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éclats de crystal : lorsque ce sucre est tout-à-fait sec, on casse les formes, & l’on en tire le sucre candi.

On fait du sucre candi rouge en jettant dans la bassine où l’on cuit le sucre, un peu du jus de pommes de raquettes ; & si l’on veut lui donner du parfum, on jette quelques gouttes d’essence dans le sucre en le mettant dans les formes.

Cette maniere de travailler le sucre candi est du pere Labat. Celle qui suit est du sieur Pomet dans son histoire des drogues, qui ne parle que de celui qui se fait en France, & particulierement par quelques épiciers-droguistes & confiseurs de Paris. Ainsi on y trouvera quelque chose de différent de la maniere de le faire, rapportée par le missionnaire aux Antilles.

Le sucre candi blanc de France, dit Pomet, se fait avec du sucre blanc & de la cassonade de Brésil fondus ensemble & cuits à la grande poële. Il se candit à l’étuve, où on le porte enfermé dans des poëles de cuivre traversées de petits bâtons autour desquelles s’attachent les crystaux, à mesure qu’ils se forment. Le feu de l’étuve doit être toujours égal pendant quinze jours, après lesquels on tire le sucre des poëles pour l’égoutter & le sécher.

Le sucre candi rouge ou roux, comme on l’appelle à Paris, se fait comme le blanc, à la reserve qu’on emploie des moscouades brunes, qu’on cuit à la feuille ou à la plume, ce qui se fait dans des pots de terre.

Le sucre candi crystalin, réduit en poudre fine, soufflé dans les yeux, dissipe les tayes récentes de la cornée : il fait encore plus surement cet effet étant dissout dans l’eau d’eufraise, de chélidoine ou de fenouil. On le jette sur des charbons ardens & l’on en respire l’odeur & la fumée dans l’enchifrenement de la membrane pituitaire, mais son plus grand usage n’est pas pour les maladies. Les Hollandois en consomment beaucoup pour leurs boissons de thé & de caffé ; ils le tiennent dans la bouche en buvant des liqueurs chaudes, & ils se perdent ainsi les dents. (D. J.)

On peut encore obtenir un vrai sucre de plusieurs arbres & plantes.

Sucre d’érable, (Hist. nat.) les Sauvages du Canada & des autres parties de l’Amérique septentrionale, font une espece de sucre, avec une liqueur qu’ils tirent d’une espece d’érable, que les Anglois nomment pour cette raison, sugar-maple, c’est-à-dire, érable de sucre, dont il a été parlé à l’article Érable. Cet arbre fournit aux habitans de ces climats rigoureux, un sucre qui les dédommage en partie de ce que les cannes de sucre ne croissent point chez eux. Ray l’appelle acer montanum candidum, les Iroquois lui donnent le nom d’ozeketa. Il y en a encore une espece d’érable que Gronovius & Linnæus ont désigné par acer folio palmato angulato, flote fere apetalo fossili, fructu pedunculato corymboso. Voyez Gron. flora virgin. 41. & Lin. hort. ups 94. on en tire aussi du sucre. Les François le nomment érable rouge, plaine ou plane, & les Anglois maple. Le sucre que fournit cet arbre, est d’une très-bonne qualité, & on le regarde comme fort sain ; mais c’est l’érable de sucre qui en donne le plus abondamment. Il se plaît dans les parties les plus septentrionales & les plus froides de l’Amérique, & devient plus rare, à mesure qu’on s’approche du midi. Alors on ne le rencontre que sur de très-hautes montagnes & du côté qui est exposé au nord ; d’où l’on voit que cet arbre exige un pays très-froid.

