Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SUIONS, les, Suiones, (Géog. anc.) peuples septentrionaux, dont parle Tacite, Germ. c. xvj. Après avoir décrit la côte de la mer Suévique, aujourd’hui la mer Baltique, il fait mention des Suïons ; Suionum, dit-il, hinc civitates, ipso in Oceano : par le mot civitates, il faut entendre des peuples : & quand il dit, ipso in Oceano, cela signifie dans une île de l’Océan, savoir la Scandie ou Scandinavie, que les anciens ont prise pour une île, quoique ce ne soit qu’une péninsule. C’est-là qu’habitoient les Suïons, partagés en divers peuples ou cités. Dans un autre endroit, Tacite, c. xlv. donne les Suïons pour voisins des Sitons : Suionibus Sitonum gentes continuantur. Enfin il dit ailleurs : « Les Suïons rendent honneur aux richesses, ce qui fait qu’ils vivent sous le gouvernement d’un seul ». Cela signifie bien, dit l’auteur de l’Esprit des lois, que le luxe est singulierement propre aux monarchies. (D. J.)

SUIPPE, la, (Géogr. mod.) petite riviere de France en Champagne. Elle prend sa source aux confins de l’élection de Châlons & de l’Argonne, & se perd dans l’Aisne, entre Neuchâtel & Roucy. (D. J.)

SUISSE, on donne ce nom en Bourgogne à la salamandre terrestre. Voyez Salamandre.

Suisse, la, (Géog. mod.) pays d’Europe, séparé de ses voisins par de hautes montagnes. Ses bornes ne sont pas aujourd’hui les mêmes que dans le tems que ce pays étoit connu sous le nom d’Helvétie ; la Suisse moderne est beaucoup plus grande.

L’étendue du pays occupé présentement par les Suisses, par les Grisons & par leurs autres alliés, est proprement entre les terres de l’Empire, de la France & de l’Italie. Il confine vers l’orient avec le Tirol ; vers l’occident, avec la Franche-comté ; vers le nord, avec le Sungtgaw, avec la Forêt-noire & avec une partie de la Suabe ; & vers le midi, avec le duché de Savoie, la vallée d’Aoste, le duché de Milan, & les provinces de Bergame & de Bresce. Ce pays, en le prenant dans sa plus grande largeur, s’étend environ l’espace de deux degrés de latitude, savoir depuis le 45d. 45. jusqu’au-delà du 47. & demi, & il comprend environ quatre degrés de longitude, c’est-à-dire depuis le 24. jusqu’au 28. Sa longueur est conséquemment d’environ 90 lieues de France, & sa largeur de plus de 33.

De cette façon, aujourd’hui comme autrefois, la Suisse est bornée au midi par le lac de Geneve, par le Rhône & par les Alpes, qui la séparent des Vallaisans & du pays des Grisons ; mais à l’occident, elle ne se trouve bornée qu’en partie par le mont Jura, qui s’étend du sud-ouest au nord-est, depuis Geneve jusqu’au Botzberg, en latin Vocetius, comprenant au-delà du Jura le canton de Bâle, avec deux petits pays, qui autrefois étoient hors de la Suisse, & dont les habitans portoient le nom de Rauræci. A l’orient & au nord, elle est encore bornée aujourd’hui par le Rhin, à la réserve de la ville & du canton de Schaffouse, qui sont au-delà de ce fleuve & dans la Suabe.

