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fut grammairien, poëte & philosophe. Il se distingua aussi parmi les Mathématiciens. La variété de ses connoissances lui mérita le nom de philologue, qu’il porta le premier, & les Ptolomée, Philopator & Epiphane lui confierent le soin de la bibliotheque d’Alexandrie.

Persée ne fut pas le seul qui abandonna la secte de Zénon. On fait le même reproche à Denis d’Héraclée. On dit de celui-ci qu’il regarda la volupté comme la fin des actions humaines, & qu’il passa dans l’école cyrénaïque & épicurienne.

Herelle de Carthage n’eut pas une jeunesse fort innocente. Lorsqu’il se présenta pour disciple à Zénon, celui-ci exigea pour preuve de son changement de mœurs, qu’il se coupât les cheveux qu’il avoit fort beaux. Herelle se rasa la tête, & fut reçu dans l’école stoïque. Il regarda la science & la vertu comme les véritables fins de l’homme, ajoutant qu’elles dépendoient quelquefois des circonstances, & que semblables à l’airain dont on fondoit la statue d’Alexandre ou de Socrate, il en falloit changer selon les occasions ; qu’elles n’étoient pas les mêmes pour tous les hommes ; que le sage avoit les sciences qui n’étoient pas celles du fou, &c.

Sphaerus le borysthénite, le second disciple de Zénon, enseigna la Philosophie à Lacédémone, & forma Cléomene. Il passa de Sparte à Alexandrie : il modifia le principe des Stoïciens, que le sage n’opinoit jamais. Il disoit à Ptolomée qu’il n’étoit roi, que parce qu’il en avoit les qualités, sans lesquelles il cesseroit de l’être. Il écrivit plusieurs traités que nous n’avons pas.

Cléanthès, né à Asse en Lycie, succéda à Zénon sous le Stoa. Il avoit été d’abord athlete. Son extrème pauvreté lui fit apparemment goûter une philosophie qui prêchoit le mépris des richesses. Il s’attacha d’abord à Cratès, qu’il quitta pour Zénon. Le jour il étudioit ; la nuit il se louoit, pour tirer de l’eau dans les jardins. Les Aréopagites, touchés de sa misere & de sa vertu, lui décernerent dix mines sur le trésor public : Zénon n’étoit pas d’avis qu’il les acceptât. Un jour qu’il conduisoit des jeunes gens au spectacle, le vent lui enleva son manteau, & le laissa tout nud. La fortune & la nature l’avoient traité presqu’avec la même ingratitude. Il avoit l’esprit lent : on l’appelloit l’âne de Zénon, & il disoit qu’on avoit raison, car il portoit seul toute la charge de ce philosophe. Antigone l’enrichit ; mais ce fut sans conséquence pour sa vertu. Cléanthès persista dans la pratique austere du Stoïcisme. La secte ne perdit rien sous lui de son éclat ; le portique fut plus fréquenté que jamais : il prêchoit d’exemple la continence, la sobriété, la patience & le mépris des injures : il estimoit les anciens philosophes de ce qu’ils avoient négligé les mots, pour s’attacher aux choses ; & c’étoit la raison qu’il donnoit de ce que beaucoup moindres en nombre que de son tems, il y avoit cependant parmi eux beaucoup plus d’hommes sages. Il mourut âgé de 80 ans : il fut attaqué d’un ulcere à la bouche, pour lequel les Médecins lui ordonnerent l’abstinence des alimens ; il passa deux jours sans manger ; ce régime lui réussit, mais on ne put le déterminer à reprendre les alimens. Il étoit, disoit-il, trop près du terme pour revenir sur ses pas. On lui éleva, tard à la vérité, une très-belle statue.

