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Certains corps nous touchent sans cesse, nous touchent partout également ; l’habitude nous a rendu leur contact si familier, que nous avons besoin d’y réfléchir pour reconnoître l’impression qu’ils font sur nous. Quand on agit dans un air calme, il est peu de personnes qui pensent qu’elles ont continuellement à vaincre la résistance d’un corps dont la solidité s’oppose à leurs mouvemens. Si l’on sortoit de l’atmosphere pour y rentrer, on sentiroit sans réflexion l’attouchement de l’air, comme on sent celui de l’eau quand on s’y plonge. Ce qui fait encore que la solidité des fluides échappe à notre attention, c’est que leur partie indépendante des unes & des autres & d’une petitesse qui surpasse beaucoup la délicatesse de nos sens, cedent aux moindres de nos efforts, surtout quand elles sont en petite quantité ; & nous ne pensons pas que nous agissons quand nous agissons très-peu. C’est en vertu de ce préjugé qui nous fait regarder comme vuide tout ce qui n’est plein que d’air ; que nous croyons qu’une liqueur n’a qu’à se présenter de quelque façon que ce soit à l’ouverture d’un vase pour y trouver accès ; mais nous devrions faire attention que toutes ces capacités sont naturellement remplies d’air, comme elles seroient pleines d’eau, si elles avoient été fabriquées au fond d’un étang, & qu’elles n’en fussent jamais sorties. Nous devrions penser de plus que l’air ayant de la solidité dans ses parties, on ne doit pas prétendre loger avec lui un autre corps dans le même lieu, & qu’ainsi pour mettre de l’eau, du vin, &c. dans une bouteille, il faut que l’air puisse passer entre le col & l’entonnoir, pour faire place à la liqueur ; mais quand ce col est tellement étroit qu’il ne peut pas donner en même tems un passage libre à deux matieres qui coulent en sens contraire, c’est-à-dire à la liqueur qu’on veut faire entrer, & à l’air qui doit sortir, il faut que cela se fasse successivement. C’est pourquoi, quand on veut introduire de l’esprit de lavande dans une cassolette, dont le canal est fort étroit, on commence par la chauffer ; & quand l’action du feu a fait sortir une bonne partie de l’air qu’elle contenoit, on plonge le col dans la liqueur qui va prendre sa place.

Nous avons dit que la solidité se confond avec l’impénétrabilité ; ce terme a besoin d’être expliqué, pour prévenir des objections tirées de certaines expériences, par lesquelles il paroit que plusieurs matieres mêlées ensemble confondent leurs grandeurs, & se pénetrent mutuellement. Une éponge, par exemple, reçoit intérieurement une quantité d’eau qui semble perdre son propre volume, puisque celui sous lequel elle se trouve renfermée après cette espece de pénétration, n’en est point sensiblement augmenté. Un vaisseau plein de cendre ou de sable, admet encore une grande quantité de liqueur ; & parties égales d’esprit-de-vin & d’eau mêlées dans le même vase, y tiennent moins de place qu’elles n’en occupoient avant le mélange : la matiere est-elle donc pénétrable ? ou si elle ne l’est pas, dans quel sens faut-il entendre son impénétrabilité ? C’est qu’il faut soigneusement distinguer la grandeur apparente des corps de leur solidité réelle. Les parties simples ou premiers élémens, s’il y en a, sont absolument impénétrables : celles même d’un ordre inférieur qui commencent à être composées, ne sont encore vraissemblablement jamais pénétrées par aucune matiere ; en un mot, il y a dans tous les corps, quels qu’ils puissent être, une certaine quantité de parties qui occupent seules les places qu’elles ont, & qui en excluent nécessairement tout autre corps. Mais ces parties solides & impénétrables, qui font proprement la vraie matiere de ces corps, ne sont pas tellement jointes ensemble, qu’elles ne laissent entr’elles des espaces

qui sont vuides, ou qui sont pleins d’une autre matiere qui n’a aucune liaison avec le reste, & qui cede sa place à tout ce qui se présente pour l’en exclure ; en admettant ces petits interstices, dont l’existence est facile à prouver, on conçoit très-facilement que l’impénétrabilité des corps doit s’entendre seulement des parties solides qui se trouvent liées ensemble dans le même tout, & non pas du composé qui en résulte. Voyez les leçons de Physique expérimentale de M. l’abbé Nollet, tome I. pag. 65 & suiv. Cet article est de M. Formey.

Solidité, (Jurisprudence.) est l’obligation dans laquelle est chacun des co-obligés d’acquitter intégralement l’engagement qu’ils ont contracté.

Dans quelques provinces on dit solidarité, expression qui paroît plus juste & moins équivoque que le terme de solidité.

Ce n’est pas que le payement puisse être exigé autant de fois qu’il y a de co-obligés solidairement ; l’effet de la solidité est seulement que l’on peut s’adresser à celui des co-obligés que l’on juge à propos, & exiger de lui le payement de la dette en entier, sans qu’il puisse en être quitte en payant sa part personnelle, sauf son recours contre ses co-obligés pour répéter de chacun d’eux leur part & portion qu’il a payée en leur acquit.

La solidité a lieu ou en vertu de la loi, ou en vertu de la convention.

Il y a certains cas dans lesquels la loi veut que tous les obligés puissent être contraints solidairement comme en matiere civile, lorsqu’il y a fraude, & en matiere criminelle, pour les dommages & intérêts, & autres condamnations pécuniaires prononcées contre les accusés.

Les conventions ne produisent point de solidité, à moins qu’elle n’y soit exprimée suivant la novelle 99 de Justinien. Voyez le titre de duobus reis stipulandi & promittendi ; au digeste, au code & aux institutes, & la novelle 99 ; le traité de la subrogat. de Renusson ; & les mots Caution, Co-obligés, Créanciers, Débiteurs, Discussion, Division, Fideijussion, Obligation, Payement, Quittance. (A)

Solidité, en Architecture, est un terme qui s’applique à la consistance du terrein sur lequel la fondation d’un bâtiment est posée, & à un massif de maçonnerie d’une épaisseur considérable, sans aucune cavité dedans. La solidité des pyramides d’Egypte est inconcevable. Voyez Pyramide & Corps.

Solidité, Solide, (Synonym.) Le mot de solidité a plus de rapport à la durée : celui de solide en a davantage à l’utilité. On donne de la solidité à ses ouvrages, & l’on cherche le solide dans ses desseins.

Il y a dans quelques auteurs & dans quelques bâtimens plus de grace que de solidité. Les biens & la santé joints à l’art d’en jouir, sont le solide de la vie : les honneurs n’en sont que l’ornement. Synon. franç. (D. J.)

SOLIGNAC, (Géogr. mod.) petite ville ou plûtôt bourg de France dans le Velay, sur la gauche de la Loire, & à deux lieues au midi de Puy, capitale du Velay. Long. 21. 23. latit. 45. 26. (D. J.)

SOLILOQUE, s. m. (Littérat.) est un raisonnement & un discours que quelqu’un se fait à lui-même. Voyez Monologue.

Papias dit que soliloque est proprement un discours en forme de réponse à une question qu’un homme s’est faite à lui-même.

Les soliloques sont devenus bien communs sur le théâtre moderne : il n’y a rien cependant de si contraire à l’art & à la nature, que d’introduire sur la scene un acteur qui se fait de longs discours pour