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me dans les phthisiques, la masse des fluides qui circulent n’est presque que de l’eau ; ainsi il n’est pas surprenant qu’elle s’échappe par les pores, & que les malades soient toujours baignés de sueur. Mais quand les vaisseaux se dilatent dans les chaleurs, quand le sang est poussé avec violence, comme dans les exercices violens, la sueur doit couler, puisque les engorgemens qui surviennent alors, ferment les conduits de la transpiration. Cependant si le sang est poussé trop violemment, les arteres compriment aussi les tuyaux sudoriferes ; c’est pourquoi les cordiaux suppriment quelquefois la sueur.

2°. Dans l’agonie & la syncope, le sang s’arrête, de-là vient que la partie aqueuse s’en exprime : les vaisseaux secrétoires qui sont alors relâchés, ne résistent pas à la force qui pousse le sang.

3°. Dans la frayeur, il coule une sueur froide. Les nerfs sont agités par la puissance qui anime nos corps, & les diametres des vaisseaux capillaires se raccourcissent : alors ces vaisseaux ne reçoivent plus tant de sang ; par conséquent les mouvemens de la chaleur y cessent, cependant la liqueur aqueuse qui étoit dans les organes secrétoires sort par cette contraction ; elle est froide, puisqu’elle sort d’un lieu où la chaleur a été interrompue, & elle se refroidit encore en tombant sur une surface refroidie.

4°. Quand on entre d’un lieu chaud dans un lieu froid, on sue d’abord ; la fraîcheur rétrécit la peau, en exprime la liqueur que la chaleur avoit ramassée dans les couloirs : cette liqueur sort en gouttes, au lieu que sans cette compression subite, elle seroit sortie en vapeurs.

5°. Si l’on descend dans un lieu profond, comme dans des mines, la sueur succede ; cela vient de ce que dans cet endroit profond l’air est plus pesant ; la peau est donc plus comprimée, & par conséquent l’eau ramassée dans les couloirs est exprimée.

6°. Si l’on relâche la peau, alors le sang ne trouvera pas tant de résistance dans les vaisseaux secrétoires ; par conséquent la sueur ou l’humeur aqueuse se séparera & sortira par ces vaisseaux : on relâche les tuyaux de la peau par des vapeurs d’eau tiede & par des bains ; on peut encore procurer le même relâchement par des remedes internes.

7°. Le sang & la lymphe sont des liqueurs trop épaisses ; mais si on les divise, & si on les réduit par-là en une matiere assez fine pour entrer dans les tuyaux secrétoires, on procurera la sueur.

8°. Lorsque le sang se trouve arrêté dans quelque viscere, il doit nécessairement gonfler davantage les vaisseaux : la sueur pourra donc survenir dans les autres parties, par la même raison qu’elle paroît quand les muscles par leur contraction chassent le sang avec force de leurs vaisseaux dans d’autres.

9°. Si un corps a beaucoup de graisse, les vaisseaux seront comprimés, & par-là fort étrécis ; ainsi au moindre exercice le sang coulera dans ces vaisseaux avec rapidité, la sueur surviendra donc aisément ; d’ailleurs comme la graisse arrête la transpiration insensiblement, l’humeur aqueuse sera obligée de se déterminer par les gros tuyaux sudoriferes qui vont aboutir à la peau dès qu’il surviendra quelque mouvement. On peut ajouter une troisieme raison, savoir, que la graisse doit être regardée comme une couverture ; il n’est donc pas surprenant qu’un corps gras sue facilement.

10°. Dans la fievre, les extrémités capillaires sont bouchées par une matiere visqueuse ; le sang qui ne peut pas passer librement à cause de cet obstacle, dilate davantage les vaisseaux, y excite des battemens plus forts & plus fréquens ; mais dès que par le mouvement cette matiere a été divisée, il survient nécessairement des sueurs, parce que les passages se débouchent.

11°. La sueur ne coule que par quelque cause violente. Lorsque tout est tranquille dans le corps humain, elle ne paroît pas. De plus, la transpiration insensible, qui est la source de notre santé, se trouve interrompue par la sueur, qui n’est pas assez abondante pour tenir lieu de cette évacuation : on doit donc regarder le corps en sueur comme dans un état de maladie.

12°. La matiere de la sueur doit être plus grossiere que celle de la transpiration, car elle est filtrée dans des tuyaux plus grossiers ; comme ces tuyaux viennent des vaisseaux sanguins, le sang pourroit y passer s’ils se dilatent jusqu’à un certain point ; c’est aussi cette communication des vaisseaux sanguins avec ceux de la sueur, qui fait que quelques alimens communiquent à la sueur leur odeur & leur couleur. Il est rapporté dans les journaux d’Allemagne que la rhubarbe avoit coloré la matiere de la sueur à M. Mentzel. Salmuth & Bennet citent des exemples de personnes dont l’odeur de l’ail se faisoit appercevoir dans leur sueur. Pyrard raconte que la sueur des negres d’Afrique est si fétide quand ils sont échauffés, qu’il n’est pas possible d’approcher d’eux. Voilà les principaux phénomenes de la sueur.

Il ne me reste plus qu’à dire un mot des desavantages de son abondance. Elle nuit toujours par son premier effet, & si quelquefois elle est utile, ce n’est que par accident. On sait que ce sont les mêmes vaisseaux qui transpirent & qui suent ; s’ils se relâchent, ou que la circulation redouble, ce qui n’étoit qu’une vapeur d’eau forme des gouttes ; de-là vient qu’on sue beaucoup dans toutes les dissolutions du sang, dans le scorbut, dans la phthisie, dans la défaillance & dans tous les maux chroniques. Il y a maladie, dit Hippocrate, où regne la sueur. Cette façon de penser est bien différente de celle de quelques médecins qui attaquent tant de maladies par la provocation artificielle des sueurs. Je ne parle point de ceux qui font usage des sudorifiques dans les maladies inflammatoires, & en particulier dans la petite vérole ; cette pratique ne prendra jamais dans l’esprit des gens éclairés.

Cependant nous reconnoissons qu’il y a des sueurs vraiment critiques & salutaires ; telles sont, par exemple, celles qui avec un signe de coction dans l’urine, prennent vers le septieme jour d’une maladie inflammatoire, & sont continuées sans jetter le malade dans la langueur. Hippocrate admet aussi de telles sueurs comme bonnes dans le causus ou fievre ardente, dans les fievres aiguës, dans les fievres remittentes & dans la pleurésie ; mais en général les sueurs ne produisent aucun avantage dans le commencement de ces mêmes maladies, & n’en diminuent point la cause, parce qu’elles dépouillent le sang de la sérosité qui lui est nécessaire pour en surmonter la violence. (D. J.)

Sueur, (Médec. séméiotiq.) l’examen de la sueur n’est point ou ne doit point être un objet indifférent pour le praticien, sur-tout dans le traitement des maladies aiguës ; les signes que lui fournit cette excrétion assez exactement vérifiés, peuvent lui aider à reconnoître quelques maladies, à en distinguer les différens états ; ils répandent principalement des lumieres sur le prognostic, partie plus brillante & non moins avantageuse ; non-seulement la sueur peut servir à annoncer un événement futur favorable ou pernicieux, mais souvent elle contribue à le produire ; une sueur abondante survenue un des jours critiques, n’est pas un simple signe passif de la guérison prochaine, elle en est la cause la plus efficace. Des sueurs continuelles en même tems qu’elles annoncent une maladie dangereuse, augmentent beaucoup le danger par le desséchement & l’épuisement qu’elles occasionnent sûrement ; c’est pourquoi les signes qu’on