Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De la sagesse d’Homere un, de sa patrie un.

De l’origine des villes d’Asie deux, de ces villes de l’Europe quatre, de celles des îles un.

De la mesure de l’Asie par stades un, & de celles de l’Europe un.

Des stratagèmes deux.

Un catalogue des Ioniens, & la succession des magistrats de Smyrne selon l’ordre des tems.

Si tous ces ouvrages ne s’étoient pas perdus, nous aurions plus de connoissance que nous n’avons de la ville de Smyrne, car cet Hermogène médecin en étoit sans doute natif.

Nous observerons en passant, que cette inscription en son honneur écrit Ζμύρνης par un Ζ, & Ζμυρναίων, au lieu de Σμυρναίων. Il ne faut pas s’imaginer que ce soit une faute du graveur ; au contraire le nom de Smyrne s’écrivoit anciennement aussi bien par un Ζ que par un Σ, quoique plus souvent par un Σ : Lucien nous apprend cela dans son traité qui a pour titre jugement des voyelles. Dans ce traité, la lettre Σ par une prosopopée, dit que souffrant assez patiemment le tort que les autres lettres lui faisoient, elle ne s’étoit jamais plaint de la lettre Z qui lui avoit ôté les mots de Smaragde & de Smyrne. Outre cela, il y a des médailles anciennes où au lieu de Σμυρναίων, il se trouve Ζμυρναίων par un Ζ ; M. de Boze en avoit deux dans son cabinet. On trouve Zmyrnæorum au lieu de Smyrnæorum, dans une ancienne inscription latine citée par Gruter.

Les marbres d’Oxford nous offrent aussi des inscriptions curieuses de Smyrne ; mais les médailles frappées dans cette ville, la font mieux connoître. Plusieurs de ces médailles nous apprennent qu’elle avoit un Prytanée, car elles font mention de ses Prytanes.

La place du château de Smyrne moderne étoit occupée dans le tems de la belle Grece par une citadelle sous la protection de Jupiter éthérée, ou qui présidoit aux lieux élevés. Pausanias assure que le sommet de la montagne de Smyrne appellé Coryphe, avoit donné le nom de coryphéen à Jupiter qui y avoit un temple. Il y a un beau médaillon où ce dieu éthérée est représenté assis, aussi-bien que sur une médaille de Vespasien, où le même dieu assis tient de la main droite une victoire, & une haste de la main gauche.

M. de Boze a publié dans les mémoires de Littérature tom. XVII. in-4°. des réflexions savantes sur une médaille antique frappée par les habitans de la ville de Smyrne en l’honneur de Sabinia Tranquillina, femme de Gordien Pie. On voit d’un côté sur cette médaille le buste d’une princesse, représentée sous la figure & avec les attributs de Cérès, tenant d’une main des épis, & de l’autre une corne d’abondance : on lit autour de ce portrait, ϹΜΥΡΝΑΙΩΝ. ΠΡΩΤΩΝ. ΑϹΙΑϹ.

Au revers est une femme de-bout, le pié droit appuyé contre une proue de vaisseau, la tête couronnée de tours, & les cheveux noués & soutenus par derriere avec une espece de ruban : son habillement relevé & plissé à la maniere de nos anciennes cottes-d’armes, finit de même au-dessus du genou : elle tient de la main droite une patere, & de la gauche cette sorte de bouclier contourné, qui étoit particulier aux amazones & qu’on nommoit pelto. On remarque au-dessous un bout de draperie ou une espece de petite serviette, qui aidoit sans doute à tenir le bouclier plus ferme, & qui pouvoit encore servir à d’autres usages.

A ces différens symboles, il est aisé de reconnoître l’amazone à qui les habitans de Smyrne rapportoient le nom, l’origine & la fondation de leur ville. La couronne de tours auroit peut-être suffi pour l’indiquer ; mais ils ont été bien aises d’exprimer encore par la

patere que les cérémonies religieuses, les sacrifices sur-tout qu’on avoit coutume de faire en ces sortes d’occasions, n’avoient pas été oubliés ; & quant à la proue de vaisseau qui est l’attribut ordinaire des villes maritimes, on sait que Smyrne a toujours passé pour un des meilleurs ports de l’Archipel.

