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d’une huile subtile, aromatique, de bonne odeur ; & qu’ils se trouvent mal des remedes irritans. Dans la putridité, l’estomac est rejoui par les acides qui se trouvent contraires aux maladies des bronches des poumons. Les cantharides ne font point d’impression sur l’estomac, mais elles picotent les canaux urinaires des reins, les ureteres, la vessie, & leur causent des contractions spasmodiques.

Après avoir indiqué les divers sens qu’on peut donner aux remedes nommés spécifiques en médecine, nous allons indiquer en peu de mots, ceux qui conviennent davantage pour la guérison de différentes maladies les plus communes.

Le quinquina n’a point perdu la réputation qu’il s’est acquise dès le commencement, d’être le spécifique des fievres intermittentes, ou du moins d’en reprimer les accès : le fait est certain, quoique la maniere soit inconnue. On loue encore avec raison, dans les mêmes fievres, les fleurs de camomille ordinaire, parce que leur amertume & leur huile ont une vertu antispasmodique, & une autre tonique légerement astringente.

La teinture de rhubarbe & de gentiane, préparée avec une lessive de celle de tartre, & l’esprit urineux du sel ammoniac, a dans plusieurs especes de fievres quartes, une espece de vertu spécifique ; mais quand cette fievre ne cede pas à ce remede, il paroît qu’on peut recourir avantageusement au mercure doux, ou diaphorétique, bien préparé.

Le nitre dépuré avec un peu de camphre, les adoucissans, les doux anodins, les émulsions, & les diaphorétiques fixes, ont une espece de vertu particuliere dans toutes les inflammations qui sont accompagnées de fievre, & qui communément attaquent les parties nerveuses, comme sont les membranes du cerveau, les tuniques de l’estomac, la plevre, les bronches des poumons.

Lorsque les humeurs ont une disposition maligne, c’est-à-dire une disposition à la putréfaction, le camphre marié avec le nitre, mérite des éloges, soit que les maladies soient aiguës ou chroniques. On doit regarder le vinaigre, ou simple, ou chargé de la teinture des racines cordiales, comme le meilleur des alexiteres, dans la peste même. Le suc de limons, de citrons, le sirop de limon aromatisé avec l’huile de cedre, resistent puissamment en qualité d’acides, à la dissolution corruptible des humeurs.

Les douleurs causées par un resserrement spasmodique, sont utilement mitigées par la liqueur anodine minérale d’Hoffman ; les vents dont la raréfaction cause une extension douloureuse des membranes de l’estomac & des intestins, le dissipent avantageusement, toutes les fois qu’il n’y a point d’inflammation, par l’écorce d’orange jointe aux fleurs de camomille, & par d’autres remedes semblables, qui ont une huile subtile, vaporeuse, réunie à un principe aromatique, qui fortifient & adoucissent.

Les goutteux sont soulagés par l’usage abondant & continué d’une décoction de racine d’armoise, de scorzonere, de squine, de réglisse, & de polypode ; le rob de sureau, pris intérieurement à la dose d’une once, dans un liquide convenable, est une espece de spécifique pour exciter la transpiration.

Les accidens hystériques & hypocondriaques, qui proviennent de la contraction spasmodique du système des nerfs, ne connoissent point de meilleur remede que l’exercice du corps, les gommes balsamiques, comme l’assa fœtida, le sagapenum, l’opopanax, le castoreum, l’extrait de rhubarbe, la myrrhe & le safran, pris souvent à dose modérée, parce que ces remedes dissolvent les liqueurs tenaces, & fortifient le ton des parties nerveuses.

Lorsque le tissu vésiculaire des poumons est engorgé dans l’asthme par une pituite épaisse, la gom-

me ammoniaque, le baume du Pérou, l’opopanax,

réduits en pilules, ou en essence, avec la teinture de tartre, sont les remedes les plus spécifiques, c’est-à-dire les plus appropriés à cette maladie.

Quand les mêmes poumons commencent à être attaqués de phthisie, c’est sur-tout dans le lait d’anesse, ou seul, ou coupé avec les eaux de Selter, qu’il faut chercher le remede spécifique à ce mal, en y joignant l’exercice modéré à cheval, avec le régime convenable d’ailleurs, pour prévenir la putridité des humeurs.

L’hydropisie dépendant d’une infinité de causes particulieres, n’a point de remedes spécifiques ; mais comme l’écoulement des urines est quelquefois un des moyens destinés à évacuer les eaux des hydropiques, on peut conseiller la poudre des cantharides, mêlée avec le sel de tartre, quelques grains de nitre dépuré, & de camphre, si les humeurs ont disposition à prendre le cours des urines pour s’évacuer ; il faut ensuite fortifier le corps par des bandages.

La disposition des reins à former du gravier, demande un long & fréquent usage de l’infusion des sommités de mille feuilles, ainsi que l’écorce des racines d’acacia, infusée dans l’eau.

La dissenterie, maladie contagieuse qui fait quelquefois de grands ravages, est ordinairement heureusement guérie par la racine de l’Amérique, connue sous le nom d’ipecacuanha, qui passe dans ce mal pour un spécifique.

On prescrit, entre les remedes qui peuvent émousser l’acrimonie, les diaphorétiques doux, les tempérans, & l’infusion légere de rhubarbe ; enfin on emploie avec succès, l’écorce de cascarille, pour raffermir les fibres relâchées des intestins, & calmer les mouvemens désordonnés.

Les vers, qui présentent quelquefois la scène de plusieurs accidens, sont heureusement attaqués & chasses du corps par l’extrait de rhubarbe, & surtout par le diagrède, & le mercure doux : on peut, dans les enfans, faire précéder l’usage de ces remedes, par quelques cuillerées d’huile d’olive, ou d’amande douce, lesquels comme tous les huileux, causent la mort des vers, sur-tout si les enfans sont à jeun.

Dans les maladies vénériennes, le bois & l’écorce de gayac, mais sur-tout le mercure, passent depuis long-tems pour être les meilleurs spécifiques connus. Le gayac empreint l’eau dans laquelle on le fait bouillir, d’un sel subtil resineux, qui accélere la circulation de la masse du sang & des humeurs ; ce qui tend à dissoudre les sucs tenaces, & à lever les obstructions.

On attaque avec succès les maladies cutanées, telles que l’herpès, la gale, & autres exulcérations de la peau, par le soufre diaphorétique d’antimoine, & en général par les antimoniaux.

La stagnation des humeurs & du sang, qui procede d’une contusion des parties extérieures, outre les remedes externes, admet intérieurement l’usage de l’infusion, ou de la décoction du damozanium, & autres plantes de ce genre, qui possedent des vertus incisives, résolutives, & discussives.

Voilà, dans plusieurs maladies, les remedes choisis que l’expérience a fait connoître pour les plus utiles, & dont la plûpart sont honorés du titre de spécifiques ; cependant les vertus de tous ces médicamens, même des plus vantés, ne sont jamais que relatives, bornées & limitées à certaines dispositions & circonstances ; ils demandent tous d’être reglés par une méthode convenable, & par les lumieres d’un sage médecin qui connoisse les causes de la maladie, le régime, le genre de vie qu’il faut suivre pendant l’usage