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sante ; & que celle qui est de bois, est spécifiquement plus légere.

Quelques uns appellent cette espece de pesanteur, relative, par opposition à la pesanteur absolue, qui est la même dans les petites parties de chaque corps, égales en masses, ce qui les fait descendre également vîte dans le vuide.

Lois de la pesanteur & de la légéreté spécifique des corps. 1°. Quand deux corps sont égaux en volume, leurs pesanteurs spécifiques sont l’une à l’autre comme leurs masses. Ainsi on dit qu’un corps est d’une pesanteur spécifique double d’un autre, lorsqu’il a deux fois sa masse sous le même volume.

Donc les pesanteurs spécifiques des corps égaux, sont comme leur densité. Voyez Densité.

2°. Les pesanteurs spécifiques des corps qui sont du même poids, sont en raison réciproque de leurs volumes. Ainsi les densités de deux corps du même poids, sont en raison réciproque de leurs volumes.

3°. Les pesanteurs spécifiques de deux corps sont en raison composée de la raison directe de leurs masses, & de la raison réciproque de leurs volumes.

4°. Un corps spécifiquement plus pesant qu’un fluide, perd dans ce fluide une portion de sa pesanteur, égale à celle d’un pareil volume de fluide.

Car supposons qu’un pouce cubique de plomb soit plongé dans l’eau, un pouce cubique d’eau sera par ce moyen chassé du lieu qu’il occupoit ; mais le poids de cette eau étoit soutenu par la résistance de l’eau qui l’environnoit. Il faut donc qu’une partie du poids du cube de plomb soit soutenue par l’eau environnante, & que cette partie soit égale au poids de l’eau qui a été repoussée ; par conséquent la pesanteur du corps plongé doit être diminuée d’autant. Voyez Fluide.

Ainsi, 1°. puisqu’un fluide spécifiquement plus pesant, a plus de poids sous le même volume, qu’un autre plus léger ; le même corps perdra davantage de son poids dans un fluide spécifiquement plus pesant que dans un plus léger ; & par conséquent il pesera plus dans un fluide plus léger que dans un autre plus pesant.

2°. Des corps égaux homogenes, par exemple, deux balles égales de plomb, qui pesent également dans l’air, perdront leur équilibre si on les plonge dans deux fluides différens.

3°. Puisque les pesanteurs spécifiques sont comme les masses sous le même volume, la pesanteur spécifique du fluide sera à la pesanteur spécifique du corps plongé, comme la partie du poids que perd le corps solide, est à tout le poids du corps.

4°. Deux solides de volume égal, perdent autant de poids l’un que l’autre dans le même fluide ; mais le poids de celui qui est spécifiquement plus pesant, est plus grand que celui du corps spécifiquement plus léger : donc le corps spécifiquement plus léger, perd plus de son poids à-proportion que celui qui est spécifiquement plus pesant.

5°. Puisque les volumes des corps de poids égal, sont réciproquement comme leurs pesanteurs spécifiques, un corps spécifiquement plus léger, perd davantage de son poids dans le même fluide, qu’un autre corps de même poids & d’une plus grande pesanteur spécifique, ou d’un moindre volume. C’est pourquoi s’ils sont en équilibre dans un fluide, ils ne le seront pas de même dans un autre ; mais celui qui est spécifiquement plus pesant l’emportera, d’autant plus que le fluide sera plus dense.

Trouver la pesanteur spécifique d’un fluide. Suspendez un globe de plomb à un des côtés d’une balance, & attachez à l’autre côté un poids qui soit en équilibre avec l’autre en plein air ; plongez successivement le globe dans les différens fluides dont les pesanteurs

spécifiques sont inconnues, & observez combien il pese dans chacun. Ces différentes pesanteurs étant soustraites chacune à-part du premier poids, ce qui reste est la quantité de poids qui se perd dans chaque fluide. D’où on connoît la pesanteur spécifique de chacun de ces fluides.

Donc, puisque les densités sont comme les pesanteurs spécifiques, on trouve en même tems la raison des densités des fluides.

Ce problème est d’un fort grand usage ; car on trouve par ce moyen le degré de pureté ou de bonté des fluides ; connoissance dont l’utilité s’étend non seulement à la philosophie naturelle, mais encore aux usages de la vie & à la pratique de la médecine.

On remarque que les pesanteurs spécifiques des mêmes fluides varient dans les différentes saisons de l’année. M. Eisenschmid, dans son livre intitulé, disquisitio nova de ponderibus, &c. rapporte quantité d’expériences sur ce sujet, dont nous ne citerons ici que les principales.


Table des pesanteurs spécifiques de différens fluides.
un pouce cubique, à Paris en été. en hiver.
  Pese onc. dr. g. onc. dr. g.
de Mercure 7 1 66. 7 2 14.
Huile de vitriol 7 59. 7 71.
Esprit de vitriol 5 33. 5 38.
Esprit de nitre 6 24. 6 44.
Esprit de sel 5 49. 5 55.
Eau forte 6 23. 6 35.
Vin aigre 5 15. 5 21.
Vinaigre distillé 5 11. 5 15.
Vin de Bourgogne 4 67. 4 75.
Esprit-de-vin 4 32. 4 42.
Biere pâle 5 1. 5 9.
Biere foncée 5 2. 5 7.
Lait de vache 5 20. 5 25.
Lait de chevre 5 24. 5 28.
Urine 5 14. 5 19.
Esprit d’urine 5 45. 5 53.
Huile de tartre 7 27. 7 43.
Huile d’olive 4 53. est gelée en hiver.
Huile de térébenthine 4 39.   4 46.
Eau de mer 6 12. 6 18.
Eau de riviere 5 10. 5 13.
Eau de fontaine 5 11. 5 14.
Eau distillée 5 8. 5 11.

6°. Pour déterminer en quelle raison la pesanteur spécifique d’un fluide, est à la pesanteur spécifique d’un solide qui est spécifiquement plus pesant que le fluide ;

Pesez la masse du solide dans le fluide, & remarquez quel est précisement son poids dans le fluide & dans l’air : la gravité spécifique du fluide sera à celle du solide, comme la partie de la pesanteur que perd le solide, est à son poids dans l’air.

7°. Les pesanteurs spécifiques des corps également pesans, sont réciproquement comme les quantités de pesanteurs qu’ils perdent dans le même fluide.

Par ce moyen on trouve la raison des pesanteurs spécifiques des solides, en pesant dans le même fluide, des portions de ces solides qui soient également pesantes dans l’air, & en remarquant quelle est la pesanteur que chacun perd.

Plusieurs auteurs ont déterminé les pesanteurs spécifiques de différens solides. Ghétaldus a examiné particulierement les pesanteurs spécifiques des corps métalliques ; & c’est de lui qu’Oughtred les a empruntées. On trouve dans les Transactions philosophiques, des tables fort amples des pesanteurs spécifiques, faites par différens auteurs.

Voici celles de quelques-uns des corps les plus or-