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de la soie ovalée, qu’on ne coupe l’assise du bas, ou au-moins la moitié, conséquemment que la maille n’échappe totalement, ce qui ne sauroit arriver dans un bas fabriqué à trame distincte, où un nœud de la soie coupée, ne composant que la huitieme partie de l’assise, les septieme & huitieme restantes auront toujours assez de force pour soutenir la maille.

Enfin l’invention de l’ovale n’a été établie & tolerée en France, que pour faciliter le commerce avec l’étranger. Les Anglois nous ont indiqué cette machine, nous aurions la mauvaise grace de leur laisser faire impunément ce commerce, tandis que nous pouvions les imiter : on n’empêche pas à Paris d’ovaler des trames & des organsins ; mais dans ce cas, l’ovale n’étant qu’une double préparation, qui augmente la perfection de cette marchandise ; la consommation qui se fait dans la ville étant plus que suffisante pour occuper tous les maîtres bonnetiers qui y sont établis ; il n’est pas surprenant si les bas y sont plus chers qu’en aucune ville du royaume, & si leur prix excessif empêche la consommation qui pourroit en être faite chez l’étranger. Ce qui n’empêche pas néanmoins que les connoisseurs n’accordent la préférence à qui elle est dûe, quant à la qualité, puisqu’on a vu des fraudeurs marquer impunément des bas fabriqués à Lyon avec un faux plomb de Paris, ce qui a occasionné le réglement du 10 Juillet 1743, qui concerne la bonneterie.

Explication du moulin à filer la soie. La planche marquée A représente un moulin à trois vargues ; on appelle vargues chaque rangée de bobines & fuseaux ; il y a des moulins en Piémont à 4 & 6 vargues, mais les plus ordinaires sont à 4 ; savoir, trois vargues pour le premier apprêt, & un pour le second, attendu que ce dernier fait autant d’ouvrage que les deux, même les trois autres, ainsi qu’il a été expliqué dans la description du moulinage des soies. Il sera encore à-propos d’observer que le vargue du bas du moulin qui donne le second apprêt aux organsins ou le retordement, peut aussi faire des trames. La partie rembrunie de l’intérieur du moulin est un assemblage de pieces de bois de la largeur d’un pouce & plus, montée en forme de chassis, de figure ronde, comme la figure du moulin, laquelle tournant sur un pivot par le secours d’un homme, de l’eau ou d’un cheval, donne le mouvement à toute la machine. Il n’a pas été possible de décrire cette partie intérieure, parce qu’elle auroit fait disparoître les principales, qui composent toute la machine entiere.

La lettre A représente le bâtiment du moulin ; B, la partie intérieure qui tourne ; C, des pieces de bois appliquées sur la partie tournante, en forme de vis sans fin, appellées serpes, posées diagonalement sur cette même partie, lesquelles passant dessous les branches des étoiles marquées D, les sont tourner régulierement, de façon que lorsqu’une serpe a élevé en tournant une branche de l’étoile ; celle qui lui succede par sa position, prend celle de dessous, & successivement elles se reprennent les unes & les autres ; E, piece de bois faite en forme de croix, attachée solidement à la partie tournante, mobile dans la croisée, garnie de peau, dont le frottement contre les fuseaux leur donne le mouvement en dedans, & à droit dans les deux vargues supérieurs, & à gauche dans le vargue inférieur, ainsi qu’il est démontré par la figure ; F, roue qui donne le mouvement au va-&-vient, ou espece de cercle sur lequel sont posés des fils de fer courbés, en forme d’anneau, servans de guide au fil qui se roule sur les bobines marquées C, ce qui les fait porter d’une extrémité intérieure à l’autre, & les fait croiser par cette variation, réguliere & nécessaire pour faciliter le dévidage de la soie filée, quand il est question de la doubler pour

lui donner le second apprêt ; H, le petit cercle de bois ; I, les fils de fer recourbés ; L, support des étoiles ; M, étoile ou pignon, qui donne le mouvement aux bobines G, dans les deux vargues supérieurs, & aux dévidoirs N du vargue inférieur ; O, bobines pour filer la soie, qui tournent à droite ; P, bobines pour donner le retordement ou second apprêt, qui tournent à gauche ; Q, coronaire ou couronne à laquelle est attaché un fil de fer R, qui facilite le devidage de la soie qui est sur les bobines ; S, les fuseaux ; T, petits verres dans lesquels entre la pointe des fuseaux, appellés par les Piémontois carcagnoles ; V, pivot de la plante du moulin ; X, arbre du moulin, qui avec l’arbre X du dévidage, ne doit composer qu’une seule piece. Lorsque les moulins tournent à l’eau, ou avec des grandes roues garnies de deux hommes, & qu’il se trouve plusieurs plantes de moulin qui doivent tourner par un seul mouvement, la partie X du moulin est environnée d’une roue à cheville marquée Y, laquelle, par le moyen de la lanterne aa, attachée à l’arbre de la grande roue à l’eau ou à hommes, donne le mouvement au moulin. Et lorsqu’il se trouve plusieurs plantes, la communication du mouvement se fait de l’une à l’autre plante, de la même façon qu’il est marqué dans celle-ci.

La planche marquée B représente le devidage des soies sur les bobines, pour les mettre sur le moulin. Ces devidages doivent être de 400 tavelles ou devidoirs pour les moulins à 3 ou 4 vargues, & à-proportion suivant la quantité de plantes de moulin, ce qui n’empêche pas qu’on ne fasse devider à des ouvrieres avec la main pour suppléer au défaut du devidage. La soie devidée avec les tavelles est la même qui sort de dessus le tour à tirer la soie, appellée communément soie greze.

Il est inutile de donner la dénomination des roues à chevilles & à dents, de même que des lanternes, qui sont les mêmes, le mouvement étant très-bien indiqué, il ne s’agit que de faire remarquer les principales opérations de ce devidage ; A, roue qui donne le mouvement à toute la machine ; B, roue à couronne, laquelle, par un excentrique qui lui est attaché, conduit le va-&-vient marqué C, où sont places les guides qui font varier le fil sur les bobines D, afin de faciliter le devidage de la soie ; E, roues de bois dans le canon desquelles est passé quarrément une tringle de fer de longueur, pour qu’elles tournent toutes ensemble, & par leur frottement à la noix F, dans laquelle est passé immobilement une broche de fer qui entre dans la bobine D, elles font tourner les bobines qui appuient par la noix de la broche sur les roues E très-légerement, ou par leur propre poids, de façon que quoiqu’un fil de l’écheveau qui est sur les tavelles retienne, les roues ne cessent point de tourner, sans néanmoins casser le fil ; G, tavelles ou forme de devidoir ; H, petits poids attaché à un cercle de la noix de la tavelle pour la fixer ; K, banque ou partie qui soutient tout le devidage ; L, petites roulettes qui soutiennent la lame du va-& vient.

Il est à observer que les moulins seuls, comme celui dont nous donnons la description, tournent au moyen d’un homme, qui est dessous dans la partie intérieure de la machine ; & lorsqu’il se trouve quatre ou cinq plantes de suite, si on fait tourner par le secours des hommes, on les met dans une grande roue qui communique par son arbre à celui du moulin, à la grande roue duquel engrene un autre arbre posé horisontalement, qui communique à une autre plante, & successivement par la même continuation, lorsque l’eau fait tourner lesdits moulins. On a vu jusqu’à 18 plantes de suite, qui ne recevoient leur