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ait tenus en digestion pendant très-long-tems.

Le résidu qu’on trouve dans la cornue est plus ou moins abondant, selon que le succin qu’on a employé est plus ou moins pur. C’est une terre unie au phlogistique : celui-ci y tient si fort, que la calcination la plus long-tems continuée ne sauroit l’en dégager, & qu’il détonne encore avec le nitre. On trouve dans cette terre quelques vestiges de fer que l’aiman en sépare, & quelquefois un peu de sel marin, surtout lorsqu’on a employé du succin puisé dans la mer.

Il nous reste à parler de l’emploi que l’on fait en médecine de cette substance & de ses différens produits, comme sa teinture, son huile & son sel essentiel. On fait entrer le succin préparé, c’est-à-dire réduit en poudre très-subtile dans les différentes compositions antispasmodiques & nervines ; on l’emploie même seul pour arrêter les gonorrhées & les hémorrhagies. Sa teinture, par sa vertu antispasmodique & nervine, convient dans les maladies hipocondriaques & hystériques, & quelquefois dans les maladies convulsives, surtout dans les personnes d’un tempérament lâche & humide.

Le sel de succin bien purifié est rangé parmi les remedes céphaliques, détersifs, balsamiques, antiseptiques & antispasmodiques. Il agit par la voie des urines ; & joint à petite dose aux diaphorétiques & aux purgatifs, il en augmente la vertu ; combiné avec l’esprit volatil de corne de cerf, il forme un sel qu’on conserve en liqueur sous le nom de liqueur de corne de cerf succinée, qu’on emploie avec le plus grand succès à la suite des remedes apéritifs pour redonner aux parties le ton qu’elles ont perdu.

L’huile de succin est âcre, balsamique, vulnéraire, diaphorétique, emménagogue & antispasmodique ; on l’emploie avec succès dans les vieux ulceres & dans les maladies de convulsions.

Usage médicinaux du succin. L’huile de succin blanche, & celle qu’on retire de l’huile noire par la rectification, sont regardées comme spécifiques contre les affections spasmodiques, & principalement contre la passion hystérique. Elles sont très-recommandées encore contre les maladies du système nerveux & du cerveau, telles que la paralysie, l’apoplexie, &c. On l’ordonne communément par gouttes, & la dose la plus haute n’excede guere sept à huit gouttes. Il n’y a point d’inconvéniens à augmenter considérablement cette dose, à donner cette huile à un demi-gros, & même à un gros & davantage, si on l’unit à un jaune-d’œuf ou à du sucre en poudre. Voyez oleo-saccharum. Outre l’usage intérieur dont nous venons de parler, on l’emploie encore extérieurement contre les mêmes maladies, on en frotte les tempes, le dessous du nez, la nuque, l’épine du dos, dans les maladies nerveuses & convulsives, dans l’apoplexie, la paralysie, &c.

Dans les paroxismes des vapeurs hystériques, on en applique sous les narines, on en fait flairer un flacon, & on en fait encore un usage fort singulier & vraissemblablement fort inutile, qui est d’en frotter le pubis & la vulve, & même d’introduire dans le vagin des pessaires qui en soient imbibés.

L’esprit & le sel de succin, sont comptés parmi les apéritifs diurétiques les plus efficaces : on croit que la matiere huileuse dont ce sel est empreint, le rend très-propre à déterger & à consolider les ulceres de la vessie & de l’uretre. Cet esprit & ce sel sont encore recommandés contre les maladies des obstructions & en particulier contre la jaunisse : on le vante aussi pour le traitement du scorbut ; la dose commune de l’esprit est d’environ demi-gros jusqu’à un gros, dans une liqueur appropriée. Or en supposant l’esprit de succin comme une liqueur saline à peu-près saturée,

la dose de sel concret correspondante à un gros de liqueur, sera d’environ cinq grains : car une partie de sel de succin demande environ quatorze parties d’eau pour être dissoute ; d’où l’on peut conclure que cette dose vulgaire d’esprit de succin, pourroit être très-considérablement augmentée : car certainement le sel de succin ne sauroit être regardé comme un remede actif. Au reste le sel & l’esprit de succin sont des drogues fort peu employées.

L’usage pharmaceutique le plus ordinaire de l’esprit de succin, c’est d’être employé à la préparation de la liqueur de corne de cerf succinée, qui se fait en mêlant jusqu’au point de saturation de l’esprit de succin & de l’esprit volatil de corne de cerf, ce qui constitue une liqueur saline ou lessive d’un sel ammoniacal fort gras, & que plusieurs auteurs recommandent singulierement comme un excellent remede, dans les maladies convulsives, principalement dans l’asthme, & dans les maladies d’obstructions, dans lesquelles il paroît en effet que ce remede doit très bien faire, & qu’il devroit par conséquent être plus usité parmi nous dans ces cas.

Le succin en substance ou en poudre est aussi employé à titre de remede ; mais il paroît peu propre à passer dans les secondes voies & à opérer un effet réel. La teinture qu’on en tire par l’esprit-de-vin, a un peu plus d’efficacité : d’abord parce que l’esprit-de-vin lui-même, qu’on y emploie, a une vertu médicamenteuse reconnue contre les maladies auxquelles on emploie cette teinture, & qui sont les mêmes pour lesquelles on recommande l’huile de succin ; secondement, par l’état de dissolution, ou au moins de très-grande division, dans lequel le succin contenu dans cette teinture peut parvenir à l’orifice des vaisseaux lactés, quand même cette teinture seroit précipitée par les liqueurs digestives : au reste cette teinture de succin est très-peu chargée ; l’esprit-de-vin ne dissout le succin qu’avec peine, qu’en petite quantité, & peut-être que fort incompletement. M. Baron dit dans ses notes sur Lemeri, que l’huile aromatique du succin, est la seule partie de ce bitume dont l’esprit-de-vin puisse se charger. Si cette proposition au-lieu d’être purement gratuite, étoit tant-soit-peu prouvée, il faudroit dire positivement que l’esprit-de-vin ne dissout le succin qu’incompletement, au-lieu de dire que cela est peut-être ainsi.

Quoi qu’il en soit, pour faire une bonne teinture de succin, une teinture bien chargée, vraiment empreinte de la vertu médicamenteuse du succin, il faut avoir recours à l’intermede de l’alkali fixe, qui est capable non seulement de disposer le succin à être plus facilement attaqué par l’esprit-de-vin, mais même qui peut contracter avec ce bitume, une espece d’union sous forme de savon, qui le rend très-propre à se distribuer parfaitement dans le système vasculeux, à se mêler à la masse des humeurs : l’alkali fixe opere l’un & l’autre effet dans la teinture de succin d’Hoffman, dont voici la description.

Teinture de succin d’Hoffman ; essentia succini præstantissima, décrite dans les observations physico-chimiques de cet auteur, liv. I. obs. 17. Prenez du sel de tartre & du succin choisi & réduit en poudre très-fine, parties égales ; faites-les digerer dans un vaisseau convenable, avec suffisante quantité d’esprit-de-vin, pour s’élever de quatre doigts au-dessus de la matiere ; distillez ensuite en un alambic de verre, vous obtiendrez un esprit bien empreint de l’huile subtile & aromatique de succin, qui sera par-là bien plus propre que l’esprit-de-vin ordinaire, à préparer la teinture suivante.

Prenez du succin transparent en poudre, broyez-le sur le porphyre, en versant dessus peu-à-peu une suffisante quantité d’huile de tartre par défaillance, pour le réduire en consistance de bouillie, que vous