La Suisse n’est pas seulement séparée de ses voisins, mais quelques cantons le sont l’un de l’autre par des suites de montagnes, qui leur servent également de limites & de fortifications naturelles. Elle est séparée particulierement de l’Italie par une si longue chaîne des Alpes, que l’on ne peut pas aller d’un pays à l’autre sans en traverser quelqu’une. Il n’y a que quatre de ces montagnes par lesquelles on puisse passer de la Suisse en Italie, ou du-moins n’y en a-t-il pas davantage où il y ait des chemins pratiqués communément par les voyageurs. L’une est le mont Cenis, par lequel on passe par la Savoie dans le Piémont ; la seconde est le S. Bernard, entre le pays nommé le bas-Valais & la vallée d’Aoste ; la troisieme

est le Sampion, située entre le haut-Valais & la vallée d’Ossola, dans le Milanez ; & la quatrieme est le S. Godard, qui conduit du canton d’Ury à Bellinzona, & aux autres bailliages suisses en Italie, qui faisoient autrefois partie de l’état de Milan. C’est dans cette étendue de pays montagneux, dit le comte d’Hamilton,

Que le plus riant des vallons,
Au-lieu de fournir des melons,
Est un honnête précipice,
Fertile en ronces & chardons ;
L’on y respire entre des monts,
Au sommet desquels la genisse,
Le bœuf, la chevre, & les moutons,
Ne grimpent que par exercice,
Si fatigués, qu’ils ne sont bons
Ni pour l’usage des maisons,
Ni pour offrir en sacrifice.

Il ne faut pourtant pas s’imaginer que ces montagnes soient des rocs nuds, comme celles de Gènes. Elles portent la plûpart de bons pâturages tout l’été, pour des vastes troupeaux de bétail ; & l’on trouve dans certains intervalles des plaines fertiles, & d’une assez grande étendue.

La subtilité de l’air qu’on respire dans la Suisse & les diverses rivieres qui y prennent leur source prouvent que ce pays est extrèmement élevé. L’Adde, le Tésin, la Lintz, l’Aar, la Russ, l’Inn, le Rhône & le Rhin en tirent leur origine. On y peut ajouter le Danube, car quoiqu’à la rigueur il prenne naissance hors des limites de la Suisse, néanmoins c’est dans le voisinage de Schaffouse. La source de l’Ille est près de Bâle, & celle de l’Adige, quoique dans le comté de Tirol, est pourtant sur les confins des Grisons.

Entre le nombre de lacs de la Suisse, ceux de Constance, de Geneve, de Neufchâtel, de Zurich & de Lucerne sont très-considérables ; les deux premiers ont près de 18 lieues de longueur, & quelquefois 2, 3 ou 4 de largeur ; ils sont également beaux & poissonneux.

Jules César est le premier qui ait fait mention du peuple helvétique comme d’une nation. Il rapporte au commencement de ses commentaires la guerre qu’il eut avec les Helvétiens. Pendant son gouvernement des Gaules, ils firent une irruption en Bourgogne, avec le dessein de se transplanter dans un pays plus agréable & plus capable que le leur, de contenir le nombre infini de monde dont ils fourmilloient. Pour exécuter d’autant mieux ce projet, ils brûlerent douze villes qui leur appartenoient, & quatre cens villages, afin de s’ôter toute espérance de retour. Après cela, ils se mirent en marche avec leurs femmes & leurs enfans, faisant en tout plus de trois cens soixante mille ames, dont près de cent mille étoient en état de porter les armes. Ils voulurent se jetter dans le gouvernement de César par la Savoie ; mais ne pouvant passer le Rhône à la vue de son armée qui étoit campée de l’autre côté de ce fleuve, ils changerent de route, & pénétrerent par la Franche-comté. César les poursuivit, & leur livra plusieurs combats avec différens succès, jusqu’à ce qu’à la fin il les vainquit dans une bataille rangée, les obligea de revenir chez eux, & réduisit leur pays à l’obéissance des Romains, le joignant à la partie de son gouvernement, appellé la Gaule celtique.

Ils vécurent sous la domination romaine jusqu’à ce que cet empire même fut déchiré par les inondations des nations septentrionales, & qu’il s’éleva de nouveaux royaumes de ses ruines. L’un de ces royaumes fut celui de Bourgogne, dont la Suisse fit partie jusque vers la fin du xij. siecle. Il arriva pour-lors que ce royaume fut divisé en plusieurs petites souverainetés, sous les comtes de Bourgogne, de Mau-