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parties soient de mauvais goût, mal disposées, & ne répondent pas à sa grandeur.

Comme je goûte beaucoup le jugement plein de délicatesse & de vérité que M. Hume porte de Shakespeare, je le joins ici pour clôture. Si dans Shakespeare, dit-il, on considere un homme né dans un siecle grossier, qui a reçu l’éducation la plus basse, sans instruction du côté du monde ni des livres, il doit être regardé comme un prodige ; s’il est représenté comme un poëte qui doit plaire aux spectateurs rafinés & intelligens, il faut rabattre quelque chose de cet éloge. Dans ses compositions, on regrette que des scenes remplies de chaleur & de passion soient souvent défigurées par un mélange d’irrégularités insupportables, & quelquefois même d’absurdités ; peut-être aussi ces difformités servent-elles à donner plus d’admiration pour les beautés qu’elles environnent.

Expressions, descriptions nerveuses & pittoresques, il les offre en abondance ; mais en vain chercheroit-on chez lui la pureté ou la simplicité du langage. Quoique son ignorance totale de l’art & de la conduite du théatre soit révoltante, comme ce défaut affecte plus dans la représentation que dans la lecture, on l’excuse plus facilement que ce manque de goût, qui prévaut dans toutes ses productions, parce qu’il est réparé par des beautés saillantes & des traits lumineux.

En un mot, Shakespeare avoit un génie élevé & fertile, & d’une grande richesse pour les deux genres du théatre ; mais il doit être cité pour exemple du danger qu’il y aura toujours à se reposer uniquement sur ces avantages, pour atteindre à l’excellence dans les beaux-arts ; peut-être doit-il rester quelque soupçon, qu’on releve trop la grandeur de son génie, à-peu-près comme le défaut de proportion & la mauvaise taille donnent quelquefois aux corps une apparence plus gigantesque. (Le Chevalier de Jaucourt.)

STRATH-ERNE, (Géogr. mod.) province de l’Ecosse méridionale. Cette province a pour bornes au nord, celle d’Athol ; au midi, celle de Menteith ; à l’orient, les provinces de Trife & de Perth ; & au couchant, celle de Braid-Albain. Elle tire son nom de la riviere d’Erne, qui la traverse dans sa longueur, car dans l’ancienne langue du pays, Strath signifie une vallée située le long d’une riviere. Les comtes de la maison de Drummond ont été long-tems gouverneurs héréditaires des provinces de Menteith & de Strath-Erne, avec titre de sénéchal. (D. J.)

STRATH-NAVERN, (Géog. mod.) province de l’Ecosse septentrionale, réunie à celle de Sutherland qui la borne au midi, comme celle de Cathuen à l’orient. Sa longueur est de trente-quatre milles, & sa plus grande largeur de douze ; c’est un pays entierement montueux, & dont les montagnes sont hautes & couvertes de neige ; les forêts sont peuplées de bêtes sauvages, de cerfs, de daims, de chevreuils, & même de tant de loups, que les habitans sont obligés d’aller chaque année, en corps de commune, à la chasse de ces derniers animaux. Les rivieres les plus considérables de cette province, sont le Navern, le Torrisdail, l’Urredell, le Durenish, & le Hallowdail ; ses rivieres, les lacs, & les côtes de la mer, fournissent quantité de poissons à cette province ; ses habitans sont forts, robustes, laborieux, accoutumés à supporter toutes sortes de fatigues, le froid & le chaud, la soif & la faim ; ce sont de bonnes gens, francs, sinceres, vertueux ; ils se servent de la langue ancienne du pays, qui est un dialecte de l’irlandoise ; ils n’ont ni villes, ni bourgs, mais des hameaux pour habitation. (D. J.)

STRATH-YLA, (Géogr. mod.) petit pays d’Ecosse, dans la province de Banf. Il est arrosé par la

riviere Yla, est fertile en pâturages, & abonde en carriere de pierre de chaux. (D. J.)

