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une plus grande quantité qu’à la suite d’un hiver rude, & où il est tombé beaucoup de neige ; & lorsque le printems est froid, & quand il reste encore de la neige sur la terre, & lorsque les nuits sont froides & accompagnées de gelée.

On a remarqué que durant les vents d’est, ces arbres cessent bien-tôt de donner de la liqueur. Ils en fournissent plus dans un tems serein, que lorsque le tems est couvert, & jamais on n’en obtient plus, que lorsqu’une nuit froide est suivie d’un jour clair & doux. Les érables d’une grandeur moyenne fournissent le plus de liqueur, ceux qui sont dans les endroits pierreux & montueux, donnent une liqueur plus sucrée que ceux de la plaine. Un bon arbre produit de 4 à 8 pintes de liqueur en un jour, & lorsque le printems est frais, un seul arbre fournira de 30 à 60 pintes de liqueur, dont 16 pintes donnent communément une livre de sucre. Un même arbre fournit de la liqueur pendant plusieurs années, mais il faudra pour cela faire les incisions, ou percer les trous toujours du même côté, & les faire de bas en haut, & non de haut en bas, sans quoi l’eau de la pluie en séjournant dans l’ouverture, feroit périr l’arbre.

Tous ces détails sont dûs à M. Pierre Kalm, de l’académie de Stockholm, qui a vu par lui-même le travail qui vient d’être décrit, & en a rendu compte à l’académie dont il étoit membre, dans une dissertation insérée dans le t. XIII. de ses mémoires, anrée 1751 ; il conclud de ces faits, que l’on pourroit avec succès tirer le même parti des érables qui croissent dans les parties septentrionales de l’Europe. M. Gautier correspondant de l’académie des Sciences de Paris, a pareillement rendu compte à l’académie, de la maniere dont se fait le sucre d’érable, dans un mémoire inséré dans le second volume des mémoires présentés à l’académie, t. II. que l’on a aussi consulté dans cet article.

M. Kalm observe que l’on obtient pareillement du sucre d’une espece de bouleau, que les Anglois nomment sugar-birch, ou black-birch, betula fol. ovali, oblongo acumine serrato. Gron. flor. virgin. 188. mais le sucre qu’on en tire est en si petite quantité, qu’il ne dédommage point de la peine.

On tire aussi du sucre d’un arbre d’Amérique, appellé par les François le noyer amer, & par les Anglois hickory ; nux juglans virginiana all a minor, fructu nucis moschatæ simili, cortice glabro, summo fastigio veluti in aculeum producto. Pluknet. Phyt. La liqueur que donne cet arbre est très-sucrée, mais en très-petite quantité.

On obtient encore du sucre de la plante appellée gleditsia, par Gronovius & Linnæus, hort. upsal 298. Lawson dans son histoire de la Caroline, p. 97. dit qu’on en plante en Virginie dans beaucoup de jardins pour cet usage.

Le maïz ou blé de turquie fournit aussi une liqueur propre à faire du sucre lorsqu’il est verd ; on trouve dans la tige un suc limpide, qui est très-doux ; les Sauvages d’Amérique coupent le maïz pour en sucer le suc. On peut encore obtenir du sucre de la ouatte, (asclepias, caule erecto simplici annuo. Lin. hort. Clisford. 78.) On en tire aussi des fleurs que l’on cueille de grand matin lorsqu’elles sont pleines de rosée, on en exprime un suc qui épaissi par la cuisson, donne du sucre.

Le P. Charlevoix dans son histoire de la nouvelle france, nous dit qu’on tire du sucre d’une liqueur que fournit le frêne ; M. Kalm dit n’en avoir rien entendu dire dans l’Amérique septentrionale, & croit que le P. Charlevoix aura pris pour du frêne l’érable qui a des feuilles de frêne acer fraxini foliis, qui croît abondamment dans cette partie d’Amérique & que les habitans nomment frêne. Quand on y fait des incisions, il en découle une grande quantité d’un suc très-doux.

Voyez les mémoires de l’académie de Suede, tome XIII. année 1751.

