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& six pouces de grosseur. On chassa le coffre : il entra de six pouces en vingt vollées de trente coups ; on redescendit l’instrument, & on le mena à un pié plus bas qu’il n’avoit été ; on le retira rempli comme la premiere fois ; on battit le coffre, il descendit de quatre pouces ; l’outil n’ayant que huit pouces de diametre par le haut, ne lui frayoit qu’une partie de son chemin que le sabot tâchoit d’achever ; on sentit qu’à mesure qu’on descendoit, les cailloux étoient plus serrés les uns contre les autres ; on fit un second instrument sur le modele à-peu-près du premier. On l’employa, & on le fit descendre aussi bas qu’il fut possible ; on le retira rapportant avec lui des morceaux de cailloux proportionnés à sa capacité ; on retourna au grand instrument, on le couronna d’un cylindre de tôle de douze pouces de hauteur & d’un diametre un peu moindre que le sien. On travailla jusqu’à ce qu’on crût que le haut de ce cylindre étoit recouvert par les graviers de six à huit pouces, on le retira plein de cailloux entiers, de morceaux & de beaucoup de petits éclats. On continua les mêmes manœuvres pendant treize jours, & on perça enfin ce banc qui avoit onze piés d’épaisseur. On eut grande attention à bien vuider le coffre avant d’entamer le terrain au-dessous qu’on avoit reconnu avec la langue de serpent être du sable bouillant. On fit ici une faute sur la parole des gens du pays qui assuroient que ce sable se soutenoit fort bien ; malgré le peu de disposition qu’on avoit à les croire, on se laissa séduire, quoique d’un autre côté il y eût grande apparence que le sable dont on avoit vu l’échantillon, étoit du véritable sable bouillant, il parut très-ferme dans le commencement ; on se servit alternativement de la grande & de la petite tariere, on descendit à huit piés au-dessous des coffres ; on les battit, ils entrerent assez aisément de près de deux piés ; & comme ils commençoient à refuser, on ne les pressa pas. On employa la petite tariere qui s’arrêta au pié des coffres, quoiqu’avant elle la grande tariere fût descendue beaucoup plus bas ; on sentit des cailloux, & on jugea que le chemin qu’on avoit fait jusques-là étoit rempli ; le sable des côtés extérieurs du coffre s’étoit détaché, & avoit coulé, les cailloux qui étoient immédiatement au-dessus l’avoient suivi, & avoient comblé l’ouverture que les tarieres avoient faite. On se mit en devoir de les retirer ; mais il en retomboit à mesure qu’on en tiroit ; on ne pouvoit pas les briser, comme on avoit fait auparavant ; parce que, lorsqu’ils étoient pressés par les instrumens, ils se logeoient dans le sable & se déroboient à leurs efforts ; enfin, on en diminua le nombre, & ils cesserent de retomber. Lorsqu’on eut fait descendre le coffre de quatre piés, apparemment que le sabot ayant retrouvé un peu de ferme, leur avoit fermé le passage, les mouvemens du coffre en avoient cependant encore sait descendre. On mit tous les instrumens en œuvre ; la grande tarriere faisoit un assez bon effet ; elle les enveloppoit dans le sable dont elle se chargeoit ; on ne put cependant pas si bien s’en défaire, qu’on n’en trouvât encore à plus de cent piés de profondeur. Il étoit aisé d’éviter ces inconvéniens ; il falloit, lorsque le coffre fut arrivé sur le sable, le frapper avec vigueur, le faire descendre de deux piés ou deux piés & demi ; retirer deux piés de sable du dedans ; recommencer à le frapper de même ; le vuider & continuer. Il est vrai que l’ouvrage est long, parce que les coffres n’entrent pas aisément ; mais on travaille en sûreté, & on n’a pas le desagrément d’être persécuté par les cailloux, & de voir dans un moment combler l’ouvrage de quatre jours.

