Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces où l’on se servoit d’une balle, & qui faisoient partie de la sphéristique. Voyez Sphéristique & Sphæristici. (D. J.)

SPHÆRISTICI, (Gymnastiq.) maîtres qui enseignoient la sphéristique. Voyez Sphéristique & Sphéristere. (D. J.)

SPHÉRISTIQUE, (Gymnastiq.) chez les anciens la sphéristique comprenoit tous les exercices où l’on se sert d’une balle : elle faisoit une partie considérable de l’orchestique. On a fait honneur de son invention à Pithus, à Nausicaa, aux Sicyoniens, aux Lacédémoniens, & aux Lydiens. Il paroît que dès le tems d’Homere cet exercice étoit fort en usage, puisque ce poëte en fait un amusement de ses héros. Il étoit fort simple de son tems, mais il fit de grands progrès dans les siecles suivans chez les Grecs. Ces peuples s’appliquant à le perfectionner, y introduisirent mille variétés qui contribuoient à le rendre plus divertissant, & d’un plus grand commerce. Ils ne se contenterent pas d’admettre la sphéristique dans leurs gymnases où ils eurent soin de faire construire des lieux particuliers, destinés à recevoir tous ceux qui vouloient s’instruire dans cet exercice, ou donner des preuves de l’habileté qu’ils y avoient acquise : ils proposerent encore des prix pour ceux qui se distingueroient en ce genre dans les jeux publics ; ainsi qu’on peut le conjecturer de quelques médailles grecques rapportées par Mercurial, & sur lesquelles on voit trois athletes nuds s’exerçant à la balle au-devant d’une espece de table qui soutient deux vases, de l’un desquels sortent trois palmes avec cette inscription au-dessous, ΠΥΘΙΑ ΑΚΤΙΑ. Les Athéniens, entre autres donnerent un témoignage signalé de l’estime qu’ils faisoient de la sphéristique, en accordant le droit de bourgeoisie, & en érigeant des statues à un certain aristonique Carystien, joueur de paume d’Alexandre le grand, & qui excelloit dans cet exercice.

Les balles à jouer se nommoient en grec σφαῖραι, spheres, globes, & en latin elles s’appelloient pilæ. La matiere de ces balles étoit de plusieurs pieces de peau souple & courroyée, ou d’autre étoffe, cousues ensemble en maniere de sac que l’on remplissoit tantôt de plume ou de laine, tantôt de farine, de graine de figuier, ou de sable. Ces diverses matieres plus ou moins pressées & condensées, composoient des balles plus ou moins dures. Les molles étoient d’un usage d’autant plus fréquent, qu’elles étoient moins capables de blesser & de fatiguer les joueurs, qui les poussoient ordinairement avec le poing, ou la paume de la main. On donnoit à ces balles différentes grosseurs ; il y en avoit de petites, de moyennes, & de très-grosses ; les unes étoient plus pesantes, les autres plus légeres ; & ces différences dans la pesanteur & dans le volume de ces balles, ainsi que dans la maniere de les pousser, établissoient diverses sortes de sphéristiques. Il ne paroît pas que les anciens ayent employé des balles de bois, ni qu’ils ayent connu l’usage que nous en faisons aujourd’hui pour jouer à la boule & au mail ; mais ils ont connu les balles de verre, ce que nous observons en passant.

A l’égard des instrumens qui servoient à pousser les balles, outre le poing & la paume de la main, on employoit les piés dans certains jeux ; quelquefois on se garnissoit les poings de courroies qui faisoient plusieurs tours, & qui formoient une espece de gantelet ou de brassard, sur-tout lorsqu’il étoit question de pousser des balles d’une grosseur ou d’une dureté extraordinaire. On trouve une preuve convaincante de cette coutume sur le revers d’une médaille de l’empereur Gordien III. rapportée par Mercurial, où l’on voit trois athletes nuds ceints d’une espece d’écharpe, lesquels soutiennent de leur main gauche une balle ou un balon, qui paroît une fois plus gros

que leur tête, & qu’ils semblent se mettre en devoir de frapper du poing de leur main droite armée d’une espece de gantelet. Ces sortes de gantelets ou de brassards, tenoient lieu aux anciens de raquettes & de battoirs qui, selon toute apparence, leur ont été absolument inconnus.

