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vicaire général des freres de l’observance de S. François dans toute l’Italie ; il y réforma, ou établit de nouveau plus de trois cens monasteres, & refusa les évêchés de Sienne, de Ferrare & d’Urbin.

Pour animer davantage la dévotion des fideles, il fit faire un beau tableau, au milieu duquel étoit peint notre Sauveur entouré du soleil, & il obligeoit le peuple à adorer Jesus-Christ dans ce tableau. Cette conduite fut imitée par plusieurs moines du même ordre, qui exposoient le tableau en public dans les processions. Cependant quelques personnes sages n’approuvant point cette nouveauté, & craignant qu’on ne rendît plus d’honneur au tableau qu’à l’original, porterent l’affaire au tribunal de Martin V. Ce pape, après avoir fait là-dessus une consultation de prélats & de docteurs éclairés, défendit à Bernardin cette pratique comme dangereuse & superstitieuse, & Bernardin s’y conforma.

Il mourut à Aquila l’an 1444, dans la soixante-quatrieme année de son âge, & Nicolas V. l’a canonisé. Ses œuvres qui ne roulent que sur des sujets de dévotion, ont été imprimées à Vénise chez les Juntes en 1595, par les soins de Rodulphe, évêque de Sinigaglia, & à Paris l’an 1636 en deux vol. in-fol. par ceux du pere la Haye. Le style de S. Bernardin n’est ni pur, ni élevé ; mais dans le recueil donné sous son nom, les sermons qui sont véritablement de lui, contiennent une morale simple, dépouillée des fausses pensées & des jeux de mots de la plûpart des sermonaires d’Italie.

Catharin (Ambroise), célebre théologien du xvj. siecle, natif de Sienne, enseigna le droit dans plusieurs universités d’Italie, sous son nom de Politus Lancellotus. Il entra dans l’ordre de S. Dominique l’an 1515, à l’âge de 33 ans ; il prit alors le nom d’Ambroise Catharin, se donna tout entier à la Théologie, & se rendit bientôt célebre par ses écrits. Il parut avec éclat au concile de Trente en 1545, fut évêque de Minori en 1547, & archevêque de Conza en 1551. Il mourut subitement quelque tems après, & lorsqu’il touchoit au moment d’être nommé cardinal.

Il a publié un grand nombre d’ouvrages, & avancé dans quelques-uns des sentimens libres & hardis, sans s’embarrasser s’il s’écartoit de ceux de S. Augustin, de S. Thomas & des autres théologiens. Il déclare dans un traité sur la Prédestination, que Dieu n’a point prédestiné les hommes par un decret immuable, mais que leur salut dépend du bon usage qu’ils font des graces que l’Etre suprème leur accorde. Il établit la chûte d’Adam dans le péché qu’il fit en mangeant du fruit défendu, qui est, dit-il, un péché en nous en tant que notre volonté est comprise dans la sienne. Il pense aussi que Jesus-Christ seroit venu sur la terre quand même Adam n’auroit pas péché. Il prétend que S. Jean l’évangéliste n’est point mort, mais qu’il a été enlevé au ciel comme Henoch & Elie. Dans son traité de la Résurrection, loin de damner les enfans morts sans baptême, il assure qu’ils jouissent d’une félicité convenable à leur état. Il soutient dans un autre ouvrage que ces paroles, ceci est mon corps, ceci est mon sang, ne sont qu’énonciatives, & que Jesus-Christ n’a point consacré en les prononçant.

Enfin il a défendu au concile de Trente un sentiment qui a présentement un grand nombre de sectateurs en sorbonne, savoir, que l’intention extérieure est suffisante dans le ministre qui administre les sacremens ; c’est-à-dire que le sacrement est valide, pourvu que celui qui l’administre fasse extérieurement les cérémonies requises, quoique intérieurement il puisse avoir la pensée de se mocquer du sacrement & des choses saintes.

