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que les insectes qui sont renfermés dans le succin, different de ceux de nos climats, & ont leurs analogues vivans dans des pays éloignés. Ainsi pour rendre raison des événemens qui ont enterré les arbres d’où est provenu le succin, il faut recourir aux révolutions générales du globe qui ont bouleversé sa surface, & changé la position de ses parties. Voyez les articles Fossiles, Terre (révolutions de la), &c. Ces insectes sont des mouches, des vermisseaux, des papillons, des chenilles, &c. Quelques auteurs ont été jusqu’à dire qu’il y avoit des morceaux de succin où l’on trouvoit des grenouilles, des viperes, des lézards, mais il paroît constant que c’est l’art qui les a produits ; en effet, quelques personnes ont eu le secret de fondre le succin sans lui ôter sa transparence, qui même devient par-là plus grande.

On a encore des morceaux de succin qui renferment du bois, des feuilles d’arbres, de la mousse, &c. On sent aisément que plusieurs de ces morceaux peuvent être factices, & que ceux qui ont le secret de ramollir le succin, peuvent aussi y introduire tout ce qui leur plaît.

On prétend que Stenon & Kerckring ont eu le secret de réunir ensemble plusieurs petits morceaux de succin pour en faire un gros. Glauber faisoit pour cet effet dissoudre le succin dans de l’esprit-de-vin, que l’on enleve ensuite par la distillation, mais la masse qui reste est molle. On assure qu’en faisant bouillir le succin dans de l’huile de raves, il se durcit & perd sa couleur, ce qui peut venir de l’alkali volatil contenu dans cette huile.

Quelques artistes ont aussi le secret d’introduire dans le succin toutes les couleurs qui leur plaisent, & de contrefaire par-là les pierres prétieuses.

Dans le royaume de Prusse la pêche du succin appartient au roi seul, qui l’afferme à des particuliers. On trouve encore du succin dans plusieurs autres parties de l’Europe : en 1738 on en a découvert une couche abondante en Ukraine à peu de distance de Kiow ; il étoit, ainsi que celui de Prusse, dans du sable. On en a trouvé en France, près de Soissons, dans les fouilles qui ont été faites pour le canal de Picardie. On en a aussi trouvé en Sicile, & dans quelques endroits de l’Asie mineure.

Le succin varie pour la couleur ; il y en a d’un jaune de citron, d’un jaune d’or, d’orangé, de rouge, de blanc, de bleuâtre. Quelques auteurs font mention d’un succin noir ; mais il paroît qu’ils ont voulu désigner par-là du jais.

Le succin faisoit autrefois une branche de commerce assez considérable ; c’étoit un objet de luxe ; aujourd’hui le prix en est beaucoup diminué, cependant les morceaux les plus gros, ne laissent pas de se vendre assez cher.

La composition du succin n’a pas moins occupé les chimistes que son origine. Les amateurs de l’histoire naturelle, Pott, Neuman, M. Bourdelin, sont ceux qui paroissent l’avoir examiné avec le plus de succès. Nous allons rapporter leurs travaux tels qu’ils se trouvent décrits dans une dissertation de M. Stockar de Neuforn, imprimé à Leyde en 1760, sous le titre de specimen chemico medicum inaugurale de succino in genere, & speciatim de succino fossili Wisholzensi, dans laquelle cet auteur a ajouté plusieurs expériences neuves, & apprécié de la maniere la plus lumineuse celles des savans chimistes que nous venons de nommer.

L’eau ne produit aucun changement dans le succin. Lorsqu’on l’expose long-temps à son action, elle contracte à la vérité une légere odeur, & se charge d’un peu de matiere mucilagineuse, & de quelque vestige de sel marin ; mais on doit attribuer plutôt ces produits aux ordures qui adherent à sa surface, qu’à la décomposition de sa substance.

