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des Arabes, des Maures, des Perses & des Turcs, le regardent comme souverain dans les inflammations internes, les dyssenteries bilieuses, les stranguries & les gonorrhées.

Les anciens connoissoient cette espece de sucre, qu’il ne faut pas confondre avec celui que les modernes tirent par art des cannes à sucre. Les Perses, les Arabes l’appellent encore tabaxir, mot que les nouveaux grecs & latins qui ont interpreté les Arabes, ont rendu par celui de cendre ou de spode. Mais il faut observer que le spode des Arabes est bien différent de celui des anciens grecs ; car ceux-ci ont entendu par ce mot la cendre du cuivre, & les Arabes entendent par le même mot de spode, le sacchar mambu, ou même le sucre commun.

3°. Pour ce qui regarde le sacchar alhusser ou alhasser ou alhussal des Arabes ; nous n’en pouvons parler que par conjectures, car tantôt ils lui ont donné le nom de manne, & tantôt celui de sucre, ne sachant eux-mêmes à quelle espece ils le devoient rapporter. Avicenne distingue le zucchar alhussar du sucre que l’on tire des roseaux.

Le zucchar alhussar est, dit-il, une manne qui tombe sur l’alhussar, & il ressemble aux grains de sel : il a quelque salure & quelque amertume, & il est un peu détersif & résolutif. Il y en a de deux sortes, l’un est blanc, & l’autre tire sur le noir : il appelle le blanc iamenum, & le noir agizium ; il est utile, selon lui, pour les poumons, l’hydropisie anasarque, en le mêlant avec du lait de chameau ; il est encore bon pour le foie, les reins, & la vessie ; il n’excite pas la soif, comme les autres especes de sucre, parce que sa douceur n’est pas grande.

Quoique Avicenne appelle ce sucre, manne qui tombe du ciel, peut-être parce qu’il est formé en petits grains qui ressemblent à de la manne, cependant il ne vient point-du-tout de la rosée, mais il découle d’une plante appellée alhussar, de la même maniere que les pommes & la manne elle-même, comme Sérapion le reconnoît. L’alhasser, dit cet auteur, a des feuilles larges & il sort du zucchar des yeux de ses branches & de ses feuilles ; on le recueille comme quelque chose de bon : il a de l’amertume. Cette plante porte des pommes, d’où découle une liqueur brûlante, stiptique, & très-propre pour faire des cauteres : le bois de l’alhasser est poli, gros, droit, & beau.

On ne trouve point à-présent dans nos boutiques ce sucre nommé alhusser : cependant il n’est pas inconnu en Egypte ni dans l’Arabie, car c’est une larme qui découle d’une plante d’Egypte, nommée beid-el-ossar, par P. Alp. de plant. aegyp. 86. Apocynum erectum, incanum, latifolium ægyptiacum, floribus croceis. Herman. Par. Bat. Apocynum ægyptiacum, lactescens, siliquâ asclepiadis, C. B. P. 304. Beidelsar alpici, sive apocynum syriacum, J. B. II. 136. Cette plante vient comme un arbrisseau : elle a plusieurs tiges droites qui sortent de la racine, & s’élevent à la hauteur de deux coudées : ses feuilles sont larges, arrondies, épaisses, & blanches, d’où il découle une liqueur laiteuse quand on les coupe.

Ses fleurs sont jaunes, safrannées : ses fruits sont pendans deux-à-deux, oblongs, de la grosseur du poing, attachés chacun à un pédicule de la longueur d’un pouce, courbé, épais, dur & cylindrique. L’écorce extérieure est membraneuse, verte : l’intérieure est jaune, & ressemble à une peau mince passée en huile, elles sont liées ensemble par des filets semblables aux poils de la pulmonaire.

