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res, & sur-tout du chevalier Guillaume Dugdale, qui croyoit que le docteur Charlton avoit rencontré juste dans sa Chorea gigantum. Cependant M. Webb entreprit la défense du traité d’Inigo Jones, par un livre intitulé : Défense de Stone-hinge rétabli, où l’on examine les ordres & les regles de l’architecture des Romains, &c. Lond. 1665 in-fol.

Baker (Thomas), né en 1625, & mort en 1690, a mis au jour à Londres 1684 in-4°. en latin & en anglois, un ouvrage intitulé la Clé de la Géométrie, dont on trouve un extrait dans les Trans. phil. du 20 Mars n°. 154.

Godwin (Thomas), enseigna avec réputation à Abingdon, & mourut en 1643 à 55 ans. On a de lui plusieurs ouvrages en latin, remplis d’érudition ; les plus estimés sont : 1°. Romanæ historiæ anthologia, Oxford 1613 in-4°. 1623, & Londres 1658 : 2°. Synopsis antiquitatum hebraicarum, libri tres, Oxford 1616 in-4°. 3°. Moses & Aaron, ou les Usages civils & ecclésiastiques des Hébreux, Londres 1625 in-4°. la septieme édition est aussi de Londres en 1655 in-4°. Cet ouvrage a été traduit en latin, & publié à Utrecht en 1690 in-4°. avec des remarques de Jean-Henri Reyzius : on y a ajouté deux dissertations de Witsius ; l’une sur la théocratie des Israélites, & l’autre sur les Réchabites.

Cudworth (Rodolphe), naquit en 1617, & cultiva de bonne heure toutes les parties de la Théologie, des Belles-lettres & de la Philosophie. En 1647 il prononça un sermon en présence de la chambre des communes, dans lequel il la sollicite de contribuer à faire fleurir l’érudition. « Je ne parle pas seulement, dit-il, de celle qui est propre pour la chaire, vous y veillez suffisamment ; mais je parle du l’érudition qui est d’un usage moins ordinaire, prise dans ses différentes branches, lesquelles toutes réunies, ne laissent pas d’être utiles à la religion & à la société. C’est une chose digne de vous, messieurs, en qualité de personnes publiques, d’encourager le savoir, qui ne peut que réflechir sur vos personnes, & vous couvrir d’honneur & de gloire ».

En 1654 il fut nommé principal du college de Christ à Cambridge, poste dans lequel il passa le reste de ses jours, & mourut en 1688, âgé de 71 ans.

Cudworth réunissoit de grandes connoissances ; il étoit très-versé dans la Théologie, dans les langues savantes & dans les antiquités. Il prouva par ses ouvrages qu’il n’étoit pas moins philosophe subtil, que profond métaphysicien. Il fit choix de la philosophie méchanique & corpusculaire ; & dans la métaphysique, il adopta les idées & les opinions de Platon.

Il publia en 1678 son système intellectuel de l’univers, in-fol. Il combat dans cet ouvrage l’Athéisme (qui est la nécessité de Démocrite), dont il réfute les raisons & la philosophie. Thomas Wise a publié en 1706, un abrégé fort estimé de ce bel ouvrage, en deux volumes in-4°. & cet abrégé étoit nécessaire, parce que le livre du docteur Cudworth est un si vaste recueil de raisons & d’érudition, que le fil du discours est perpétuellement interrompu par des citations grecques & latines. M. le Clerc avoit cependant desiré que quelque savant entreprît de traduire en latin le grand ouvrage de Cudworth ; ce projet a été finalement exécuté en 1733, par le docteur Mosheim, & sa traduction a paru à Iene en 2 vol. in-fol. avec des notes & des dissertations.

Cudworth a laissé plusieurs ouvrages manuscrits, entr’autres 1°. un Traité du bien & du mal moral, contenant près de mille pages : 2°. un Traité qui n’est pas moins considérable sur la liberté & sur la nécessité : 3°. un Commentaire sur la prophétie de Daniel touchant les septante semaines, en 2 volumes in-fol. 4°. un Traité sur l’éternité & l’immutabilité du juste & de l’injuste ; ce traité a été publié en anglois à Londres en

1731 in-8°. avec une préface du docteur Chandler, évêque de Durham : 5°. un Traité de l’immortalité de l’ame, en un vol. in 8°. 6°. un Traité de l’érudition des Hébreux, &c.