La premiere couche qu’on rencontra, étoit d’un sable bouillant gris, tirant sur le verd, de 11 piés d’épaisseur : la seconde, d’un sable bouillant gris d’ar-

doise, dans lequel l’on étoit entré de 8 piés, lorsque

les coffres refuserent absolument de descendre ; on les battit toute une journée sans qu’ils fissent le moindre mouvement : on travailla pendant trois jours avec la petite & la grande tariere, on essaya de les faire descendre, mais ce fut inutilement : on alla en avant avec les instrumens ; on se trouva en cinq jours à 10 piés au-dessous du sabot des coffres : ces 10 piés furent tout-à-coup remplis, & le sable remonta de 9 piés dans les coffres. Si malheureusement les instrumens avoient été a fond pendant ce mouvement, il auroit été très-difficile de les retirer. On fut obligé en pareil cas, à Aire, il y a quarante ans, d’abandonner 80 piés de barreaux : on reprit les tarieres, & on fut près de huit jours à se remettre au point où on étoit : on jugea par la longueur de ce travail, que le sable couloit le long des coffres, & qu’il remplaçoit celui qu’on tiroit : on sonda avec la langue de serpent, qui rencontra la terre glaise à 3 piés au-dessous des 10 piés où on en étoit, par conséquent à 13 piés des coffres ; ce fut une bonne découverte, on reprit courage, & on fit avancer la grande tarriere, qu’on rétiroit souvent par précaution ; on sentit dans un moment, qu’elle pesoit plus qu’à l’ordinaire, on la remonta très-promptement, non sans difficulté, parce qu’elle étoit déja recouverte du sable qui avoit fait un mouvement & qui s’étoit reporté jusques dans les coffres : on se trouva fort heureux dans cette circonstance, de leur avoir donné 12 pouces de creux ; ils n’en ont ordinairement que 8 dans le pays, parce qu’on n’y trouve communément que 12 à 13 piés de ce sable bouillant, & il y en avoit 33 ici : on avoit bien réfléchi sur la façon de rémédier aux inconvéniens, mais on ne vouloit la mettre en usage qu’à la derniere extrémité : comme on vit cependant qu’on perdoit beaucoup de tems, & qu’il étoit inutile de porter la curiosité plus loin sur la nature de ce terrein, on tâcha de retirer le sable jusqu’à 3 piés près de la terre-glaise, & on introduisit sur le champ de nouveaux coffres dans les premiers, ils avoient 8 pouces & de vuide, un pouce & d’épaisseur, & 18 piés de long. Cette grande dimension n’est ici d’aucune conséquence : ces coffres n’ayant que peu d’effort à soutenir ; ils étoient d’ailleurs maintenus dans les grands, qu’ils passerent de 3 piés sans violence & à la main : on leur mit un bonnet, on les battit, ils descendirent jusqu’au point où on avoit porté les instrumens, & ils refuserent : ces coffres n’ont point d’emboîtement, on les joint simplement par des molles-bandes : on descend le premier, en passant, à 18 pouces de son extrémité, un boulon de fer, au milieu duquel on porte le crochet du cable ; on le présente dans le grand coffre, & on l’y laisse couler jusqu’à ce que le boulon porte sur ses côtés : on dégage le crochet, on en prend un second par son boulon, on le présente sur celui-ci : on le joint, comme il a été dit, par des molles-bandes, on les souleve ensemble pour dégager le premier boulon, & on les laisse descendre jusqu’au second, ainsi de suite.

Les tarieres ramenerent bien le sable qui étoit jusque sur la glaise, mais elles ne purent l’entamer, parce qu’elle se colloit à leurs meches, qui dans le moment ne mordoient plus. On fit un nouvel instrument, qu’on connoîtra mieux par la figure que par l’explication qu’on pourroit en donner : on l’employa ; mais comme on sentit que le sable recommençoit à couler, on le retira : on descendit la grande tariere, on trouva que non-seulement il avoit comblé ce que le premier instrument avoit fait, mais qu’il étoit remonté de 5 piés dans les petits coffres : on soupçonna que tous ces mouvemens occasionnoient un affaissement, qui devoit se communiquer jusqu’aux terres qui entouroient le