Si l’on verse de l’esprit-de-vin rectifié sur du succin réduit en poudre très-subtile, & qu’on les fasse digerer ensemble, on obtient une teinture rouge, qu’on peut préparer plus promptement ; si, comme Boërhaave le prescrit, on empâte le succin reduit en poudre avec un alkali résout, qu’on desseche la masse, qu’on la laisse tomber en déliquium pour la désecher de nouveau, ce qu’on répete trois ou quatre fois ; ou, comme le prescrit M. Neuenhan, dans les mélanges d’observations, publiés à Léipsic en 1755, qu’on broie le succin avec de la potasse & du sucre, & qu’on le mette à digerer ensuite dans l’esprit-de-vin ; mais quoique l’on fasse, il n’y a jamais qu’une très petite portion du succin qui se dissout, le résidu est mollasse, & on a beau y remettre de nouvel esprit-de-vin, on n’obtient plus rien.

Si l’on verse de l’eau sur ces teintures de succin, elles deviennent laiteuses, & le succin s’en sépare sous la forme d’une poudre blanche, si atténuée, qu’elle passe par le filtre avec l’esprit-de-vin ; mais elle se précipite bientôt au fond. La teinture de succin a un goût très-agréable, & l’odeur du succin ; on sent en même tems qu’il s’en dégage une poudre qui adhere à la langue, & qui paroît être entierement insipide.

Si l’on distille cette teinture de succin, on a un esprit-de-vin qui conserve le goût & l’odeur du succin ; mais duquel l’eau ne dégage plus rien : il reste au fond du vaisseau un peu d’une matiere d’un rouge foncé, molle & tenace. Cet esprit-de-vin ainsi chargé de l’esprit recteur du succin pourroit être d’une grande utilité pour la médecine : il est plus que vraissemblable qu’il a toutes les vertus qu’on a reconnues dans la teinture du succin, puisque le succin doit nécessairement s’en dégager dans l’estomac, où il ne trouve plus aucun menstrue capable de le dissoudre ; du-moins on pourroit se flatter d’augmenter la vertu de la teinture du succin, si on employoit pour la faire de l’esprit-de-vin qu’on auroit retiré de dessus le succin.

Les sels, soit acides, soit alkalis, n’agissent point sur le succin, il faut en excepter le seul acide vitriolique qui le dissout entier & en assez peu de tems : cette dissolution est claire & limpide, mais si aisée à déranger, que les acides, les alkalis, l’esprit-de-vin, l’huile de térébenthine, l’eau, &c. la décomposent ; il s’en dégage une poudre grise très-fine, qui n’a plus l’odeur agréable du succin, mais plutôt celle de la poix.

Le sucre dissous dans l’eau, ni le plomb fondu, n’operent aucun changement dans ce bitume ; il se ramollit un peu dans la cire & dans le soufre fondus ; mais il reprend sa premiere dureté ; si-tôt qu’il est réfroidi, il change seulement de couleur.

Hoffmann ayant renfermé du succin avec le double de son poids d’huile d’amandes dans la machine de Papin, le trouva réduit au bout d’une heure en une masse gélatineuse, transparente, au-dessus de laquelle nâgeoit un peu d’huile. M. Stockar dit avoir mis du succin de différentes couleurs dans des vaisseaux de verre cylindriques, & avoir versé par-dessus des huiles de raves, de pavot, d’amandes, d’olives, de noix, de laurier par décoction, de romarin, de casse, puis de succin, du baume de copahu & de térébenthine ; il boucha bien ses vaisseaux & les mit en digestion au bain de sable ; au bout de huit jours il trouva que le succin qu’il avoit mis dans le baume de copahu & de térébenthine s’étoit dissout en une liqueur d’un rouge foncé, laquelle étant réfroidie, forma une masse solide, fragile, de la même couleur. La dissolution faite dans l’huile de raves, étoit d’un beau jaune ; l’huile de pavot en donna une d’un rouge jaunâtre ; l’huile d’olive d’un beau rouge ; celle de noix étoit d’un rouge plus foncé ; il s’étoit déposé