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qui soutiennent que l’homme agit librement, s’embarrassent dans quatre grandes difficultés, & que ceux qui tiennent que l’homme agit nécessairement, tombent dans quatre autres grands embarras ; si bien qu’il forme huit labyrinthes, quatre contre le franc-arbitre, & quatre contre la nécessité. Il se tourne de tous les côtés imaginables pour tâcher de rencontrer une issue, & n’en trouvant point, il conclud à chaque fois par une priere ardente adressée à Dieu, afin d’être délivré de ces abîmes. Néanmoins dans la suite de l’ouvrage, il entreprend de fournir des ouvertures pour sortir de cette prison ; mais il conclud que l’unique voie est de dire comme Socrate ; unum scio, quod nihil seio. Il faut se taire, dit-il, & juger que Dieu n’exige de nous ni l’affirmative, ni la négative sur des points de cette nature.

M. d’Aubigné discourt assez au long des sermons d’Ochin sur la messe. Cet italien, dit-il, vouloit premierement que le service fût en langage vulgaire, & qu’on en supprimât plusieurs ornemens, afin de pouvoir dire sur le reste que c’est la cêne du Seigneur qui s’est faite religieuse, per parer piu sancta. Ochin a donné douze sermons sur la messe. L’un porte pour titre missæ tragæedia, ac primum quomodo concepta, nota, baptisata suerit. L’autre, quomodo nutrita, educata, ornata, ditataque ad summam prœstantiam pervenerit. Cette maniere dramatique sent tout-à-fait le génie des Italiens, & ne respire point la dignité que demandent les mysteres.

Patricis (Francisco) siennois, évêque de Gaiete, florissoit dans le xv. siecle sous Sixte IV. & mourut en 1494. Il publia deux ouvrages, l’un de regno & regis institutione lib. IX. l’autre, de reipublicæ institutione. lib. IX. Ces deux traités firent du bruit ; cependant ni l’un, ni l’autre ne sont estimés des connoisseurs, parce qu’il y regne plus de lecture que de jugement. Le premier a paru deux fois à Paris ; savoir, en 1519 & en 1530, in-felio. Le second a été traduit en trançois par le sieur de Mouchetierre, & imprimé à Paris en 1610 in-8°.

Les Piccolomini ont fait un grand honneur à Sienne leur patrie. Piccolomini (Alexandre), archevêque de Patras, florissoit dans le xv. siecle, & prouva par ses écrits l’étendue de sa science. Il publia des ouvrages sur la théorie des planetes, les étoiles fixes, les questions méchaniques, la philosophie, la morale, la rhétorique, & la poétique d’Aristote. Il se servit de sa langue maternelle dans la plûpart de ses ouvrages, & il passe pour être le premier qui en ait usé de la sorte en matiere de philosophie & d’érudition. Imperialis l’en blâme, mais avec noblesse : Efferbuit mirè, dit-il, ingenium Alexandri Piccolominei senensis, in cogendo sub etruscis vexillis agmine scientiarum omnium, quo intentato aliàs fascinore, immortalem sibi pararet in Italicâ celebritate triumphum. Le traité que Piccolomini mit au jour sur la réformation du calendrier, mérita les éloges des plus grands juges ; mais son application à des ouvrages sérieux, ne l’empêcha point de s’amuser à la poésie, & à donner des pieces de théâtre : ses deux comédies l’Alessandra, & l’Amor constante, furent fort estimées. Il mourut à Sienne, en 1578, âgé de 70 ans.

M. de Thou étant en Italie, en 1573, l’alla voir avec Paul de Foix, embassadeur de Charles IX. Ils le trouverent tout occupé à l’étude, & plein de la consolation qu’il éprouvoit dans la lecture, au milieu des infirmités de la vieillesse, multa (dit de Thou) de studiis suis disseruit, eorumque se demùm in eâ ætate dulcissimum fructum capere dixit, aliis oblectamentis deficientibus, quibus aliæ ætates innocenter, & citrà offensam gaudere possunt. Quod cùm dicebat, non tam senectuti solatium quoerere dicebatur, quàm adolescentes qui aderant, quâ humanitate erat ad desidiam vitandam, & Philosophiæ studia capessenda, exemplo suo cohortari.

