Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De quelques étoffes omises dans le cours de cet ouvrage, te les que les batavia, les brocatelles, les florentines à sonnettes.

Les batavia. On fabrique à Lyon une étoffe à laquelle on a donné le nom de batavia. Cette étoffe ne représente ni le satin ni le gros-de-tours ; elle imite la serge, & dans l’armure elle se fait comme le raz-de-Saint-Maur.

Ce qui la fait distinguer de cette derniere étoffe, c’est que sa figure & son travail sont différens.

Le raz de Saint Maur est noir ordinairement, & le batavia est de couleur différente ; il est uni, & le batavia est à carreaux.

Pour former le carreau du batavia ; toutes les cinq, six, sept & huit portées d’ourdissage, on ourdit dix ou douze fils blancs qui séparent la couleur de la chaîne, & forment une espece de bande.

Si la distance d’une bande à l’autre est de trois pouces plus ou moins, il faut dans la fabrication tous les 3 pouces plus ou moins, passer une navette dont la trame soit blanche, aussi c’est ce qui forme le carreau.

Si la bande ourdie est de dix fils blancs, on passe dix coups de navette avec la trame blanche ; si elle est de douze, on en passe douze, & c’est ce qui forme le carreau.

La trame ordinaire doit être de la couleur de la chaine : il s’en fait d’une couleur différente auxquelles on donne le nom de batavia changeant : mais il faut toujours les mêmes coups pour former le carreau, soit que les fils soient blancs ou d’une autre couleur. Il n’importe pas, il en est de même pour l’ourdissage par rapport aux bandes.

On fait des batavia brochés à petits bouquets détaches, chaque bouquet étant placé au milieu de chaque carreau.

La largeur du batavia est de deux tiers, ou de cinq huit, ad libitum.

La quantité de portées est de quarante jusqu’à soixante, en y comprenant les fils blancs ou de couleur qui forment les bandes.

Les batavia unis sont montés avec quatre lisses dont les fils sont passés à col tors ; celles qui sont brochées, sont passées dans quatre lisses pour leve, & quatre de rabat pour donner aux fils la liberté de lever lorsqu’on tire les lacs.

Nota. On a obmis dans l’article des Moires, d’observer qu’il s’en fait à 40 portées triples, ce qui vaut autant que 120 portées simples. Cette façon de les monter est pour éviter la quantité de lisses, parce que ces dernieres ne contiennent pas plus de mailles que si elles étoient montées à 40 portées simples ou 40 portées doubles, l’ourdissage étant de trois fils par boucle, ce qui ne fait qu’un fil quoiqu’il y en ait trois ; conséquemment trois fils chaque maille ou boucle de la lisse qui ne sont comptés que pour un.

Brocatelles. La brocatelle est une étoffe tramée de fil, destinée pour tapisserie. Elle est composée de 60 fils de chaîne, 10 portées de poil & un 20 de peigne, ce qui fait 6 fils chaque dent. Elle est montée ordinairement sur cinq lisses pour la chaîne, & trois pour le poil. Les lisses de poil qui ordinairement est de la même couleur de la chaîne, sont attachées de façon que le poil est toujours levé d’une hauteur propre à passer la navette, & ne forment qu’un rabat. L’ensuple de poil est élevée par derriere au-dessus de celui de la chaîne de maniere que l’ouverture se trouve faite sans le secours de la marche. Cette façon de monter le métier est disposée ainsi, afin que chaque marche n’ait qu’une estriviere, savoir une à chacune des cinq marches pour la chaîne afin de la faire lever, & une à chacune des trois lisses de poil pour la faire baisser.

Cette façon de monter le métier fait qu’au lieu de

trois lisses à coulisse pour le poil ou six lisses ordinaires, savoir trois pour le lever, & trois pour le baisser, il n’en faut que trois ordinaires ; & au lieu de trois estrivieres à chaque marche de ce poil, savoir deux pour le faire lever, & une pour le faire baisser : il n’en est besoin que d’une pour le tout, la façon de tenir levé l’ensuple de poil tenant lieu de lisse pour lever le même poil.

Cette étoffe ne sauroit être travaillée que des deux piés, sans quoi il faudroit 30 marches au lieu de 8, savoir 15 pour le coup de fond, & 15 pour le coup de tire, afin que la révolution complette du cours causée par la disproportion du nombre de lisses de chaîne & de poil se trouvât complette ; au lieu que dans la façon de monter le métier, ainsi qu’il a été dit ci-devant, il n’en faut que huit.

Pour travailler cette étoffe, l’ouvrier passe un coup de fond & un coup de tire. La navette destinée pour le coup de fond est garnie d’une trame de fil toujours de la couleur de la chaîne, & celle du coup de tire est garnie de soie de la couleur dont on veut le fond.

Lorsque l’ouvrier commence à travailler, il foule du pié droit la premiere marche des lisses de satin, & du pié gauche celle du poil, & passe en plein la navette du fil ; c’est le premier coup de navette. Pour le second coup, il laisse aller la marche du pié droit, tient toujours le gauche sur la lisse de poil baissée, & passe la navette de soie dessous le lac qui est tiré, qui ordinairement est le fond ; la soie passée & arrêtée par la lisse qui est baissée, forme le fond de l’étoffe, de façon que ce qui n’est pas tiré en fait la figure qui est formée par un satin d’autant plus beau, qu’étant tramé de fil, il enfle davantage ; & étant à cinq lisses, il a plus de brillant.

Le second coup, l’ouvrier prend la deuxieme marche de satin & la seconde de poil. Le troisieme coup, la troisieme de satin & la troisieme de poil. Le quatrieme coup, la quatrieme de satin, & reprend la premiere de poil. Le cinquieme coup, la cinquieme de satin & la deuxieme de poil. Le sixieme, il reprend la premiere de satin & la troisieme de poil ; & ainsi des autres.

Florentines à sonnettes. La florentine est une étoffe de soie qui se travaille au bouton, pour que l’ouvrier aille plus vîte. Il n’est personne qui ne sache que de toutes les étoffes façonnées, il n’en est point qui se fabrique plus promptement que celle dont les cordages qui font lever la soie, se tirent avec le bouton. On a expliqué dans les diffërens articles de cet ouvrage, la façon de lire les desseins à la réduction pour les étoffes qui se travaillent avec le bouton, telles que les droguets ou autres de semblable espece : cette façon de lire le dessein épargne une quantité de fils assez considérable, mais celle de la sonnette, non seulement épargne plus de fils ou cordes de tirage que la premiere, mais encore elle soulage grandement la tireuse par sa singularité.

Les desseins de florentine sont à grandes tiges & à grandes fleurs : les uns en un lac, & les plus beaux en deux ; ils portent ordinairement 40 à 50 dixaines, ce qui fait 400 boutons pour les premiers, & 500 pour les seconds en un lac ou une navette seule. Ceux qui sont en deux lacs ou à deux navettes portent le double. Il est des desseins de cette espece qui portent jusqu’à 14 ou 1500 boutons, suivant la longueur du dessein. Ces étoffes sont presque toutes montées en 400 cordes de semple & de rame. Chaque corde de rame fait lever trois mailles de corps, ce qui fait 1200 mailles & trois répétitions, ce qui vaut autant pour la réduction ordinaire que les étoffes très-riches qui sont montées en 600 cordes à l’ordinaire, avec une arcade chaque corde ; au-lieu que dans celui-ci chaque corde tire une arcade & demie.