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édition si fameuse des ouvrages d’Homere, s’appella l’édition de la Cassette, ἣν ἐκ τοῦ Νάρθηκος καλοῦσιν, parce qu’Alexandre, dit Pline, l. VII. c. ix. la serroit dans une cassette qu’il tenoit sous son oreiller avec son poignard. Il fit mettre ensuite ces deux ouvrages dans un petit coffre à parfums, garni d’or, de perles & de pierreries, qui se trouva parmi les bijoux de Darius. Malgré la réputation de cette belle édition, il paroît qu’elle a péri comme plusieurs autres. Strabon & Eustathe sont mes garants ; ils assurent que dans l’édition dont il s’agit, on avoit placé deux vers entre le 855 & le 856 du II. liv. de l’Iliade : or ces deux vers ne se lisent aujourd’hui dans aucun de nos imprimés.

Enfin, les fautes se multiplierent naturellement dans le grand nombre des autres copies de ces deux poëmes, ensorte que Zénodote d’Ephese, précepteur de Ptolemée, Aratus, Aristophane de Bysance, Aristarque de Samothrace, & plusieurs autres beaux esprits, travaillerent à les corriger, & à rendre à Homere ses premieres beautés.

Il ne faut pas nous étonner des soins que prirent tant de beaux génies pour la gloire d’Homere. On n’a rien vu chez les Grecs de si accompli que ses ouvrages. C’est le seul poëte, dit Paterculus, qui mérite ce nom ; & ce qu’il y a d’admirable en cet homme divin, c’est qu’il ne s’est trouvé personne avant lui qui ait pu l’imiter, & qu’après sa mort, il n’a pu trouver d’imitateurs. Les savans conviennent encore aujourd’hui qu’il est supérieur à tout ce qu’il y a de poëtes, en ce qui regarde la richesse des inventions, le choix des pensées, & le sublime des images. Aucun poëte n’a jamais été plus souvent ni plus universellement parodié que lui.

C’est par cette raison que sept villes de la Grece se sont disputé l’avantage d’avoir donné la naissance à ce génie du premier ordre, qui a jugé à-propos de ne laisser dans ses écrits aucune trace de son origine, & de cacher soigneusement le nom de sa patrie.

Les habitans de Chio prétendent encore montrer la maison où il est né, & où il a fait la plûpart de ses ouvrages. Il est représenté sur une des médailles de cette île assis sur une chaise, tenant un rouleau, où il y a quelques lignes d’écriture. Le revers représente le sphynx, qui est le symbole de Chio. Les Smyrnéens ont en leur faveur des médailles du même type, & dont la seule légende est différente.

Les habitans d’Ios montroient, du tems de Pausanias, la sépulture d’Homere dans leur île. Ceux de Cypre le réclamoient, en conséquence d’un oracle de l’ancien poëte Euclus, qui étoit conçu en ces termes : « Alors dans Cypre, dans l’île fortunée de Salamine, on verra naître le plus grand des poëtes ; la divine Thémisto sera celle qui lui donnera le jour. Favori des muses, & cherchant à s’instruire, il quittera son pays natal, & s’exposera aux dangers de la mer, pour aller visiter la Grece. Ensuite il aura l’honneur de chanter le premier les combats & les diverses avantures des plus fameux héros. Son nom sera immortel, & jamais le tems n’effacera sa gloire ». C’est continue Pausanias, tout ce que je peux dire d’Homere, sans oser prendre aucun parti, ni sur le tems où il a vécu, ni sur sa patrie.

Cependant l’époque de sa naissance nous est connue ; elle est fixée par les marbres d’Arondel à l’an 676 de l’ere attique, sous Diognete, roi d’Athènes, 961 ans avant J. C. Quant à sa patrie, Smyrne & Chio sont les deux lieux qui ont prétendu à cet honneur avec plus de raison que tous les autres, & puisqu’il se faut décider par les seules conjectures, j’embrasse constamment celle qui donne la préférence à Smyrne. J’ai pour moi l’ancienne vie d’Homere par le prétendu Hérodote, le plus grand nom-

bre de médailles, Moschus, Strabon & autres anciens.