Autour de ce type ingénieux regne une inscription dont la plûpart des mots sont abrégés ; elle doit être lue ainsi, ΕΠὶ Ϲτρατηγοὺ Μάρκου ΑΥΡηλίου ΤΕΡΤΙΟΥ ΑϹΙΑΡΧΟΥ ; & les deux légendes réunies disent que la médaille ou monnoie dont il s’agit a été frappée par les Smyrnéens qui sont les premiers de l’Asie, sous la préture de Marcus Aurélius Tertius, Asiarque.

Quand les villes de la Grece & de l’Asie mineure passerent sous la domination des Romains, elles furent, ce semble, encore plus jalouses qu’auparavant des titres d’honneur dont elles jouissoient, & plus attentives à se maintenir dans les droits qu’elles croyoient avoir insensiblement acquis les unes sur les autres. Les historiens ont négligé ce détail, mais les monumens antiques nous en ont conservé des preuves sensibles : telle est entr’autres celle qui se tire du titre de premiere ville de l’Asie que Smyrne se donne sur la médaille dont on vient de parler : il y en a plusieurs autres qui la confirment. Les Smyrnéens, dit Tacite, se vantoient d’être les premiers de tous les peuples d’Asie, qui avoient dressé dans leur ville un temple à Rome dans le même tems qu’il y avoit de puissans rois en Asie, qui ne connoissoient pas encore la valeur des Romains.

Trois villes célebres, Pergame, Ephese & Smyrne, se disputerent vivement cette primatie de l’Asie sous l’empire des deux premiers Antonins. Jusque-là elles avoient vécu dans une parfaite intelligence : il y avoit même entr’elles une association particuliere, qui mettoit en commun pour les habitans de chacune le droit de bourgeoisie, l’usage des temples, le culte des divinités, les sacrifices, les fêtes & les jeux ; & cette association marquée sur la plûpart de leurs médailles y est exprimée en ces termes : ΕΦΕΣΙΩΝ ΣΜΥΡΝΑΙΟΝ ΠΕΡΓΑΜΗΝΩΝ ΟΜΟΝΟΙΑ. Une malheureuse idée de préséance les divisa bientôt. Pergame abandonna la premiere ses prétentions pour le bien de la paix, mais rien ne put détacher Smyrne du titre de premiere de l’Asie, car immédiatement après la mort de Marc-Aurele elle fit frapper, en l’honneur de Commode, une médaille où on lit, comme sur les précédentes : ΣΜΥΡΝΑΙΩΝ ΠΡΩΤΩΝ. ΑΣΙΑΣ

L’ambition ou la diligence des Smyrnéens ne porta pas grand préjudice aux habitans d’Ephese, qui, selon toutes les apparences favorisés par Septime Severe, frapperent deux médailles en son honneur, l’une avec la légende ordinaire, ΕΦΕΣΙΩΝ ΠΡΩΤΩΝ ΑΣΙΑΣ ; l’autre avec cette inscription détournée, ΖΕΥΣ ΕΦΕΣΙΟΣ ΠΡΩΤΟΣ ΑΣΙΑΣ, « le premier Jupiter des Ephésiens est le premier de l’Asie ».

Smyrne voulant enrichir sur les expressions d’Ephese, fit frapper en l’honneur de Caracalla un médaillon, où elle ajouta au mot ΠΡΩΤΗ ΑϹΙΑϹ ceux de ΚΑΛΛΕΙ ΚΑΙ. ΜΕΙ ΕΘΕΙ, pour marquer qu’elle étoit la premiere & la plus considérable ville de l’Asie par sa grandeur & par sa beauté : cependant ces termes affectés, loin de lui donner un nouvel avantage, furent regardés comme une restriction favorable aux Ephésiens, qui ne trouverent rien de plus précis pour assûrer leur victoire que l’inscription qu’ils mirent au revers d’une médaille de Macrin, ΕΦΕΣΙΩΝ ΜΟΝΩΝ. ΠΡΩΤΩΝ. ΑΣΙΑΣ, « des Ephésiens qui sont les seuls premiers de l’Asie ».

En même tems que Smyrne disputoit de rang avec Ephese, ses médailles nous apprennent qu’elle étoit liée de confédération avec plusieurs autres villes,