STRATIES, STRATIAE, (Géogr. anc.) ville du Péloponnèse dans l’Arcadie. Quelques-uns ont cru, dit Pausanias, liv. VIII. c. xxv. que Straties, Enispe, & Ripe, dont Homere fait mention, Iliad. XIII. v. 606. étoient des îles du Ladon ; mais c’est une chimere ; cette riviere n’est pas assez large pour avoir des îles comme on en voit sur le Danube & sur le Pô. (D. J.)

STRATIFICATION, s. f. (Gram.) en chimie, disposition de différentes matieres par lits. Il y a plusieurs opérations de chimie, au succès desquelles cette manœuvre est essentielle.

STRATIFIER, v. act. mettre par lits.

STRATIOTES, s. m. (Hist. nat. Bot.) nom d’un genre distinct de plante, suivant le système de Linnæus, & dont voici les caracteres. Le calice est composé d’une membrane à deux feuilles, comprimées, obtuses, conniventes, & carennées de chaque côté. Outre cette écorce membraneuse, la fleur a son enveloppe particuliere, qui est formée d’une seule feuille, divisée en trois segmens ; elle est droite & tombe ; la fleur est composée de trois pétales, droits, déployés, faits en cœur, & d’une grandeur double de celle du calice ; les étamines sont au nombre de vingt filets, de la longueur de la longueur de l’enveloppe de la fleur, & inserées dans le réceptacle ; les bossettes des étamines sont simples ; le germe du pistil est porté sous le réceptacle du calice particulier de la fleur ; il y a six styles fendus en deux parties, & qui sont de la longueur des étamines ; les stigma sont simples ; le fruit est une baie ovale, contenant six loges ; les graines sont nombreuses, oblongues, crochues, & comme aîlées ; ce genre de plante ne contient qu’une seule espece. Linnæi, gen. plant. p. 253. (D. J.)

Stratiotes, (Botan. exot.) plante qui croit en Egypte, dans le tems des inondations du Nil. Prosper Alpin, dit qu’elle ressemble à l’aizoon, avec cette seule différence que ses feuilles sont plus larges ; nous ne savons pas cependant si c’est le stratiotes de Dioscoride. Celui des modernes nage sur la surface de l’eau, comme la lenticula palustris ; il n’a point d’odeur, & est astringent au goût ; c’est la lenticula aquatica palustris, ægyptiaca, foliis sedo majore latioribus, de C. B. P. 362. (D. J.)

STRATONICIE, (Géog. anc.) 1°. Stratonicia, selon Strabon, Polybe, Tite-Live, & Etienne le géographe ; & Stratonica ou Stratonice, selon Ptolomée, l. V. c. ij. ville de l’Asie mineure, dans la Carie & dans les terres, au voisinage d’Abanda & d’Alinda, à-peu-près entre ces deux villes. Strabon, l. XIV. p. 66. en fait une colonie de Macédoniens ; mais de quels Macédoniens ? apparemment des Syriens-Macédoniens, ou Séleucides ; car cette ville avoit pris son nom de Stratonice, femme d’Antiochus Soter.

Tite-Live, l. XXXIII. c. xxx. nous apprend que Stratonicie fut donnée aux Rhodiens ; elle fut réparée par l’empereur Hadrien, selon Etienne le géographe, qui ajoute qu’on l’appelle à cause de cela, Hadrianopolis ; mais l’ancien nom prévalut, même dans les notices épiscopales, & dans celles des provinces. On a une médaille de Géta, avec ce mot, Στρατονικέων ; Stratonicorum ou Stratonicensium.

Auprès de la ville de Stratonicie, de Carie, il y avoit un temple dédié à Jupiter Chrysaoréen. Ce temple étoit commun aux Cariens, & c’est où se tenoit l’assemblée générale du pays, dans laquelle les Stratoniciens étoient admis, non qu’ils fussent cariens d’origine, mais parce qu’ils possedoient des villages de la Carie ; il y avoit aussi dans le territoire de Stratonicie, un fameux temple d’Hécate.