Il laissa une fille nommée Damaris, qui fut intimement liée avec M. Locke, dont il est tems de parler.

En effet, la province de Sommerset doit sur-tout se vanter d’avoir produit ce grand homme. Il naquit à Whrington, à 7 ou 8 milles de Bristol, en 1632. Après avoir commencé à étudier sérieusement, il s’attacha à la Médecine ; & quoiqu’il ne l’ait jamais pratiquée, il l’entendoit à fond au jugement de Sydenham. Le lord Ashley, depuis comte de Shaftesbury, qui reconnoissoit devoir la vie à un des conseils de Locke, disoit cependant que sa science médicinale étoit la moindre partie de ses talens. Il avoit pour lui la plus grande estime, le combla de bienfaits, & le mit en liaison avec le duc de Buckingham, le lord Halifax, & autres seigneurs de ses amis, pleins d’esprit & de savoir, & qui tous étoient charmés de la conversation de Lock.

Un jour trois ou quatre de ces seigneurs s’étant donné rendez-vous chez le lord Ashley, pour s’entretenir ensemble, s’aviserent en causant de demander des cartes. Locke les regarda jouer pendant quelque tems, & se mit à écrire sur ses tablettes avec beaucoup d’attention. Un de ces seigneurs y ayant pris garde, lui demanda ce qu’il écrivoit. « Mylord, dit-il, je tâche de profiter de mon mieux dans votre compagnie ; car ayant attendu avec impatience, l’honneur d’être présent à une assemblée des plus spirituels hommes du royaume, & ayant eu finalement cet avantage, j’ai cru que je ne pouvois mieux faire que d’écrire votre conversation ; & je viens de mettre en substance le précis de ce qui s’est dit ici depuis une heure ou deux ». Il ne fut pas besoin que M. Locke lût beaucoup de ce dialogue, ces illustres seigneurs en sentirent le ridicule ; & après s’être amusés pendant quelques momens à le retoucher, & à l’augmenter avec esprit, ils quitterent le jeu, & entamerent une conversation sérieuse, & y employerent le reste du jour.

Locke éprouva la fortune & les revers du comte Shaftesbury, qui lui avoit donné une commission de cinq cent livres sterling, qu’on supprima. Après la mort du roi Charles II. M. Penn employa son crédit auprès du roi Jacques II. pour obtenir le pardon de M. Locke ; & la chose eût réussi si M. Locke n’avoit répondu, qu’il n’avoit que faire de pardon, puisqu’il n’avoit commis aucun crime.

En 1695 il fut nommé commissaire du commerce & des colonies, emploi qui vaut mille livres sterling de rente ; mais il le résigna quelques années après, à cause de l’air de Londres qui étoit contraire à sa santé ; & quoique le roi même voulût lui conserver ce poste sans résidence, M. Locke se retira dans la province d’Essex, chez le chevalier Marsham son ami, avec lequel il passa les quinze dernieres années de sa vie, & mourut en 1704 âgé de 73 ans.

Il fit lui-même son épitaphe, dont voici le précis : Hîc situs est Joannes Locke. Si qualis fuerit rogas, mediocritate suâ contertum se vixisse respondet. Litteris eò usque tantum profecit, ut veritati uni se litaret ; morum exemplar si quoeras, in Evangelio habes. Vitiorum utinàm nusquam ; mortalitatis certè (quod profit) hîc, & ubique.

Il avoit une grande connoissance du monde, & des affaires. Prudent sans être fin, il gagnoit l’estime des hommes par sa probité, & étoit toujours à couvert d’un faux ami, ou d’un lâche flatteur. Son expérience & ses mœurs honnêtes, le faisoient respecter de ses inférieurs, lui attiroient l’estime de ses égaux, l’amitié & la confiance des grands,