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un fort beau trait de réponse. Pour l’entendre, il faut se rappeller une circonstance de la vie d’Epictete. Un jour, comme son maître lui donnoit de grands coups sur une jambe, Epictète lui dit froidement : si vous continuez, vous casserez cette jambe ; son maître irrité par ce sang froid, lui cassa la jambe : ne vous l’avois-je pas bien dit que vous casseriez cette jambe ? Un philosophe opposoit cette histoire aux chrétiens, en disant : votre Jesus-Christ a-t-il rien fait d’aussi beau à sa mort ? Oui, dit S. Justin, il s’est tû. (D. J.)

Silence, (Crit. sacrée.) ce mot, outre sa signification ordinaire, se prend au figuré dans l’Ecriture ; 1°. pour la patience, le repos, la tranquillité : nous les conjurons de manger leur pain, en travaillant paisiblement, in silentio, μετὰ ἡσυχίας, II. Thess. iij. 12. Ce terme 2°. désigne la retraite, la séparation du grand monde : Esther ne portoit pas ses beaux habits dans le tems de sa retraite ; in diebus silentii. 3°. Il marque la ruine, Dominus silere nos fecit, Jérem. viij. 14. c’est-à-dire le seigneur vous a ruiné. (D. J.)

Silence dieu du, (Mythol.) Ammian Marcellin dit qu’on révéroit la divinité du silence, silentii numen colitur. Les Egyptiens l’appelloient Sigation ; les Grecs, Harpocrate ; & les Romains, Angenora. On représentoit cette divinité ayant le doigt sur la bouche. (D. J.)

Silences, s. m. en Musique, sont différens signes répondans à toutes les différentes valeurs des notes ; & qui, mis à la place de ces notes, marquent que tout le tems de leur valeur doit être passé en silence.

Quoiqu’il y ait dix valeurs de notes différentes, depuis la maxime, jusqu’à la quadruple croche, il n’y a cependant que neuf caracteres différens pour les silences, parce qu’il n’y en a point qui corresponde à la valeur de la maxime ; mais pour en exprimer la durée, on double le bâton de quatre mesures, qui équivaut à la longue.

Ces divers silences sont donc, le bâton de quatre mesures, qui vaut une longue ; le bâton de deux mesures, qui vaut une breve, ou quarrée ; la pause, qui vaut une semi-breve, ou ronde ; la demi-pause, qui vaut une minime, ou blanche ; le soupir, qui vaut une noire ; le demi-soupir, qui vaut une croche ; le quart de soupir, qui vaut une double croche ; le demi-quart de soupir, qui vaut une triple croche ; & enfin, le seizieme de soupir, qui vaut une quadruple croche. Voyez dans les Pl. de Musique les figures de tous ces silences.

Il faut remarquer que le point n’a pas lieu parmi les silences, comme parmi les notes ; car, quoiqu’une noire & un soupir soient d’égale valeur, on ne pourroit pas pointer le soupir, pour exprimer la valeur d’une noire pointée ; mais il faut après le soupir écrire encore un demi-soupir ; ce qui est assez mal entendu. (S)

SILENCIAIRE, s. m. (Hist. rom.) silentiarius ; nom propre d’office parmi les esclaves des Romains ; ce nom & cet office n’a été établi que vers le tems de Salvien, comme l’a prouvé Pignorius. Mais les silenciaires, dans la cour des empereurs, étoient des gens attachés au service de leur maison, & qui avoient un décurion à leur tête. Enfin le nom de silenciaire fut donné dans le bas empire, au secrétaire du cabinet de l’empereur ; Charlemagne avoit un silenciaire. (D. J.)

SILENCIEUX, adj. (Gram.) qui garde le silence ; une passion forte est ordinairement silencieuse ; les hommes silencieux profitent de tout ce qui se dit, & ils sont redoutables pour ceux qui cachent au fond de leur ame, des choses qu’ils seroient bien fâchés qu’on y devinât.

SILENE, s. m. (Botan.) genre de plante, décrit par Dillenius, dans son Hort. elthethensis, p. 309.

