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plique à son héros ce qui est dit dans l’Ecriture à l’occasion de Judas Machabée qui fut tué dans une bataille.

» Le pere le Jeune de l’oratoire, fameux missionnaire, s’appelloit Jean ; il étoit devenu aveugle : il fut nommé pour prêcher le carême à Marseille aux Acoules ; voici le texte de son premier sermon : Fuit homo missus à Deo, cui nomen erat Joannes ; non erat ille lux, sed ut testimoniom perhiberet de lumine, Joan. j. 6. On voit qu’il faisoit allusion à son nom & à son aveuglement.

» Il y a quelques passages des auteurs profanes qui sont comme passés en proverbes, & auxquels on donne communément un sens détourné, qui n’est pas précisément le même sens que celui qu’ils ont dans l’auteur d’où ils sont tirés ; en voici des exemples :

» 1. Quand on veut animer un jeune homme à faire parade de ce qu’il sait, ou blâmer un savant de ce qu’il se tient dans l’obscurité, on lui dit ce vers de Perse, sat. j. 27. Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciat alter. Toute votre science n’est rien, si les autres ne savent pas combien vous êtes savant. La pensée de Perse est pourtant de blâmer ceux qui n’étudient que pour faire ensuite parade de ce qu’ils savent :

En pallor, seniumque : o mores ! usque adeone
Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciat alter ?


» Il y a une interrogation & une surprise dans le texte, & l’on cite le vers dans un sens absolu.

» 2. On dit d’un homme qui parle avec emphase, d’un style ampoulé & recherché, que

Projicit ampullas & sesquipedalia verba :


» il jette, il fait sortir de sa bouche des paroles enflées & des mots d’un pié & demi. Cependant ce vers a un sens tout contraire dans Horace, Art poët. 97. La tragédie, dit ce poëte, ne s’exprime pas toujours d’un style pompeux & élevé : Télephe & Pélée, tous deux pauvres, tous deux chassés de leurs pays, ne doivent pas recourir à des termes enflés, ni se servir de grands mots : il faut qu’ils fassent parler leur douleur d’un style simple & naturel, s’ils veulent nous toucher, & que nous nous intéressions à leur mauvaise fortune ; ainsi projicit, dans Horace, veut dire il rejette.

Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri
Telephus & Peleus, cum pauper & exul uterque
Projicit ampullas & sesquipedalia verba,
Si curat cor spectantis tetigisse querelâ
.

» M. Boileau, Art poétiq. ch. III. nous donne le même précepte :

Que devant Troie en flamme, Hécube desolée
Ne vienne pas pousser une plainte ampoulée.

» Cette remarque, qui se trouve dans la plûpart des commentateurs d’Horace, ne devoit point échapper aux auteurs des dictionnaires sur le mot projicere.

» 3. Souvent pour excuser les fautes d’un habile homme, on cite ce mot d’Horace, Art poét. 359. Quandoque bonus dormitat Homerus ; comme si Horace avoit voulu dire que le bon Homere s’endort quelquefois. Mais quandoque est là pour quandocumque, (toutes les fois que) ; & bonus est pris en bonne part. Je suis fâché, dit Horace, toutes les fois que je m’apperçois qu’Homere, cet excellent poëte, s’endort, se néglige, ne se soutient pas.

Indignor quandoque bonus dormitat Homerus.

» M. Danet s’est trompé dans l’explication qu’il donne de ce passage dans son dictionnaire latin-françois sur ce mot quandoque.

» 4. Enfin pour s’excuser quand on est tombé dans quelque faute, on cite ce vers de Térence, Heaut. I. j. 25.

Homo sum, humani nihil à me alienum puto,


» comme si Térence avoit voulu dire, je suis homme, je ne suis point exempt des foiblesses de l’humanité ; ce n’est pas là le sens de Térence. Chrémès, touché de l’affliction où il voit Ménédème son voisin, vient lui demander quelle peut être la cause de son chagrin, & des peines qu’il se donne : Ménédème lui dit brusquement, qu’il faut qu’il ait bien du loisir pour venir se mêler des affaires d’autrui. Je suis homme, répond tranquillement Chrémès ; rien de tout ce qui regarde les autres hommes n’est étranger pour moi, je m’intéresse à tout ce qui regarde mon prochain.

» On doit s’étonner, dit madame Dacier, que ce vers ait été si mal entendu, après ce que Cicéron en a dit dans le premier livre des Offices.

» Voici les paroles de Cicéron, I. Offic. n. 29. à lin. IX. Est enim difficilis cura rerum alienarum, quanquam Terentianus ille Chremes humani nihil à se alienum putat. J’ajouterai un passage de Séneque, qui est un commentaire encore plus clair de ces paroles de Térence. Séneque ce philosophe payen, explique dans une de ses lettres comment les hommes doivent honorer la majesté des dieux : il dit que ce n’est qu’en croyant à eux, en pratiquant de bonnes œuvres, & en tâchant de les imiter dans leurs perfections, qu’on peut leur rendre un culte agréable ; il parle ensuite de ce que les hommes se doivent les uns aux autres. Nous devons tous nous regarder, dit-il, comme étant les membres d’un grand corps ; la nature nous a tirés de la même source, & par-là nous a tous faits parens les uns des autres ; c’est elle qui a établi l’équité & la justice. Selon l’institution de la nature, on est plus à plaindre quand on nuit aux autres, que quand on en reçoit du dommage. La nature nous a donné des mains pour nous aider les uns les autres ; ainsi ayons toujours dans la bouche & dans le cœur ce vers de Térence ; je suis homme, rien de tout ce qui regarde les hommes n’est étranger pour moi ».

Membra sumus corporis magni, natura nos cognatos edidit, cùm ex iisdem & in idem gigneret. Hæc nobis amorem indidit mutuum & sociabiles fecit ; illa æquum justumque composuit : ex illius constitutione miserius est nocere quam lœdi ; & illius imperio paratæ sunt ad juvandum manus. Iste versus & in pectore & in ore sit, Homo sum, humani nihil à me alienum puto. Habeamus in commune, quod nati sumus, Sénec. ep. xcv.

« Il est vrai en général que les citations & les applications doivent être justes autant qu’il est possible, puisqu’autrement elles ne prouvent rien, & ne servent qu’à montrer une fausse érudition : mais il y auroit du rigorisme à condamner tout sens adapté.

» Il y a bien de la différence entre rapporter un passage comme une autorité qui prouve, ou simplement comme des paroles connues, auxquelles on donne un sens nouveau qui convient au sujet dont on veut parler : dans le premier cas, il faut conserver le sens de l’auteur ; mais dans le second cas, les passages auxquels on donne un sens différent de celui qu’ils ont dans leur auteur, sont regardés comme autant de parodies, & comme une sorte de jeu dont il est souvent permis de faire usage ».

IX. Sens louche, Sens équivoque. Le sens louche naît plutôt de la disposition particuliere des mots qui entrent dans une phrase, que de ce que les termes en sont équivoques en soi. Ainsi ce seroit plutôt la phrase qui devroit être appellée louche, si l’on vouloit s’en tenir au sens littéral de la métaphore : « car, dit M.