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que l’étain rend la soudure aigre & cassante. On peut aussi se servir de l’étain fin, pour souder les petits ouvrages en argent ; mais lorsqu’on est dans le cas de refondre ces ouvrages d’argent, l’étain nuit à l’argent, & l’on est obligé de l’en séparer avec soin, sans quoi il rendroit toute la masse très-aigre.

Comme l’argent que l’on emploie dans la vaisselle ou pour d’autres usages est ordinairement allié avec du cuivre, les ouvrages d’argenterie qui ont été soudés, deviennent noirs par cette opération, & perdent leur éclat ; on remédie à cet inconvénient en faisant la composition suivante, dans laquelle on fait blanchir les pieces. On prend parties égales de tartre crud & de sel marin, que l’on réduit parfaitement en poudre ; on met ce mélange dans un vaisseau de terre neuf & vernissé, ou bien, si l’on a un grand nombre de pieces à blanchir, on prend un grand chaudron de cuivre jaune. On verse de l’eau sur le mélange de tartre & de sel, ce qui fera une dissolution qu’on rendra forte à volonté. On place le chaudron sur un feu de charbon, on fera rougir au feu la piece qu’on voudra blanchir, en prenant garde de ne point la laisser fondre ; plus la piece sera mince, plus il faudra y avoir attention. Lorsque la piece aura rougi, on la jettera dans la liqueur dont elle doit être entierement couverte ; on la fera bouillir doucement pendant une demi-heure ou même plus, en observant de la remuer avec une baguette ou une cuillere de cuivre jaune, mais il faudra bien se garder de ne point se servir pour cela d’un instrument de fer qui feroit des taches sur l’argent. De tems en tems on sortira une piece de l’eau pour voir si elle est devenue blanche ; lorsqu’elle sera au point de blancheur que l’on desire, on ôtera le chaudron de dessus le feu, & l’on trempera les pieces dans de l’eau bien nette ; on les frottera avec du sable fin ou avec une brosse, & on les remettra dans de nouvelle eau ; on les essuyera bien proprement avec un linge, ou bien on les fera sécher au-dessus d’un brasier de charbon. S’il se trouvoit quelque piece qui ne fût point parfaitement blanche, on la remettroit de nouveau dans la même liqueur, ce que l’on est quelquefois obligé de réitérer plusieurs fois.

Il y a encore une autre liqueur dont les Orfevres & les Jouailliers se servent pour blanchir les ouvrages d’argenterie ; elle consiste à faire bouillir les pieces pendant environ un demi-quart d’heure dans une dissolution d’alun, après quoi on les nettoie de la maniere qui vient d’être décrite. Quelques-uns conseillent de mettre les pieces d’argent à tremper pendant vingt-quatre heures dans de l’eau seconde, mais cette méthode ne blanchit point parfaitement l’argent. On réussira encore en frottant les pieces d’argenterie avec de l’eau de savon, sans avoir besoin de les y faire bouillir. Quelques orfevres nettoient leurs pieces, soit avec de la pierre à plâtre réduite en poudre, soit avec des os de seche, soit avec de la craie & du vinaigre, &c.

Soudure du cuivre. On emploie différentes compositions pour la soudure du cuivre ; les unes s’appellent soudures fortes, les autres soudures tendres. Voici une maniere de faire la soudure forte, qui se pratique par les ouvriers en cuivre. On prend seize parties de cuivre jaune & une partie de zinc. On commence par faire fondre le cuivre jaune dans un creuset ; & lorsqu’il est bien fondu, on y joint le zinc que l’on aura préalablement fait chauffer, afin qu’il ne petille point, comme il feroit, si on le mettoit tout-d’un-coup dans le creuset ; on remue le mélange, & l’on recouvre promptement le creuset ; lorsqu’on l’a laissé entrer parfaitement en fusion pendant deux minutes, on vuide le creuset sur un ballet de bouleau placé au-dessus d’une cuve pleine d’eau ; par ce moyen le mélange fondu se réduira en une grenaille, qui est la