Tout l’intérieur du fruit est rempli d’un duvet blanc, aussi mou que de la soie, & des graines de la forme de celle de la citrouille, mais moins grosses de moitié, plus applaties, brunes ; la pulpe en est blanchâtre intérieurement & d’un goût amer. Les

tiges & les feuilles sont blanches, couvertes de duvet ; enfin toute la plante paroît être saupoudrée d’une farine grossiere. L’écorce des tiges & la côte des feuilles, sont remplies de beaucoup de lait amer & âcre. Cette plante s’appelle communément en Egypte ossar, & son fruit beid-el-ossar, c’est-à-dire, œuf d’ossar ; Honorius Bellus n’a rien pû savoir sur le sucre que l’on dit qui se trouve sur cette plante, ou qui en découle, n’ayant pas pû l’observer sur les nouvelles plantes qu’il a cultivées : il a seulement remarqué que le lait qui découle de la feuille que l’on a arrachée, se fige avec le tems à la playe, & devient comme une certaine gomme blanche, semblable à la gomme adragant, sans avoir cependant de la douceur.

Il est vraissemblable que cette larme, ou cette espece de sucre découle d’elle-même seulement dans les pays chauds. Cette plante croît, selon P. Alpin, dans des lieux humides auprès d’Alexandrie, dans le bras du Nil, appellé Nili-calig, & au Caire près de Mathare, qui est presque toujours humide & marécageux à cause du Nil qui y croupit long-tems.

On se sert, dit P. Alpin, de ses feuilles pilées soit crues, soit cuites dans l’eau, en forme d’emplâtre pour les tumeurs froides. On fait avec son duvet des lits ou des coussins ; on s’en sert aussi à la place d’amadou pour retenir le feu de la pierre à fusil. Toute cette plante est remplie d’un lait très-chaud & brûlant, que plusieurs ramassent dans quelques vaisseaux pour tanner le cuir & en faire tomber les poils ; car si on le laisse quelque tems dans ce lait, tous les poils tombent. Ce lait étant desseché, produit des flux de ventre dyssentériques qui sont mortels. On l’emploie extérieurement pour dissiper des dartres vives, & autres maladies de la peau. Le tems nous apprendra peut-être si la larme qui découle d’elle-même, & qu’on nomme sucre, a la même acrimonie. (D. J.)

Sucre anti-scorbutique, (Médecine.) prenez une certaine quantité de suc de cochléaria, renfermez ce suc dans un vaisseau de verre bien fermé, jusqu’à ce que les feces soient précipitées ; décantez la partie claire & la mettez dans un mortier de marbre avec une quantité suffisante de sucre, travaillez le tout ensemble & faites-le sécher doucement ; versez de-rechef du suc sur le même sucre, travaillez le tout de-rechef & le faites sécher ; réiterez sept fois la même opération, & gardez le dernier mélange pour l’usage.

Sucre candi, (Hist. mod. des Drogues.) κάνδι ou κάνδιον par Myrepse, saccharum candum officin. est un sucre dur, transparent, anguleux, d’où lui est venu son nom. Il y en a de deux sortes, l’un est semblable au crystal, & s’appelle crystalin, qui se fait avec le sucre rafiné ou terré ; l’autre est roux & ne devient jamais clair, il se fait avec la moscouade & la cassonnade. Les uns choisissent celui qui est très-dur, sec, crystalin & transparent ; d’autres préferent celui qui est roussâtre, comme étant plus gras, & plus propre en qualité de remede.

Le sucre candi se fait mieux avec du sucre terré qu’avec du sucre rafiné, parce que le premier a plus de douceur. On fait dissoudre le suc qu’on y veut employer dans de l’eau de chaux foible, & après qu’on l’a clarifie, écumé & passé au drap, & qu’il est suffisamment cuit, on en remplit de mauvaises formes qu’on a auparavant traversées de petits bâtons pour retenir & arrêter le sucre lorsqu’il se crystalise. Ces formes se suspendent dans l’étuve déjà chaude, avec un pot au-dessous pour recevoir le syrop qui en sort par l’ouverture d’en-bas, qu’on bouche à demi pour qu’il filtre plus doucement. Quand les formes sont pleines, on ferme l’étuve & on lui donne un feu très-vif : alors le sucre s’attache aux bâtons dont les formes sont traversées, & y reste en petits