Chez plusieurs antiquaires, ce célebre artiste passe pour avoir rapporté quantité de médailles qui n’ont jamais existé : de sorte que sa destinée est comme celle de Pline entre les naturalistes, que tout le monde admire, & que personne ne veut croire ; cependant l’on découvre tous les jours de ces médailles que l’on prétendoit avoir été faites à plaisir par ce fameux antiquaire, comme l’on découvre tous les jours de ces merveilles de la nature, qu’on regardoit comme d’agréables imaginations, que Pline avoit rapportées, sur la foi de gens à qui il avoit trop déféré.

Les médailles des colonies pourroient faire chez les curieux qui aimeroient la géographie ancienne, une suite différente de celle-ci, fort nombreuse, fort agréable, & sort aisée, avec le secours que nous avons maintenant pour la former, & pour la bien entendre. Je parle de ces villes où les Romains envoyoient des citoyens, soit pour décharger Rome d’un trop grand nombre d’habitans, soit pour récompenser les vieux soldats, en leur distribuant des terres & des établissemens. On donnoit aussi le nom de colonies à des villes que les Romains bâtissoient de nouveau ; & l’on accordoit le même titre à d’autres villes, dont les habitans obtenoient le droit de citoyens romains, ou le droit du pays latin, qu’on appelloit jus civitatis, ou jus latii. Ces villes conservoient le nom de colonie ou de municipe, soit qu’elles fussent dans la Grece, soit qu’elles fussent ailleurs ; car les Grecs regardoient ce mot κολωνία, comme un mot consacré, qu’ils avoient adopté par respect.

Le nombre des médailles de colonies deviendroit encore bien plus grand pour en former des suites, si l’on y joignoit toutes les villes qui ont battu des médailles en leur nom, sans considérer si elles sont impériales ou nom ; si elles sont greques ou latines : mais pour perfectionner un cabinet en ce genre, il faudroit y placer comme tête, ce qui est revers dans les impériales, ensorte que la figure de l’empereur n’y seroit considérée que par accident. Nous avons indiqué au mot médaille, les beaux ouvrages qui ont été publiés sur cette matiere ; nous ajouterons seulement ici, que les têtes des médailles des villes, ne sont ordinairement que le génie de la ville même, ou de quelqu’autre déité qui y étoit honorée, comme il est aisé de le voir dans le recueil de Goltzius.

Les médailles consulaires font, dans le troisieme ordre, une suite très-nombreuse, comme nous le dirons ci-après. Cette suite néanmoins, a peu de choses curieuses, pour les légendes & pour les types, si ce n’est dans les médailles qui ont été frappées depuis la décadence de la république, & qui devroient commencer naturellement la suite des impériales. Avant ce tems-là, ces sortes de médailles, représentent simplement la tête de Rome casquée, ou celle de quelque déité, & le revers est ordinairement une victoire traînée dans un char, à deux ou à quatre chevaux.

Il est vrai que vers le septieme siecle de Rome, les triumvirs monétaires se donnerent la liberté de mettre sur les médailles, les têtes des hommes illustres qu’ils comptoient parmi leurs ancêtres, & de les y représenter, soit sous leur figure propre, soit sous celle de la divinité tutélaire de leur famille. Cet usage eut lieu jusqu’à la décadence de la république, que l’on commença à graver sur les médailles les têtes de Jules-César, des conjurés qui le tuerent, des triumvirs qui envahirent la souveraine puissance, & de tous ceux qui eurent depuis part au gouvernement ; jusqu’à ces malheureux tems, il n’étoit permis à personne de graver sa tête sur la monnoie : ce privilege étant regardé comme une suite de la royauté, dont le nom même fut toujours odieux aux Romains.

Il faut remarquer ici que Jules-César fut le premier dont on ait mis, de son vivant, la tête sur la monnoie. On trouve ensuite des médailles d’or & d’argent avec la tête de M. Brutus, dont quelques-unes ont au revers une espece de bonnet entre deux poignards ; mais il n’y a point d’apparence que ces médailles aient été frappées à Rome, où son parti n’étoit pas le plus fort ; elles le furent, selon Dion, lorsque Brutus passa en Asie pour y joindre Cassius, après s’être rendu maître de la Macédoine, & d’une partie de la Grece. Au reste, jusqu’à présent on ne connoît point de médaille de Brutus aussi singuliere que celle qu’a fait graver le savant marquis Scipion Maffei, où l’on voit d’un côté la tête de Jules-César couronné de laurier, avec le bâton augural devant, & pour légende Julius-Cæsar ; au revers, la tête de Brutus sans couronne, un poignard derriere, & ces mots : M. Brutus. Mais il faut avouer que cette médaille est suspecte par trop de raisons, pour ne pas croire que c’est une médaille de coin moderne.

Dans le Thesaurus Morellianus, on trouve deux cens six familles romaines, dont on a fait graver deux mille quatre cens quinze médailles, sans comprendre dans ce nombre ni les médailles qu’on n’a pu attribuer à aucune famille particuliere, & qui vont à cent trente-cinq, ni les médailles consulaires qui ne se trouvent que dans les fastes de Goltzius.

Il s’agit maintenant d’indiquer l’arrangement qu’on donne aux familles consulaires. Leur suite peut se faire en deux façons ; l’une, selon la méthode d’Ursini ; l’autre, selon celle de Goltzius.

Ursini a suivi l’ordre alphabétique des noms différens des familles qui se lisent sur les médailles, mettant ensemble toutes celles qui paroissent appartenir à la même maison. Cette maniere manque d’agrément, mais elle a la vérité, la réalité & la solidité.

Goltzius a fait la suite des familles par les fastes consulaires, rangeant sous chaque année les médailles des consuls. Cette deuxieme maniere est sans doute belle & savante, mais par malheur elle n’a que de l’apparence ; & dans la vérité, l’exécution en est impossible. 1°. Parce que nous n’avons aucune médaille des premiers consuls, depuis l’an 244 jusqu’en l’an 485 : ce qui a obligé Goltzius de mettre à leur place seulement les noms de ces magistrats,