Ferrari (Jean-Baptiste), jésuite de Sienne, mort

en 1655, a donné au public un dictionnaire syriaque utile, imprimé à Rome en 1622, in-fol. sous le titre de Nomenclator syriacus. Il temoigne dans sa préface qu’il a été aidé par de savans maronites sur l’interprétation des termes les plus obscurs.

Ochino (Bernardino) fut un de ces ecclésiastiques d’Italie, qui sortirent de leur pays dans le xvj. siecle, pour embrasser la religion protestante. Ochin avoit été d’abord cordelier, puis capucin, & même général de ce dernier ordre. Les historiens du tems disent qu’il enchantoit ses auditeurs par la grace, la politesse, l’abondance, la douceur & la pureté de son style. Il quitta l’habit de capucin, embrassa le luthéranisme, & passa par Geneve pour se rendre à Augsbourg. Il entreprit en 1547 le voyage d’Angleterre avec son ami Pierre martyr, d’où il fut appellé à Zurich en 1555 pour y être ministre de l’église italienne, qu’il desservit pendant huit ans.

Ses dialogues qu’on imprima, & qui sembloient contenir entr’autres erreurs l’approbation de la polygamie, irriterent les magistrats de Zurich, qui le chasserent de leur ville en 1563. Comme on ne voulut pas lui permettre de s’arrêter à Basle, seulement pendant l’hyver, il poursuivit tout de suite sa route en Pologne ; mais à peine y étoit il arrivé, que le nonce Commendon l’obligea d’en sortir, en vertu d’un édit qu’il obtint contre tous les hérétiques étrangers. Ochin se rendit en Moravie, & mourut à Slaucow en 1564, âgé de 77 ans. La peste l’emporta, lui, ses deux filles & son fils.

La liste de ses écrits se trouve dans la bibliotheque des Antitrinitaires. Il publia en italien six volumes de sermons ; une exposition de l’épître de S. Paul aux Romains, un commentaire sur l’épître aux Galates ; un dialogue sur le purgatoire ; des apologues, &c. La plûpart de ces livres ont été traduits en latin ; mais les ouvrages de cet auteur qui ont fait le plus de bruit, & qu’il est difficile de trouver, sont ses dialogues, ses labyrinthi sur la prédestination & le franc-arbitre, & ses sermons sur la messe.

Ochin publia ses dialogues au nombre de trente en italien ; Castalion les mit en latin, & les fit imprimer à Basle en 1563. Le vingt-unieme de ses dialogues traite de la polygamie. Il n’est pas vrai cependant qu’il tâche d’y prouver qu’il est permis, & qu’il est même ordonné aux Chrétiens d’épouser autant de femmes qu’il leur plaît. Si vous lisez le commencement du dialogue de polygamiâ, vous verrez que l’état de la question est celui-ci : « Un homme qui souhaite des enfans, & qui est marié à une femme stérile, maladive, & avec laquelle il ne sauroit s’accorder, peut-il en épouser une autre, sans répudier la premiere » ? Ochin suppose qu’on le consulte sur un tel cas de conscience. Il prend le parti de la négative ; & après avoir mis dans la bouche de son consultant les raisons les plus favorables à la pluralité des femmes, & avoir répondu foiblement d’assez bonnes choses, il conclut par conseiller de recourir à la priere, & par assurer que si l’on demande à Dieu avec foi la continence, on l’obtiendra. Il déclare enfin que si Dieu ne donne point la continence, on pourra suivre l’instinct que l’on connoîtra certainement venir de Dieu. Voila du pur fanatisme, mais il n’y a rien de plus.

M. Simon, dans son hist. critiq. des comment. du N. T. c. lv. parle fort pertinemment des dialogues d’Ochin, qui roulent sur la Trinité. Il reconnoît que l’auteur ne s’y déclare pas tout-à-fait unitaire ; il rapporte seulement les raisons de part & d’autre, en poussant fort loin les argumens des antitrinitaires, sous prétexte d’y répondre.

Les labyrinthes de cet écrivain, ont paru à Bayle l’ouvrage d’un homme qui avoit l’esprit net & pénétrant. Ochin, dit-il, y prouve avec force que ceux