& que Linnæus caractérise de la maniere suivante. Le calice particulier de la fleur, est lisse, oblong, composé d’une seule feuille, découpée en cinq segmens sur les bords ; la fleur est à cinq pétales, dont les pointes sont obtuses & échancrées ; le nectarium, ou la partie de la couronne de la fleur, est comme formée de quelques denticules ; les étamines sont dix filets qui vont en pointes aiguës ; leurs bossettes sont oblongues ; le germe du pistil est cylindrique ; les styles, au nombre de trois, ou de cinq, sont communément de la longueur des étamines, les stigma sont toujours penches du côté du soleil ; le fruit est divisé en autant de cellules qu’il y avoit de stiles ; ces cellules contiennent un grand nombre de graines taillées en forme de rein. Linn. gen. plant. p. 197. (D. J.)

Silene, (Mythol.) il étoit né de Mercure, ou de Pan, & d’une nymphe. Nennus, dans ses dionysiaques, le fait fils de la Terre, c’est-à-dire qu’il ignoroit son origine. Silène, dit Orphée, étoit fort agréable aux dieux, dans l’assemblée desquels il se trouvoit fort souvent. Il fut chargé de l’enfance de Bacchus, & l’accompagna dans ses voyages.

Tous les poëtes se sont divertis à nous peindre la figure, le caractere & les mœurs de Silène ; à les en croire, il étoit ventru, ayant la tête chauve, un gros nez retroussé, & de longues oreilles pointues, étant tantôt monté sur un âne, sur lequel il a bien de la peine à se soutenir, & tantôt marchant appuyé sur un thyrse ; c’est le compagnon, & le premier lieutenant de Bacchus ; il raconte, dans le cyclope d’Eurypide, qu’il combattit les géans, à la droite de son maître, tua Encélade, & en fit voir les dépouilles au dieu, pour preuve de sa valeur ; le voilà donc, malgré sa figure burlesque, travesti en grand capitaine.

Je sais bien qu’il s’attribue le nectar & l’ambroisie, comme s’il étoit un dieu céleste ; mais je sais encore mieux par mes lectures, qu’il n’en aimoit pas moins la boisson des pauvres mortels, & qu’il s’en donna à cœur joie, à l’arrivée d’Ulysse dans l’antre du cyclope ; personne n’ignore que les vignes sont appellées ses filles, & dans Pausanias l’Ivrognerie même lui verse du vin hors d’un gobelet.

Cependant Virgile, dans une de ses plus belles éclogues (la sixieme, que M. de Fontenelle n’a pas eu raison de critiquer), ne représente pas seulement Silène comme un suppôt de Bacchus, mais comme un chantre admirable, & qui dans sa jeunesse avoit fait de bonnes études philosophiques.

Deux bergers, dit le poëte, le trouverent un jour endormi au fond d’une grotte ; il avoit, selon sa coutume, les veines enflées du vin qu’il avoit bû la veille, sa couronne de fleurs tombée de sa tête, étoit auprès de lui, & un vase pesant, dont l’anse étoit usée, pendoit à sa ceinture ; le vieillard avoit souvent flatté les bergers de l’entendre chanter de belles choses ; ils se jettent sur lui, & le lient avec des guirlandes ; Eglé, la plus jolie de toutes les nymphes, Eglé survient, & se joignant à eux, les encourage ; & au moment où il commençoit à ouvrir les yeux, elle lui barbouille tout le visage de jus de mûres ; le bon Silène riant de ce badinage, leur dit, pourquoi me liez-vous mes enfans ? laissez-moi libre ; c’est pour vous, bergers, que je chanterai ; je réserve à la charmante Eglé une autre sorte de recompense : à ces mots, il se met à commencer. Vous eussiez vû aussi-tôt les faunes & les bêtes farouches accourir autour de lui, & les chênes mêmes agiter leurs cimes en cadence ; la lyre d’Apollon ne fit jamais tant de plaisir sur le sommet du Parnasse ; jamais Orphée, sur les monts Rhodope & Ismare, ne se fit tant admirer.

Le poëte lui fait ici débiter les principes de la phi-