soudure desirée ; on la lavera & on la conservera pour l’usage. Cette soudure est très-bonne pour souder les grosses pieces, elle souffre très-bien le marteau ; mais comme elle est assez difficile à fondre, quelques-uns préferent de ne prendre que huit parties de cuivre jaune contre une partie de zinc ; cette soudure est très-fusible, & cependant très-malléable. Un mélange de trois parties de cuivre rouge & d’une partie de zinc fait encore une très-bonne soudure. D’autres ne font que simplement couper des lames de cuivre jaune en petits morceaux, qu’ils appliquent sur l’endroit qu’ils veulent souder, en y joignant du borax.

La soudure tendre pour le cuivre n’est autre chose qu’un mélange de deux parties d’étain, & d’une partie de plomb que l’on fait fondre ensemble ; après quoi on en forme un lingot dont on se sert au besoin.

Lorsqu’on veut faire des ouvrages propres en cuivre, sans avoir égard à la dépense, on peut se servir des soudures qui ont été décrites pour l’argent, & même de celles pour l’or.

Quand on veut souder des pieces de cuivre, on commence par donner quelques coups de lime sur les jointures ou sur les endroits que l’on veut joindre, ou bien on y donne quelques coups de grattoir ; on échauffe les pieces dans un feu de charbon ; on met ensuite un peu de colophone sur les endroits qu’on veut faire prendre, puis on y met quelques morceaux de la soudure tendre, composée d’étain & de plomb ; lorsque cette soudure est fondue, on enleve ou l’on essuie le superflu de la soudure, tandis qu’elle est encore fluide, avec de l’étoupe ou de la filasse.

On se sert encore d’une autre méthode pour souder les ouvrages en cuivre. Les ouvriers ont des outils particuliers, appellés fers à souder, qui sont de fer ou de cuivre que l’on fait rougir, sans cependant que la chaleur aille jusqu’à les blanchir. Quand le fer à souder est d’un rouge de cerise, on lui présente un lingot de la soudure tendre qui venant ainsi à se fondre, tombe goutte à goutte sur l’endroit qu’on veut souder, sur lequel on a d’abord répandu un peu de colophone ; après cela on repasse avec le fer à souder tout chaud sur l’endroit que l’on veut faire prendre, par-là on égalise la soudure ; on enleve ensuite le superflu avec une lime ou un grattoir.

Comme les pieces de cuivre qui ont été soudées perdent leur couleur & se noircissent, on la leur rend en les trempant dans une liqueur qui est de l’urine, dans laquelle on a mis des cendres de bois neuf. On fait bouillir ce mélange ; & après avoir fait rougir au feu les ouvrages, on les éteint dans la liqueur ; ou bien, on les éteint dans une simple dissolution de sel marin : cette opération s’appelle décaper.

Soudure du laiton ou cuivre jaune. On emploie aussi une soudure forte & une soudure tendre pour le laiton ou cuivre jaune. La soudure forte est la même que pour le cuivre rouge, c’est-à-dire de seize parties de laiton contre une partie de zinc, que l’on fait fondre & que l’on met en grenaille de la même maniere. Cette soudure est encore fort bonne en ne mettant que huit parties de laiton contre une partie de zinc. Si on veut que la soudure soit encore plus aisée à fondre, on ne prend que six parties de laiton. On prend aussi quelquefois trois parties de cuivre rouge que l’on fait fondre avec une partie de zinc : cette soudure est dure & solide. D’autres prennent deux parties de cuivre rouge contre une partie de zinc. On peut ainsi varier les proportions du zinc & du cuivre : ce qui donne des soudures plus ou moins jaunes, en raison du plus ou du moins de zinc qu’on y a fait entrer, ce qui les rend aussi plus fusibles & plus tendres. La soudure tendre du cuivre jaune se fait ordinairement avec six parties de laiton, & une partie de zinc & une partie d’étain.