Les exercices de la sphéristique, qui étoient en grand nombre chez les Grecs, peuvent se rapporter à quatre principales especes, dont les différences se tiroient de la grosseur & du poids des balles que l’on y employoit. Il y avoit donc l’exercice de la petite balle, celui de la grosse, celui du balon & celui du corycus.

De ces quatre especes de sphéristiques, celui de la petite balle étoit chez les Grecs le plus en usage, & celui qui avoit le plus mérité l’approbation des Médecins. Antyllus, dont Oribase nous a conservé des fragmens considérables, & qui est l’auteur dont nous pouvons tirer plus d’éclaircissemens sur cette matiere, reconnoît trois différences dans cet exercice de la petite balle, non-seulement par rapport à la diverse grosseur des balles dont on jouoit ; mais aussi par rapport à la diverse maniere de s’en servir. Dans la premiere, où l’on employoit les plus petites balles, les joueurs se tenoient assez près les uns des autres. Ils avoient le corps ferme & droit, & sans branler de leur place, ils s’envoyoient réciproquement les balles de main en main avec beaucoup de vîtesse & de dextérité. Dans la seconde espece, où l’on jouoit avec des balles un peu plus grosses, les joueurs, quoiqu’assez voisins des uns des autres, déployoient davantage les mouvemens de leurs bras, qui se croisoient & se rencontroient souvent ; & ils s’élançoient çà & là pour attraper les balles, selon qu’elles bondissoient ou bricoloient différemment. Dans la troisieme espece, où l’on se servoit de balles encore plus grosses, on jouoit à une distance considérable, & les joueurs se partageoient en deux bandes, dont l’une se tenoit ferme en son poste, & envoyoit avec force & coup sur coup les balles de l’autre côté, où l’on se donnoit tous les mouvemens néccessaires pour les recevoir & les renvoyer.

On doit rapporter à l’exercice de la petite balle, dont on vient de décrire les trois especes alléguées par Antyllus, trois autres sortes de jeux appellés ἀπόῤῥαξις, οὐρανία & ἁρπαστόν.

Le jeu nommé aporrhaxis, d’ἀποῤῥήγνυμι, abrumpo, frango, & dont Pollux nous a conservé la description, consistoit à jetter obliquement une balle contre terre, lui donnoit occasion de rebondir une seconde fois vers l’autre côté d’où elle étoit renvoyée de la même maniere & ainsi de suite, jusqu’à ce quelqu’un des joueurs manquât son coup, & l’on avoit soin de compter les divers bonds de la balle.

Dans le jeu appellé ourania, l’un des joueurs se courbant en arriere, jettoit en l’air une balle qu’un autre tâchoit d’attrapper en sautant avant qu’elle retombât à terre, & avant que lui-même se trouvât sur ses piés : ce qui demandoit une grande justesse de la part de celui qui recevoit cette balle, & qui devoit pour sauter prendre précisément l’instant que la balle qui retomboit pût être à la portée de sa main.

L’harpaston a son nom dérivé d’ἁρπάζω, rapio, parce qu’on s’y arrachoit la balle les uns aux autres. Pour y jouer, on se divisoit en deux troupes, qui s’éloignoient également d’une ligne nommée σκῦρος, que l’on traçoit au milieu du terrein, & sur laquelle on posoit une balle. On tiroit derriere chaque troupe une autre ligne, qui marquoit de part & d’autre les limites du jeu. Ensuite les joueurs de chaque côté couroient vers la ligne du milieu, & chacun tâchoit de se saisir de la balle, & de la jetter au-delà de l’une des deux lignes qui marquoient le but, pen-