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rengs-sors en Picardie & en Normandie. Il s’en faisoit un grand commerce le long des côtes d’Espagne & Italie : depuis qu’on s’est mis à les saler en barils, ce premier commerce est tombé de maniere qu’on ne sorre plus guere de sardines ; à-présent les sardines salées se mangent pour la plûpart crues par les Basques & les garçons des vignobles où l’on les fait passer.

Les lieux où l’on fait sorreter les sardines sont établis à-peu-près de la même maniere que les roussables où l’on fait fumer en Normandie les harengs-sors. On sale à terre les sardines en tas ou en grenier ; on les arrange de tête en queue, en forme de demi-ovale ; on seme entre chaque lit du sel, comme on fait aux sardines que l’on prépare pour être pressées ; on les laisse ainsi en tas pendant deux ou trois jours au plus. Quand on veut que cet apprêt soit doux & moins âcre, on sale les sardines avec de vieux sel reposé dgune année, parce que le poisson apprêté de sel neuf ou nouveau, est bien moins délicat ; après qu’il est resté suffisamment au sel, on passe dans de petites brochettes de bois les sardines de la même maniere que celles qu’on met en presse ; on les lave de même dans l’eau de mer, & ensuite dans l’eau douce ; après quoi on les pend dans la sorreterie, comme on fait les harengs ; on les laisse égoutter pendant 24 heures avant d’y faire le feu, qui dure ordinairement 7 à 8 jours si le tems est sec, sinon pendant 10 jours & plus s’il est humide.

Le feu qu’on fait pour sorreter les sardines, est fait avec du bois de chêne & des copeaux de tonnelier ou de menuisier, que l’on recouvre ensuite de cendres des landes brûlées ; pour lui faire rendre plus de fumée, on met le feu le long des pentes des brochettes.

Le lieu qui sert à cette préparation est une salle ou espece de cellier sans étage au-dessus, avec une cheminée dont l’embouchure occupe toute la largeur de la piece, le long de laquelle sont pendues les sardines.

On ne commence guere à sorreter à Douarnenez, que vers la fin de la pêche, parce qu’alors ce sont les plus grosses sardines qui viennent à la côte, qu’elles rangent toujours pour passer l’embouchure du canal, vers la fin de Décembre ou au plus tard vers la fin de Janvier. Voyez la fig. 1. Pl. XIII. de pêche.

SORT, (Jurisprud.) On entend par ce terme, le hasard produit dans les partages ; après avoir formé les lots, ils se distribuent ou par choix ou par convention, ou enfin on les tire au sort. Dans ce dernier cas, on fait autant de petits billets qu’il y a de lots, & l’on écrit sur l’un premier lot, & sur l’autre second lot, & ainsi des autres. On mêle ensuite ces billets après les avoir pliés ou roulés, & on les fait tirer l’un après l’autre, un pour chaque héritier, suivant l’ordre de progéniture ; & selon le billet qui échet, on écrit dans le partage que le premier lot est advenu à un tel, le second à un tel, voyez Lots & Partage. (A)

Sort, (Critiq. sacr.) maniere de décider les choses par le hasard. Cet usage est très-convenable dans plusieurs occasions, sur-tout dans celles où il n’y a aucune raison de préférence. Alors l’auteur des Proverbes a raison de dire que le sort termine toute dispute. Son usage étoit fréquent chez les Hébreux, comme cela paroît dans plusieurs endroits de l’Ecriture. La terre promise fut partagée au sort. Les Levites reçurent leur lot par le même moyen. Dans le jour de l’expiation, on jettoit le sort sur les deux boucs, pour savoir lequel des deux seroit immolé. David distribua par le sort les rangs aux vingt-quatre bandes de prêtres qui devoient servir dans les temples. Quand il fut question de remplir la place de Judas dans l’apostolat, le sort tomba sur saint Mat-

thias. Enfin la robe de Jésus-Christ fut jettée au sort.