Piccolomini (François) de la même famille qu’Alexandre, s’attira l’admiration de toute l’Italie par la beauté de ses leçons philosophiques, qu’il donna pendant 53 ans avec la même réputation, à Sienne, à Maxerata, à Pérouse & à Padoue. Il mourut en 1604, âgé de 84 ans, sans jamais avoir eu besoin de lunettes. Ses funérailles témoignerent d’une façon singuliere l’estime que les Siennois lui portoient ; car toute la ville prit le deuil le jour de son enterrement, & l’on ferma tous les tribunaux. Son ouvrage latin de philosophia morali, imprimé à Venise en 1583, lui fit beaucoup d’honneur. Le p. le Moine dans ses peintures morales, parle de cet ouvrage avec estime, & en critique aussi quelques endroits.

Sixte de Sienne, né juif à Sienne, se convertit au christianisme, embrassa l’ordre de S. Dominique, & mourut en 1566, à l’âge de 49 ans. Il mit au jour, en 1566, sa bibliotheque sainte, dans laquelle il expose la critique des livres de l’ancien Testament, & indique des moyens de les expliquer. Les catholiques & les protestans paroissent en général fort prévenus en faveur du mérite de cette bibliotheque, dont la meilleure édition est celle de Naples, en 1742, en deux volumes in-fol. Cependant, pour ne rien déguiser, c’est un ouvrage très-imparfait. L’auteur y juge communément en mal-habile homme de ceux dont il parle. Son érudition critique est fort chétive, ce qui ne doit pas surprendre ; car Sixte ne savoit bien que l’hébreu, médiocrement le latin, & très-peu le grec.

Je ne connois point de famille plus illustre dans les lettres que celle des Socin, tous nés à Sienne. Ils se sont distingués dans la jurisprudence & dans la théologie, pendant deux siecles consécutifs, pere, fils, petits-fils, arriere-petits-fils, oncles & neveux.

Socin (Marianus) naquit à Sienne, en 1401, & mourut en 1467. Ce fut l’homme le plus universel de son siecle, & le premier jurisconsulte, au jugement d’Æneas Silvius, & de Pancirole, qui a donné sa vie. Le pape Pie II. le combla de marques de son estime.

Cet homme illustre eut cependant un fils qui le surpassa, j’entends Socin (Barthélemi), né à Sienne, en 1437. Sa réputation le fit appeller à Ferrare. à Boulogne & à Pise, au moyen d’une pension de mille ducats. Il mourut en 1507. On a imprimé à Venise ses consultations avec celles de son pere, en 1579, en quatre volumes in-fol.

Socin (Marianus) petits-fils du précédent, & non moins célebre, naquit à Sienne en 1482, & mourut en 1556. Il professa le droit comme son grand-pere, dans plusieurs universités d’Italie, succéda à Alciat, & Boulogne sut enfin le retenir par des pensions & des privileges extraordinaires. Il eut treize enfans, entre lesquels Lélius & Alexandre se distinguerent éminemment.

Socin (Lelius) le premier auteur de la secte socinienne, naquit à Sienne, l’an 1525. Il commença par étudier le droit, mais ayant encore plus de goût pour la Théologie, il apprit le grec, l’hébreu, l’arabe, & voyagea en France, en Angleterre, en Hollande, en Suisse, en Allemagne & en Pologne. Il se fit connoître aux plus savans hommes de ce tems-là, & ne feignoit point de leur communiquer ses doutes, ou plutôt ses sentimens dans les matieres de religion. Sa famille qui les embrassa, fut obligée de se disperser. Camille son frere fut mis en prison. Quelques autres parens s’évaderent, & entr’autres son neveu Fauste. Lélius se rendit à Zurich, où il mourut, en 1562. Fauste recueillit ses papiers, & les fit valoir dans la suite.

Socin (Alexandre), pere de Fauste Socin, dont nous parlerons bien-tôt, mourut en 1541, à