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cet ordre, & des officiers préposés pour y tenir la main.

En accordant la permission ou le droit d’élever des statues, le sénat en déterminoit le lieu, avec un terrein de cinq piés d’étendue autour de la base, afin que la famille de ceux à qui il avoit fait cette faveur eût plus de commodité pour assister aux spectacles qui se donnoient dans les places publiques, avant qu’on eût bâti les amphithéâtres & les cirques. La concession du lieu étoit proportionnée à la dignité de celui que l’on vouloit honorer, & à l’action qui lui procuroit l’avantage d’avoir une statue par autorité publique.

Quelques-unes étoient placées dans les temples ou dans les cirques, où le sénat s’assembloit, d’autres dans la place de la tribune aux harangues, dans les lieux les plus éminens de la ville, dans les carrefours, dans les bains publics, sous les portiques destinés à la promenade, à l’entrée des aqueducs, sur les ponts ; & avec le tems il s’en trouva un si grand nombre, que c’étoit un peuple de pierres ou de marbre : partout, dit Cicéron, on les honoroit en brûlant de l’encens devant ces représentations ; on y portoit des offrandes, on y allumoit des cierges ; & comme on en posoit selon les occurrences, à l’occasion de quelque action singuliere, dans des lieux moins fréquentés, il y avoit des officiers chargés du foin de les faire garder ; ces officiers sont appellés dans le droit romain, comites, curatores statuarum, & tutelarii.

Les lieux destinés à la représentation des comédies & des tragédies, étoient accordés pour élever des statues à ces fameux acteurs qui faisoient les délices du peuple ; les auteurs des belles pieces de théâtre n’y avoient pas moins de droit, mais le plus souvent on les plaçoit dans les bibliotheques, sur-tout depuis que Pollion en eût ouvert de publiques.

On ordonnoit quelquefois des statues pour faire passer à la postérité la punition de quelque trahison ou de quelque crime contre l’état ; on les posoit couchées par-terre & sans base, pour les tenir à la portée des insultes dont parle Juvénal.

Solin remarque, que Dédale fut le premier qui imagina de donner aux statues l’attitude naturelle d’une personne qui marche ; avant lui elles avoient les piés joints, & on les appelloit chez les Romains compernes.

Les statues assises étoient communément employées pour représenter les dieux & les déesses, comme un symbole du repos dont ils jouissoient. On représentoit de même les premiers magistrats pour exprimer la situation tranquille de leur ame, dans l’examen & la discussion des affaires.

Quant à la matiere dont elles étoient composées, il y a apparence que l’argille comme la plus maniable, & la plus susceptible de formes arbitraires, y fut d’abord employée. Après lui avoir donné la figure qui convenoit au dessein, l’ouvrier la laissoit durcir au soleil, ou la faisoit sécher au feu, pour la mettre en état de résister plus long-tems aux injures de l’air ; peut-être même que l’incrustation de quelque matiere plus dure pour la préserver d’altération, conduisit ceux qui inventerent l’art de fondre les métaux, à se servir de l’argille pour la composition des moules.

Le bois fut ensuite mis en œuvre comme plus traitable que la pierre ou les métaux ; les Romains n’eurent pendant long-tems dans leurs temples que des dieux de bois grossiérement taillés, même après que les Sculpteurs eurent assujetti la pierre & le marbre. Les statues des dieux se faisoient souvent par préférence d’un certain bois, plutôt que d’un autre. Priape fut d’abord de bois de figuier pour le jardinier qui imploroit son assistance, contre ceux qui voloient ses

fruits ; le vigneron voulut que son Bacchus fût de bois de vigne ; & l’on employoit celui d’olivier pour les statues de Minerve : Mercure, en sa qualité de dieu des Sciences, ne se tailloit pas tout de bois, surtout pour être joint à Minerve par les hermathènes, & à Hercule par les hermeracles.

Hérodote rapporte que les Epidauriens réduits à la derniere misere par la stérilité de leurs terres, envoyerent consulter l’oracle de Delphes, qui leur répondit, que le remede à leurs maux étoit attaché à l’érection de deux statues à l’honneur des déesses Damia & Auxesia, en les faisant tailler d’olivier franc. Comme le seul territoire d’Athenes nourrissoit de ces sortes d’arbres, ils envoyerent en demander ; on leur en promit, sous la condition que tous les ans à certains jours les Epidauriens députeroient quelques-uns de leurs citoyens, pour faire à Athènes des sacrifices à Minerve & à Erechthée. Après quelques années, cette servitude déplut aux Epidauriens, qui voulurent s’en affranchir, & on leur déclara la guerre. Il paroît en examinant le nom de ces deux divinités peu connues, que ce n’étoit qu’un avertissement de l’oracle, pour engager les Epidauriens à donner plus de soin qu’ils n’en donnoient à la culture de leurs terres.

Pausanias fait mention de quelques statues de bois qui avoient le visage, les mains & les piés de marbre ; d’autres de bois doré & peint, avec le visage, les piés & les mains incrustés d’ivoire. Le même historien dit que Théodore de Samos fut le premier qui découvrit l’art de fondre le fer, & que Tisagoras fut le premier qui en fit usage pour fondre plusieurs statues ; mais ce métal est trop poreux, & par-là trop susceptible de la rouille pour avoir été longtems mis en œuvre, sur-tout pour être exposé en plein air ou dans des lieux humides. Le cuivre qui devint bronze par son alliage avec l’étain ou le plomb de douze jusqu’à vingt-cinq livres par cent, a une consistance bien plus fusible, & se trouve moins sujet à l’altération.

L’or & l’argent ont encore été employés pour les statues, il ne faut qu’ouvrir Pausanias pour en trouver de fréquens exemples : mais Valere-Maxime observe que ni à Rome, ni en aucun endroit de l’Italie, on n’avoit vû de statues d’or, avant que Glabrion en exposât une équestre pour Marcus-Acilius Glabrion son pere, dans le temple de la piété, après la défaite d’Antiochus le grand aux Thermopyles. Les magistrats d’Athènes, lors de leur installation, faisoient serment qu’ils seroient exacts observateurs des lois, & qu’ils ne recevroient aucuns présens pour l’administration de la justice, sous peine de faire élever à leurs dépens une statue d’or d’un certain poids ; l’ivoire entroit encore dans la fabrique des statues.

J’ignore s’il y avoit des statues magiques faites avec de la cire pour être plus susceptibles des maléfices, mais il est certain que le bois de buis comme le plus compact, étoit employé dans les secrets de la magie. Photius, dans l’extrait des XXII. livres des histoires d’Olympiodore, fait mention d’une statue élevée à Reggio, qui avoit la vertu d’arrêter les feux du mont Etna, & qui empêchoit les Barbares de venir désoler les côtes.

Pline & beaucoup d’historiens ont parlé de la statue artificielle de Memnon, qui retentissoit tous les matins au lever du soleil, & dont les débris, à ce que disent quelques auteurs, rendoient au lever du soleil un son semblable à celui des cordes d’un instrument lorsqu’elles viennent à se casser.

Néalcés de Cyzique rapporte, qu’après la mort de Méton, les habitans d’Acragas s’étant révoltés, Empédocle appaisa la sédition, conseilla à ses citoyens de prendre le gouvernement républicain, & qu’ayant fait de grandes libéralités au peuple, & doté les fil-