Voici la maniere dont les Sauvages & les François s’y prennent pour en tirer le sucre. Au printems, lorsque les neiges commencent à disparoître, ces arbres sont pleins de suc, alors on y fait des incisions, ou bien on les perce avec un foret ; & l’on y fait des

trous ovales, par ce moyen il en sort une liqueur très-abondante, qui découle ordinairement pendant l’espace de trois semaines ; cependant cela dépend du tems qu’il fait, car la liqueur coule en plus grande abondance, lorsque la neige commence à fondre, & lorsque le tems est doux, & l’arbre cesse d’en fournir, lorsqu’il vient à geler & quand les chaleurs viennent. La liqueur qui découle est reçue dans un auget de bois, qui la conduit à un baquet ; quand on en a amassé une quantité suffisante, on la met dans une chaudiere de fer ou de cuivre que l’on place sur le feu ; on y fait évaporer la liqueur, jusqu’à ce qu’elle devienne épaisse pour ne pouvoir point être remuée facilement : alors on retire la chaudiere du feu & on remue le résidu, qui en refroidissant devient solide, concret, & semblable à du sucre brut, ou à de la melasse. L’on peut donner telle forme que l’on voudra à ce sucre en le versant dans des moules, après qu’il a été épaissi. On reconnoît que la liqueur est prête à se crystalliser ou à donner du sucre, lorsqu’on s’apperçoit qu’il cesse de se former de l’écume à sa surface, il y en a beaucoup au commencement de la cuisson, on a soin de l’enlever à mesure qu’elle se forme ; on prend aussi du sirop épaissi avec une cuillere, & l’on observe si en se refroidissant, il se convertit en sucre. Alors on ôte la chaudiere de dessus le feu, & on la place sur des charbons ; on remue sans cesse, afin que le sucre ne s’attache point à la chaudiere & ne soit point brûlé ; en continuant ainsi, le sirop se change en une matiere semblable à de la farine ; alors on le met dans un lieu frais, & l’on a du sucre qui ressemble à la melasse. Il est d’une couleur brune avant que d’être raffiné, & communément on lui donne la forme de petits pains plats de la grandeur de la main. Ceux qui font ce sucre avec plus de soin, le clarifient avec du blanc d’œuf pendant la cuisson, & alors ils ont un sucre parfaitement blanc.

On regarde le sucre d’érable comme beaucoup plus sain que le sucre ordinaire, & l’on en vante l’usage pour les rhumes & pour les maladies de la poitrine. Mais d’un autre côté il ne se dissout point aussi aisément dans l’eau que le sucre des cannes, & il en faut une plus grande quantité pour sucrer. Il y a lieu de croire, que si on le préparoit avec plus de soin que ne font les Sauvages & les François du Canada, on pourroit tirer de ce sucre d’érable un plus grand parti qu’on ne fait, & on le perfectionneroit considérablement. La liqueur que fournit l’érable, mise dans un barril, & exposée au soleil d’été, fait un très-bon vinaigre.

Les Sauvages & les François du Canada mêlent quelquefois les sucre d’érable avec de la farine de froment ou de maïz, & en forment une pâte dont ils font une provision pour les grands voyages qu’ils entreprennent. Ils trouvent que ce mélange, qu’ils nomment quitsera, leur fournit un aliment très-nourrissant, dans un pays où l’on ne trouve point de provisions. Les habitans de ces pays mangent aussi ce sucre étendu sur leur pain, chacun en fait sa provision au printems pour toute l’année.

On fait aussi une espece de sirop avec la liqueur qui découle de l’érable, pour cet effet on ne la fait point bouillir aussi fortement que lorsqu’on veut la réduire en sucre. Ce sirop est très-doux, très-rafraîchissant & très-agréable au goût, lorsqu’on en mêle avec de l’eau ; mais il est sujet à s’aigrir, & ne peut être transporté au loin. On s’en sert aussi pour faire différentes especes de confitures.

La liqueur telle qu’elle sort de l’arbre, est elle-même très-bonne à boire, & elle passe pour fort saine ; celle qui découle des incisions faites à l’arbre au commencement du printems, est plus abondante & plus sucrée que celle qui vient lorsque la saison est plus avancée & plus chaude ; on n’en obtient jamais