M. Marggraf célebre chimiste de l’académie de Berlin, a trouvé que plusieurs racines communes en Europe, étoient propres à fournir un vrai sucre, semblable à celui qui se tire des cannes. Il en a obtenu, 1°. de la bette-blanche, cicla officinarum, C. B. 2°. du chervi, sisarum, dodonœi. 3. de la bette-rave. Toutes ces racines lui ont fourni un suc abondant, dans lequel à l’aide du microscope, on pouvoit découvrir des molécules crystallisées, semblables à celles du sucre ordinaire. Pour s’assurer de la présence du sucre, il a mis ces racines divisées en digestion dans de l’esprit-de-vin bien rectifié qu’il mit au bain de sable ; il poussa la chaleur jusqu’à faire bouillir ; il filtra la liqueur encore toute chaude, & la mit dans un matras à fond plat, qu’il plaça dans un lieu tempéré ; au bout de quelques semaines, il trouva qu’il s’étoit formé des crystaux au fond du vaisseau ; il les fit dissoudre de nouveau, afin d’avoir ces crystaux plus purs. Cette méthode est très-propre pour essayer si une plante contient du sucre, mais elle seroit trop couteuse pour l’obtenir en grande quantité. Il sera donc beaucoup plus court de tirer le suc de ces racines par expression, de le clarifier avec du blanc d’œuf, & ensuite de l’évaporer sur le feu & de le faire crystalliser ; en un mot, de suivre la même méthode que pour le sucre ordinaire. M. Marggraf a aussi tiré du sucre des panais, des raisins secs, de la fleur de l’aloës d’Amérique. Voyez les mémoires de l’académie de Berlin, année 1747.

En Thuringe, on tire des panais une espece de sirop dont les gens du pays se servent au lieu de sucre, ils en mangent même sur le pain. Il passe pour être un bon remede contre les rhumes de poitrine, la pulmonie, & contre les vers auxquels les enfans sont sujets. On commence par couper les panais en petits morceaux, on les fait bouillir dans un chaudron, jusqu’à devenir assez tendres pour s’écraser entre les doigts ; & en les faisant cuire, on a soin de les remuer, afin qu’ils ne brûlent point. Après cela on les écrase & l’on exprime le suc dans un chaudron, on remet ce suc à bouillir avec de nouveaux panais, on exprime le tout de nouveau ; ce qu’on réitere tant qu’on le juge à-propos. Enfin on fait évaporer le jus, en observant d’enlever l’écume qui s’y forme ; on continue la cuisson pendant 14 ou 16 heures, ayant soin de remuer lorsque le sirop veut fuir. Enfin, l’on examine si la liqueur a l’épaisseur convenable. Si l’on continuoit la cuisson trop long-tems ; la matiere deviendroit solide, & formeroit du sucre. Voyez le magasin d’Hambourg, t. VIII. (—)

Sucre perlé, (Pharm.) autrement manus christi, est du sucre rosat, sur chaque livre duquel on a fait entrer demi-once de perles préparées : on l’appelle saccharum perlatum.

Sucre a la plume ; (Art du Confiseur.) c’est le sucre qui a atteint le quatrieme degré de cuisson. On l’éprouve avec l’écumoire ou la spatule, comme le sucre à souffler ; & toute la différence qui s’y rencontre, c’est que le sucre à la plume étant un peu plus poussé de chaleur, les bouteilles qui sortent de la spatule, en la secouant, sont plus grosses ; & même dans la grande plume, ces bouteilles sont si grosses & en si grande quantité, qu’elles semblent liées les unes aux autres. Les Apoticaires font cuire le sucre à la plume, pour les tablettes de diacartami ; & ce qui est plus agréable, les Confiseurs emploient le même sucre pour leurs massepains. (D. J.)

Sucre d’orge, en Epicerie, n’est autre chose que de la cassonade fondue dans de l’eau clarifiée : on le colore avec du safran.

Sucre rosat, parmi les Epiciers, est un sucre blanc, clarifié & cuit dans de l’eau-rose.