Mais comme je suis de bonne foi, le lecteur pourra se décider en consultant Vossius, Kuster, Tanegui, le Fevre, madame Dacier, Cuper, Schott, Fabricius, & même Léon Allazzi, quoiqu’il ait décidé cette grande question en faveur de Chio sa patrie.

Je félicite les curieux qui possedent la premiere édition d’Homere, faite à Florence, en 1478 ; mais les éditions d’Angleterre sont si belles, qu’elles peuvent tenir lieu de l’original. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Smyrne, (Géog. mod.) Smyrne moderne est une ville de la Turquie asiatique, dans l’Anatolie, sur l’Archipel, au fond d’un grand golfe, avec un port spacieux & de bon mouillage, à environ 75 lieues de Constantinople. Cette ville est la plus belle porte de l’Asie, & l’une des plus grandes & des plus riches du Levant, parce que la bonté de son port la rend précieuse pour le commerce. Son négoce consiste en soie, toile de coton, camelots de poil de chevre, maroquins, & tapis. Elle est habitée par des grecs, des turcs, des juifs, des anglois, des françois, des hollandois, qui y ont des comptoirs & des églises. Les turcs y tiennent un cadi pour y administrer la justice. Son séjour y a le désagrément de la peste, qui y regne frequemment, & des tremblemens de terre auxquels elle est exposée. Long. selon Cassini, 44d 51′ 15″. lat. 38d 28′ 7″.

C’est la patrie de Calabert (Quintus), nom donné à un poëte anonyme, dont le poëme grec intitulé les paralipomenes d’Homere, fut trouvé en Calabre par le cardinal Bessarion. C’est ce qui lui fit donner le nom de Calaber. Vossius conjecture que ce poëte vivoit sous l’empereur Anastase, vers 491. La meilleure édition de Quintus Calaber est celle de Rhodomanus. (D. J.)

Smyrne, terre de (Hist. nat.) c’est une terre fort chargée de sel alkali ou de natron, qui se trouve dans le voisinage de la ville de Smyrne ; les habitans du pays s’en servent pour faire du savon. On rencontre cette terre ou plutôt ce sel dans deux endroits, près d’un village appellé Duracléa ; il est répandu à la surface de la terre, dans une plaine unie. Ce sel quand on le ramasse est fort blanc. On en fait ordinairement sa provision pendant l’été, avant le lever du soleil, & dans la saison où il ne tombe point de rosée. Ce sel sort de terre en certains endroits, de l’épaisseur d’environ deux pouces ; mais on dit que la chaleur du soleil, lorsqu’il est levé, le fait ensuite diminuer & rentrer, pour ainsi dire, en terre. Le terrein où ce sel se trouve est bas & humide en hiver ; il n’y croît que fort peu d’herbe. Quand on a enlevé ce sel dans un endroit, il semble qu’il s’y reproduise de nouveau.

M. Smyth, anglois, a fait des expériences sur ce sel, par lesquelles il a trouvé qu’il ne différoit en rien du sel de soude, ou des alkalis fixes ordinaires ; il n’a point trouvé que cette terre contînt de l’alkali volatil.

Voici la maniere dont on prépare du savon avec cette terre ; on en mêle trois parties avec une partie de chaux vive, & l’on verse de l’eau bouillante sur le mélange ; on le remue avec un bâton, il s’éleve à la surface une matiere brune, épaisse, que l’on met à part ; on s’en sert, aussi-bien que de la dissolution claire, pour faire du savon ; mais cette matiere est beaucoup plus caustique que la liqueur claire. Ensuite on a de grandes chaudieres de cuivre, dans lesquelles on met de l’huile ; on allume dessous un grand feu ; on fait un peu bouillir l’huile, & l’on y met peu-à-peu la matiere épaisse qui surnageoit à la dissolution ; après quoi on y met la liqueur même, ou la