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dans l’histoire. Il faut convenir que si quelque chose est capable de diminuer la confusion que peut causer dans l’esprit une multitude d’objets semblables, tels que ce nombre prodigieux de rois & de souverains, qui dans les monarchies anciennes & modernes, se succedent les uns aux autres sous les mêmes noms ; c’est l’attention aux surnoms par lesquels ils y sont distingués. Ces surnoms nous aident beaucoup à reconnoître les princes, au tems desquels les événemens doivent se rapporter, & à y fixer des époques certaines.

L’usage en est nécessaire, pour donner aux généalogies des familles qui ont possedé les grands empires & les moindres états, cette clarté qui leur est essentielle.

C’est par le défaut de surnoms, que la généalogie des Pharaons, dont Josephe & Eusebe ont dit que les noms étoient plutôt de dignité que de famille, est si obscure. Combien au contraire la précaution de les avoir ajoutés aux surnoms tirés de l’ordre numéral, sauve-t-elle de méprises & d’erreurs dans l’histoire des Alexandres de Macédoine, des Ptolomées d’Egypte, des Antiochus de Syrie, des Mithridates du Pont, des Nicomedes de Bithynie, des Antonins & des Constantins de l’empire, des Louis & des Charles de France, &c. Si les épithetes de riches, de grands, de conservateurs, &c. dont les peuples honorerent autrefois quelques-uns des princes de ces familles, laissent dans la mémoire une impression plus forte que celles qui sont tirées de l’ordre progressif de premier, second, troisieme & des nombre suivans, les surnoms burlesques de nez de griffon, de ventru, de joueur de flute, d’effeminé, de martel, de fainéant, de balafré, n’y en font-ils pas une dont les traces ne sont pas moins profondes ? Horace faisant la comparaison du sérieux & du plaisant, ne feint point de donner la préférence à ce dernier.

Discit enim citius, meminitque libentius illud
Quod quis deridet, quam quod probat & veneratur.

Combien y a-t-il même de familles illustres dans les anciennes monarchies, & dans celle du moyen âge, dont les branches ne sont distinguées que par les sobriquets des chefs qui y ont fait des souches différentes ! On le voit dans les familles romaines, la Domina dont les deux branches ont chacune pour auteur un homme à surnom burlesque, l’un Calvinus, & l’autre Ahenobarbus ; & dans la Cornelia, de laquelle étoient les Scipions, où le premier qui a été connu par le surnom de Nasica, a donné son nom à une branche qui ne doit pas être confondue avec celle de l’Africain.

Une autre partie essentielle de l’histoire, est la représentation des caracteres des différens personnages qu’elle introduit sur la scene ; c’est ce que font les surnoms par des expressions qui sont comme des portraits en racourci des hommes les plus célebres ; mais il faut avouer que par rapport à la ressemblance qui doit faire le mérite de ces portraits, que les surnoms plaisans l’emportent de beaucoup sur ceux du genre sérieux.

Les premiers trompent rarement, parce qu’ils expriment presque toujours les caracteres dans le vrai ; ce sont des témoignages irréprochables, des décisions prononcées par la voix du peuple, des traits de crayon libres tirés d’après le naturel, des coups de pinceau hardis qui ne sont pas seulement des portraits de l’extérieur des hommes, mais qui nous représentent encore ce qu’il y a en eux de plus caché.

Ainsi l’obscurité de l’origine de Michel V. empereur de Constantinople, dont les parens calfatoient des vaisseaux, nous est rappellée par son surnom de Calaphates ; la basse naissance du pape Benoit XII, fils d’un boulanger françois, par celui de Jacques du

Four, qui lui fut donné étant cardinal, & l’opprobre de l’ancienne profession de Valere Miximien devenu empereur, par celui d’Armentarius.

L’événement heureux pour le fils d’Othon, duc de Saxe, qui fut élevé à l’empire, & qui lorsqu’il s’y attendoit le moins, en apprit la nouvelle au milieu d’une partie de chasse, est signalé par le surnom de l’Oiseleur qui le distingue de tous les Henris.

L’empressement de l’empereur Léon pour détruire le culte des images, est bien marqué dans le terme d’Iconoclaste.

La mauvaise fortune qu’essuya Frédéric I. duc de Saxe, par la captivité dans laquelle son pere le tint, est devenue mémorable par le surnom de Mordu qui lui est resté.

La mort ignominieuse du dernier des Antonins, dont les soldats jetterent le cadavre dans le Tibre, après l’avoir traîné par les rues de Rome, ne s’oubliera jamais à la vue des épithetes de Tractitius & de Tiberinus, dont Aurelius Victor dit qu’il fut chargé.

Ainsi rien n’est à négliger dans l’étude de l’histoire ; les termes les plus bas, les plus grossiers ou les plus injurieux, & qui semblent n’avoir jamais été que le partage d’une vile populace, ne sont pas pour cela indignes de l’attention des savans.

M. Spanheim, dans son ouvrage sur l’usage des médailles antiques, tome II. s’est un peu étendu sur l’origine des sobriquets des Romains, en les considérant par le rapport qu’ont aux médailles consulaires, ceux des principales familles de la république romaine. M. de la Roque dans son traité de l’origine des noms, auroit dû traiter ce sujet par rapport à l’histoire moderne. M. le Vayer en a dit quelque chose dans ses ouvrages. Voyez sur tout les mémoires de l’acad. des Inscrip. & Belles-lettres. (Le chevalier de Jaucourt.)

SOC, s. m. (Antiq. rom.) soccus ; sorte de chaussure en usage chez les Grecs & les Romains ; ensuite elle devint en particulier celle de ceux qui montoient sur le théatre, pour y représenter les personnages comiques. Elle étoit opposée au cothurne, autre chaussure ou brodequin, reservé pour les personnages héroïques. (D. J.)

Soc, terme de Laboureur, c’est un fer large & pointu, qui est au bout du scep de la charrue, & qui sert à fouiller dans la terre.

Le soc est la partie essentielle de toutes les charrues ; il est presque toujours formé par un fer plat & acéré. Ce fer étant introduit à deux ou trois pouces sous la terre, doit l’ouvrir ; mais il y a des socs qui coupent la terre en-dessous, pendant que les autres ne la divisent que comme pourroit faire un coin. Il est clair que ceux-ci ont à vaincre la résistance des racines, & qu’ils paîtrissent & corroient les terres fortes & humides : ces raisons ont déterminé les gens éclairés à donner la préférence aux socs coupans. (D. J.)

SOCCOLAN, s. m. (Ordre monast.) on appelle soccolans les religieux de l’ordre de S. François, d’une réforme particuliere établie par S. Paulet de Foligny en 1368. Lui-même ayant vu que les paysans qui vivoient dans les montagnes de son hermitage, portoient des socques ou sandales de bois, il en ordonna l’usage aux religieux de sa réforme, qui furent appellés par cette raison soccolanti. Voyez de plus grands détails dans le P. Héliot, t. VII. c. ix. (D. J.)

SOCHACZOW, (Géog. mod.) prononcez Socachouf ; petite ville de Pologne dans le duché de Mozavie, près d’une petite riviere, à 4 lieues de Bloigné. C’est au-delà de cette ville qui est toute bâtie en bois, que commencent ces belles plaines qui s’étendent jusqu’à la Vistule, par une espace de 8 grandes lieues. (D. J.)

SOCIABILITE, (Droit nat. & Moral.) bienveillance envers les autres hommes.