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on a parlé renferme entre ses houpes une multitude de semences, on ne s’en sert point pour multiplier l’espece, l’expérience ayant appris qu’il est plus à propos de planter les cannes de bouture : cette méthode est plus prompte & plus certaine, c’est pourquoi on coupe le sommet des cannes par morceaux de quinze à dix-huit pouces de longueur, on les couche obliquement deux à deux dans chacune des fosses destinées à les recevoir ; on jette de la terre par-dessus, sans en couvrir les extrémités ; & si la saison est favorable, ce plan commence à pousser au bout de sept à huit jours : la quantité de brossailles qui levent en même tems, oblige de sarcler les cannes à cinq ou six reprises, jusqu’à ce qu’elles aient acquis assez de force pour étouffer les mauvaises herbes ; les cannes étant parvenues à une certaine grandeur, sont quelquefois attaquées par un grand nombre de petits insectes, que les habitans appellent puchons ou pucons ; les fourmis ne leur causent pas moins de dommages, & les rats en font un grand dégât.

Dans un bon terrein bien préparé & soigneusement entretenu, le plan subsiste douze & quinze ans, même plus, sans qu’il soit besoin de le renouveller.

L’âge auquel on doit couper les cannes n’est point fixe, le tems de leur maturité étant souvent retardé par les variétés de la saison ; on doit observer de ne jamais faire la récolte lorsqu’elles sont en fleurs, puisqu’elles ne peuvent pousser leurs jets ou fleches qu’aux dépens de leur propre substance ; l’usage indique qu’il faut prévenir ce tems d’environ un mois, ou bien attendre autant qu’il soit passé.

Description des moulins à écraser les cannes. On en construit ordinairement de trois sortes, savoir, à eau, à vent, & à bœufs ou à chevaux. Voyez les figures.

Leur principal méchanisme consiste en trois gros rouleaux de bois de pareil diametre, rangés perpendiculairement sur une même ligne à côté l’un de l’autre, & couverts chacun d’un tambour ou cylindre de métal très-solide, C. Ces rouleaux, ou rôles, ainsi qu’on les nomme dans les pays, sont percés, suivant leur axe, d’un grand trou quarré, dans lequel est enchâssé avec force un gros pivot de fer, dont la partie inférieure est garnie d’un cul-d’œuf bien acéré portant sur une crapaudine, & l’extrémité supérieure étant de forme cylindrique, tourne librement dans un collet de métal. A quelques pouces au-dessous des tambours ou cylindres, sont placés des hérissons G, dont les dents engrenent les unes dans les autres. Il est facile de voir, par la disposition des trois rôles couronnés de hérissons, que celui du milieu étant mis en mouvement, doit faire agir à sens contraire ceux qui sont à ses côtés ; c’est pourquoi la partie supérieure de ce principal rôle doit être considérablement prolongée dans les moulins à vent & dans ceux qui sont mûs par des chevaux ; mais dans les moulins à eau cette partie n’est élevée que de quelques piés : c’est ce qu’on appelle le grand arbre auquel la puissance est attachée. Voyez la lettre D, figure du moulin à eau, & H dans celle du moulin à bœufs.

Sous les rôles est une forte table B, construite pour l’ordinaire d’un seul bloc, dont le dessus un peu creusé en forme de cuvette est garni de plomb, ayant une gouttiere prolongée au besoin, par où le suc des cannes écrasées entre les tambours se rend dans la sucrerie ; toutes ces pieces sont bien assujetties & renfermées dans un chassis de charpente A, très-solidement construit : dans les moulins à eau, à peu de distance au-dessus du chassis, est une roue horisontale F, qui pour axe a le grand arbre ; les dents de cette roue étant disposées perpendiculairement, engrenent entre les fuseaux d’une lanterne G, mise en action par la grande roue à pots I, ver-

ticalement disposée, & sur laquelle tombe l’eau de

la conduite X.

On sait qu’au lieu de roue à pots, les moulins à vent agissent par le moyen de grandes aîles. Quant aux moulins à bestiaux, leur méchanisme est si simple, que l’inspection seule de la figure suffit pour le concevoir.

Sucrerie, édifice, purgerie, étuve ; Voyez ces articles à leurs lettres.

Cases à bagasses. A quelque distance du moulin & de la sucrerie, on construit de grands hangards couverts de feuilles de cannes ou de roseaux, servant à mettre à l’abri de la pluie les bagasses ou morceaux de canne écrasés au moulin, dont on se sert pour chauffer les fourneaux de la sucrerie.

Les ustensiles de sucrerie, sont des chaudieres, dont on a parlé dans l’article Sucrerie ; un canot à vesou, espece de grande auge de bois d’une seule piece, destinée à recevoir le vesou ou suc des cannes provenant du moulin.

Des rafraîchissoires de cuivre rouge ; ce sont de grandes bassines à fond plat, ayant deux anses pour les transporter.

Des becs-de-corbin, sorte de grands chaudrons à deux anses, ayant un large bec en forme de gouttiere. Voyez Bec-de-corbin.

Chaque garniture de chaudiere consiste en un balai de feuilles de latanier, une grande cuillere de cuivre rouge en forme de casserole profonde, & une large écumoire de cuivre jaune. Ces deux instrumens sont emmanchés d’un bâton de cinq piés de longueur : leur usage est évident.

Pour passer le vésou & le sirop, on se sert de blanchets ; ce sont des morceaux de drap de laine blanche, soutenus par une grande caisse de bois percée de plusieurs trous de tarriere, & dont le fond fait en forme de grille est supporté par deux bâtons disposés en bras de civiere ; ces bâtons se posent en travers sur les bords du glacis lorsqu’on veut passer le vesou ou le sirop d’une chaudiere dans une autre.

On doit encore avoir plusieurs petites bailles ou baquets servant à recevoir les écumes.

Un cuvier élevé sur des piés & percé par le fond, servant à faire la lessive propre à la purification du sucre.

Un vase à préparer l’eau de chaux pour le même usage.

Des poinçons propres à percer le sucre dans les formes.

De grands couteaux de bois longs de trois piés, espece d’espatules, que les Raffineurs appellent pagaves.

Les instrumens nécessaires pour le travail qui se fait dans la purgerie, sont des tilles, especes de petites herminettes à manche court, des truelles rondes, des brosses semblables à de gros pinceaux à barbouiller, des serpes, un bloc de raffineur, sorte de grande sellette à trois piés, & une bonne provision d’une terre préparée semblable à celle dont on fait des pipes à Rouen.

Il est indispensable d’avoir un nombre suffisant de formes garnies de leurs pots : ces formes sont de grands vases de terre cuite de figure conique, ouverts entierement par leur base, & percés d’un trou à la pointe ; leur grandeur differe beaucoup, les unes ayant trois piés & plus de hauteur & environ quinze pouces de diametre à la base ; d’autres n’ont que dix-huit pouces sur un diametre proportionné. Il s’en trouve de moyennes entre ces deux grandeurs ; mais autant qu’il est possible, il est bon d’avoir un assortiment pareil : chaque forme doit être accompagnée d’un pot proportionné. Voyez la figure.

Parmi les ingrédiens dont on se sert pour la fabrique du sucre, on employe des cendres de bois dur,