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leurs ouvrages ; les organsins dont l’égalité est si recherchée, & qui ne se trouve que dans les fabriques auxquelles le tirage des soies est affecté, se trouveroient pour lors également beaux par-tout. Le prix excessif de ces mêmes organsins appellés communément organsins du tirage, qui ordinairement est de 3 à 4 l. par livre plus cher que les autres, feroit cesser, en diminuant, celui des étoffes, qui ne sauroient être parfaites sans le secours de ces mêmes organsins, conséquemment la diminution de la matiere nécessaire à la perfection de l’étoffe se trouvant dans l’étoffe même, pourroit donner lieu à une consommation & à l’établissement de la fabrique de celles qui ne sauroient subsister en France, que parce que la matiere dont elles sont composées, est infiniment moins parfaite, & plus chere que celle dont les étrangers se servent.

Du moulinage des soies. Le moulinage ou filage des soies étant la préparation au moyen de laquelle on peut employer ou travailler la soie, soit pour les étoffes, bas, &c. il est nécessaire, pour faciliter aux curieux l’intelligence de cette préparation, de leur faire remarquer que toutes les soies en général qui sont tirées simplement du cocon, sont appellées soie grèze.

Cette soie grèze reçoit ensuite différentes préparations, on en fait du poil, de la trame, & de l’organsin.

Le poil est composé d’un seul brin de soie grèze, tordu foiblement sur lui-même ; cette préparation est nécessaire pour donner plus de consistance à cette qualité de soie, & afin qu’elle ne bourre pas en teinture ; le poil est défendu dans toutes les étoffes de soie, & n’est employé que dans la bonneterie.

La trame est composée de deux brins de soie grèze, tordus légerement comme le poil. Il y en a quelqu’une à trois brins, mais elle n’est pas commune.

On donne encore le nom de trame à une certaine quantité de brins de soie grèze, tordus ensemble sur une machine disposée pour cette opération, appellée ovalle ; mais comme cette qualité de soie n’est propre que pour les bonnetiers, on ne la détaillera qu’après avoir donné l’explication de la maniere dont on fabrique l’organsin.

L’organsin est composé de deux brins de soie grèze, il y en a de trois & de quatre, mais les plus ordinaires sont de deux brins. La préparation de cette qualité de soie, est bien différente de celle des autres ; l’organsin ayant besoin d’une force extraordinaire, pour qu’il puisse résister à l’extension & aux fatigues du travail de l’étoffe dont il compose la chaine, ou toile, dans laquelle la trame est passée.

Il faut donc pour la composition de l’organsin, que chaque brin de soie grèze dont il est composé, soit tordu séparément sur lui même, d’une force extraordinaire, avec l’aide du moulin disposé pour cette opération. Ce tors, auquel on donne le nom de premier apprêt, & qui se fait à droit, est si considérable, que selon la supputation la plus exacte, trois pouces de longueur du brin, préparé comme il faut, auront reçû plus de 800 tours. Le reglement de 1737. donné ad hoc, ordonne, art. 108. de donner au moins aux organsins, au filage, ou premier apprêt, soixante points dessous, & quinze dessus ; c’est à-dire que le pignon qui conduit celui de la bobine sur laquelle la soie se roule, à mesure qu’elle se travaille, n’ayant que quinze dents, & la bobine un pignon de soixante, il faut que le pignon conducteur fasse quatre tours pour en faire faire un à la bobine, qui par conséquent tournant très-doucement, donne le tems au brin de soie grèze de recevoir le tors ou apprêt qui lui est nécessaire ; de façon que si le pignon de quinze dents en avoit trente, & celui de la bobine soixante à l’ordinaire, le brin n’auroit pas tant de tors ou apprêt, parce qu’elle ramasseroit

la soie plus vîte, le moulin ne donnant que le tors ordinaire, lequel n’augmente ni ne diminue qu’au prorata du mouvement lent ou prompt qu’on donne à la bobine.

Chaque brin étant préparé de la façon qu’on vient de le démontrer, il est question de donner à l’organsin le retors, ou second apprêt, pour le finir ; il faut, pour parvenir à cette seconde opération, doubler, ou joindre ensemble deux brins de la soie préparée comme il a été dit ci-dessus, & lorsqu’on a le nombre de bobines nécessaires, on les remet sur le moulin, pour leur donner le tors nécessaire, c’est ce qu’on appelle charger le moulin ; avec cette différence, que le second tors n’emporte que la dixieme partie du premier, puisque l’article du reglement qu’on a déja cité, ordonne que les organsins gros seront retordus tant sur tant, ou point sur point : ce qui fait un quart de différence pour le mouvement, & que dans cette seconde opération, au-lieu d’une bobine pour ramasser le fil, dont la circonférence est ordinairement de six pouces seulement, ici c’est un devidoir, auquel les artistes ont donné le nom d’hasple, tiré de l’allemand, asplen, dont la circonférence est de quinze pouces environ ; ce qui faisant ramasser ou devider la soie plus vîte, ne donne qu’un tors très leger dans cette seconde préparation. (Art. 10. du reglement de Piémont, concernant le moulinage des soies, du 8 Avril 1724.)

Il faut observer que les bobines pour le second apprêt, tournent à gauche, parce que si on les faisoit tourner comme dans le premier, la soie tordue une seconde fois dans le même sens, ayant reçu un tort considérable, se friseroit d’une telle façon, qu’il seroit impossible de l’employer ; de sorte que les deux brins tordus & préparés comme il vient d’être démontré, ces deux brins paroissant n’en composer qu’un, forment le fil d’organsin.

Les organsins à trois ou quatre brins, reçoivent la même préparation que ceux à deux brins, pour le premier & second apprêt ; avec cette différence, que pour faire un organsin à trois brins, il faut doubler ou joindre ensemble trois brins, sur une même bobine ; pour un organsin à quatre brins, on en joint quatre, ensuite chargeant le moulin, on leur donne le second apprêt, comme aux premiers.

Il reste à observer que quoique le moulin ne tourne que d’un même côté, qui est à gauche, néanmoins un seul moulin peut faire toutes ces qualités de soies, qui viennent d’être décrites, quoique les bobines soient de nécessité de tourner à droit & à gauche, la disposition des moulins étant de façon que les parties qui frottent contre les fuseaux qui soutiennent les bobines, ont leur mouvement en dedans pour le premier apprêt, & en dehors pour le second ; c’est une des plus grandes perfections des moulins, à laquelle les Piémontois ont donné beaucoup de lustre. On expliquera ces différens mouvemens, en détaillant toutes les parties du moulin.

La soie ovalée reçoit une préparation semblable à-peu-près, à celle de la trame, avec cette différence, qu’au lieu de deux ou trois brins de soie grèze seulement, qui composent cette derniere qualité, la premiere est composée de huit, douze, & quelquefois seize brins ; mais comme cette qualité de soie n’est propre qu’aux bonnetiers, attendu qu’une étoffe ne doit recevoir dans sa confection, qu’une certaine quantité de brins de trame, quantité proportionnée au dessein, ou à sa réduction, ou à la grosseur de l’organsin, dont la chaîne est composée ; on ne pourroit pas faire une étoffe parfaite, si on y employoit une qualité de soie dont les brins ne pourroient pas être diminués ou augmentés, comme il arriveroit avec la soie ovalée.

L’art. 2. du reglement du mois de Février 1672.