Mais personne ne s’est fait plus de réputation parmi les Stoïciens que Chrisippe de Tarse. Il écouta Zénon & Cléanthès : il abandonna leur doctrine en plusieurs points. C’étoit un homme d’un esprit prompt & subtil. On le loue d’avoir pu composer jusqu’à cinq cens vers en un jour : mais parmi ces vers, y en avoit-il beaucoup qu’on pût louer ? L’estime qu’il faisoit de lui-même n’étoit pas médiocre. Interrogé par quelqu’un qui avoit un enfant, sur l’homme à

qui il en falloit confier l’instruction : à moi, lui répondit-il ; car si je connoissois un précepteur qui valût mieux, je le prendrois pour moi. Il avoit de la hauteur dans le caractere : il méprisa les honneurs. Il ne dédia point aux rois ses ouvrages, comme c’étoit la coutume de son tems. Son esprit ardent & porté à la contradiction lui fit des ennemis. Il éleva Carnéade, qui ne profita que trop bien de l’art malheureux de jetter des doutes. Chrisippe en devint lui-même la victime. Il parla librement des dieux : il expliquoit la fable des amours de Jupiter & de Junon d’une maniere aussi peu décente que religieuse. S’il est vrai qu’il approuvât l’inceste & qu’il conseillât d’user de la chair humaine en alimens, sa morale ne fut pas sans tache. Il laissa un nombre prodigieux d’ouvrages. Il mourut âgé de 83 ans : on lui éleva une statue dans le Céramique.

Zénon de Tarse, à qui Chrisippe transmit le portique, fit beaucoup de disciples & peu d’ouvrages.

Diogene le babylonien eut pour maîtres Chrisippe & Zénon. Il accompagna Critolaüs & Carnéade à Rome. Un jour qu’il parloit de la colere, un jeune étourdi lui cracha au visage, & la tranquillité du philosophe ne démentit pas son discours. Il mourut âgé de 98 ans.

Antipater de Tarse avoit été disciple de Diogene, & il lui succéda. Ce fut un des antagonistes les plus redoutables de Carnéade.

Panetius de Rhodes laissa les armes auxquelles il étoit appellé par sa naissance, pour suivre son goût & se livrer à la Philosophie. Il fut estimé de Cicéron, qui l’introduisit dans la familiarité de Scipion & de Loelius. Panetius fut plus attaché à la pratique du Stoïcisme qu’à ses dogmes. Il estimoit les philosophes qui avoient précédé, mais sur-tout Platon, qu’il appelloit leur Homere. Il vécut long-tems à Rome, mais il mourut à Athènes. Il eut pour disciples des hommes du premier mérite, Mnesarque, Posidonius, Lelius, Scipion, Fannius, Hécaton, Apollonius, Polybe. Il rejettoit la divination de Zénon : écrivit des offices ; il s’occupa de l’histoire des sectes. Il ne nous reste aucun de ses ouvrages.

Posidonius d’Apamée exerça à Rhodes les fonctions de magistrat & de philosophe ; & au sortir de l’école, il s’asseyoit sur le tribunal des lois, sans qu’on l’y trouvât déplacé. Pompée le visita. Posidonius étoit alors tourmenté de la goutte. La douleur ne l’empêcha point d’entretenir le général romain. Il traita en sa présence la question du bon & de l’honnête. Il écrivit différens ouvrages. On lui attribue l’invention d’une sphere artificielle, qui imitoit les mouvemens du système planétaire : il mourut fort âgé. Cicéron en parle comme d’un homme qu’il avoit entendu.

Jason, neveu de Posidonius, professa le Stoïcisme à Rhodes, après la mort de son oncle.

Voyez à l’article de la Philosophie des Romains l’histoire des progrès de la secte dans cette ville sous la république & sous les empereurs.

Des femmes eurent aussi le courage d’embrasser le Stoïcisme, & de se distinguer dans cette école par la pratique de ses vertus austeres.

La secte stoïcienne fut le dernier rameau de la secte de Socrate.

Des restaurateurs de la Philosophie stoïcienne parmi les modernes. Les principaux d’entr’eux ont été Juste-Lipse, Scioppius, Heinsius & Gataker.

Juste-Lipse naquit dans le courant de 1447. Il fit ses premieres études à Bruxelles, d’où il alla perdre deux ans ailleurs. Il étudia la Scholastique chez les jésuites ; le goût de l’éloquence & des questions grammaticales l’entraînerent d’abord ; mais Tacite & Séneque ne tarderent pas à le détacher de Donat & de Cicéron. Il fut tenté de se faire jésuite ; mais