Mais la maniere de tirer le sort chez les Juifs, n’est pas marquée fort distinctement dans l’Ecriture ; & nous n’en voyons qu’une sorte exprimée dans Salomon. On jettoit les sorts (apparemment des billets) dans le pan d’une robe, d’où, après les avoir bien mêlés, on les tiroit pour la décision.

Le mot sort désigne encore dans l’Ecriture l’effet du sort, le partage. La méchante femme doit être le partage des pécheurs, sors peccatorum, Ecclés. xxv. 26. c’est-à-dire, que le pécheur mérite de souffrir la mauvaise humeur d’une méchante femme plutôt que l’homme vertueux ; mais malheureusement le sort ne le décide pas toujours ainsi. (D. J.)

Sorts, (Théologie payenne) sortes. Le sort est l’effet du hasard, & comme la décision ou l’oracle de la fortune ; mais les sorts sont les instrumens dont on se sert pour savoir quel|e est cette décision.

Les sorts étoient le plus souvent des espece de dés, sur lesquels étoient gravés quelques caracteres ou quelques mots dont on alloit chercher l’explication dans des tables faites exprès. Les usages étoient différens sur les sorts. Dans quelques temples on les jettoit soi-même ; dans d’autres on les faisoit sortir d’une urne, d’où est venue cette maniere de parler si ordinaire aux Grecs, le sort est tombé.

Ce jeu de dés étoit toujours précédé de sacrifices & de beaucoup de cérémonies ; apparemment les prêtres savoient manier les dés ; mais s’ils ne vouloient pas prendre cette peine, ils n’avoient qu’à les laisser aller ; ils étoient toujours maîtres de l’explication.

Les Lacédémoniens allerent un jour consulter les sorts de Dodone, sur quelque guerre qu’ils entreprenoient ; car outre les chênes parlans, & les colombes & les bassins & l’oracle, il y avoit encore des sorts à Dodone. Après toutes les cérémonies faites, sur le point qu’on alloit jetter les sorts avec beaucoup de respect & de vénération, voilà un singe du roi des Molosses, qui étant entré dans le temple, renverse les sorts & l’urne. La prêtresse effrayée dit aux Lacédémoniens qu’ils ne devoient pas songer à vaincre, mais seulement à se sauver ; & tous les écrivains assurent que jamais Lacédémone ne reçut un présage plus funeste.

Les plus célébres entre les sorts étoient à Préneste & à Antium, deux petites villes d’Italie. A Préneste étoit la fortune, & à Antium les fortunes. Voy. Sorts de Préneste.

Les fortunes d’Antium avoient cela de remarquable, que c’étoient des statues qui se remuoient d’elles-mêmes, selon le témoignage de Macrobe, l. I. c. xxiij. & dont les mouvemens différens, ou servoient de réponse, ou marquoient si l’on pouvoit consulter les sorts.

Un passage de Ciceron, au liv. II. de la divination, où il dit que l’on consultoit les sorts de Préneste par le consentement de la fortune, peut faire croire que cette fortune savoit aussi remuer la tête, ou donner quelqu’autre signe de ses volontés.

Nous trouvons encore quelques statues qui avoient cette même propriété. Diodore de Sicile & Quint-Curce disent que Jupiter-Ammon étoit porté par quatre-vingt prêtres dans une espece de gondole d’or, d’où pendoient des coupes d’argent ; qu’il étoit suivi d’un grand nombre de femmes & de filles qui chantoient des hymnes en langue du pays, & que ce dieu porté par ses prêtres, les conduisoit en leur marquant par quelques mouvemens où il vouloit aller.

Le dieu d’Héliopolis de Syrie, selon Macrobe, en faisoit autant : toute la différence étoit qu’il vouloit être porté par les gens les plus qualifiés de la province, qui eussent long-tems auparavant vécu en continence, & qui se fussent fait raser la tête.