Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plutarque qui vivoit presque dans le même tems, appelle ainsi, dans la vie de Marius, les interpretes des prédictions de la sibylle, ou les chresmologues. Ceux qui ont avancé que les païens donnoient à tous les Chrétiens le nom de Sibyllistes, n’ont compris le vrai sens ni du reproche de Celse, ni de la réponse d’Origene.

L’opinion favorable aux sibylles qui, de l’aveu de Celse, étoit d’abord celle d’un assez petit nombre de Chrétiens, devint peu-à-peu l’opinion commune. Les vers sibyllins paroissant favorables au Christianisme, on les employoit dans les ouvrages de controverse avec d’autant plus de confiance que les Païens eux-mêmes, qui reconnoissoient les sibylles pour des femmes inspirées, se retranchoient à dire que les Chrétiens avoient falsifié leurs écrits, question de fait qui ne pouvoit être décidée que par une comparaison des différens manuscrits, que très-peu de gens étoient en état de faire.

Les regles de la critique & même celles de la saine logique étoient alors peu connues, ou du-moins très-négligées : à cet égard, les plus célebres philosophes du paganisme n’avoient aucun avantage sur le commun des auteurs chrétiens. Il suffira d’en citer pour exemple les dialogues & les traités dogmatiques de Plutarque, qui, malgré ce grand sens dont on le loue, ne paroît jamais occupé que de la crainte d’omettre quelque chose de tout ce qu’on peut dire de vrai & de faux sur le sujet qu’il traite. Ce même défaut regne dans les ouvrages de ceux qui sont venus après lui. Celse, Pausanias, Philostrate, Porphyre, l’empereur Julien, en un mot, tous les auteurs païens n’ont ni plus de critique, ni plus de méthode que Plutarque. On les voit tous citer sous le nom d’Orphée, de Musée, d’Eumolpe, & des autres poëtes antérieurs à Homere, des ouvrages fabriqués par les nouveaux Platoniciens, & donner comme authentiques des oracles supposés par ces mêmes philosophes, ou plutôt par les sectateurs du nouveau Pythagorisme, ou de la secte orphique, qui joignoit les dogmes égyptiens & chaldéens à quelques points de l’ancienne doctrine de Pythagore.

Comme les auteurs de ces oracles & de ces vers philosophiques supposoient la spiritualité, l’infinité, la toute-puissance du Dieu suprème, que plusieurs blâmoient le culte des intelligences inférieures, condamnoient les sacrifices & faisoient quelquefois allusion à la Trinité platonicienne, parlant d’un Pere, d’un Fils, d’un Esprit, les Chrétiens crurent qu’il leur étoit permis d’employer ces autorités dans la controverse avec les païens, pour les battre par leurs propres armes. Mémoires des Inscriptions, t. XXIII. (D. J.)

SICA, (Armes des Romains.) sica étoit une petite épée courbée en forme de faulx, comme la portoient les Thraces. Le glossaire grec le dit sica, θρᾳκικὸν ξίφος ἐπικαμπὲς, sica, épée thracienne fort courbée ; c’est pourquoi Capitolin appelle Maximinus qui étoit en Thrace, sicilatum latronem. (D. J.)

SICAIRE, s. m. (Hist. juive.) les Juifs de Césarée pilloient, commettoient toutes sortes de brigandages, & l’on donnoit le nom de sicaires aux plus cruels d’entr’eux, à cause qu’ils portoient de courtes épées comme celles des Perses, & courbées comme le poignard que les Romains nomment sica. Ils se mêloient ordinairement dans les jours de fête avec le peuple qui se rendoit à Jérusalem par dévotion, & en tuoient plusieurs au retour. Ils attaquoient les villages de ceux qu’ils haïssoient, les pilloient & y mettoient le feu. (D. J.)

SICAMBRES, (Géogr. anc.) Sicambri, peuples de la Germanie. Leur nom est différemment écrit dans les anciens auteurs. César dit ordinairement Sicambri, quoique dans quelques manuscrits on lise

Sigambri. Suétone, Florus, Horace, Martial, Sidonius Apollinaris & Claudien lisent assez généralement Sicambri. Strabon, Plutarque & Tacite disent Sugambri.

On convient que ces peuples furent ainsi nommés du fleuve Sigus ou Segus, la Siga. Ils s’avancerent de-là vers le Rhin ; car du tems de César ils étoient voisins de ce fleuve, Sicambri qui proximi sunt Rheno. Ils étendirent ensuite leurs limites jusqu’au Weser. Ce fut un peuple puissant & nombreux, le plus considérable des Istévons, & qui passoit pour le plus belliqueux de la Germanie : on sait la réponse fiere qu’ils firent à l’officier que César leur avoit envoyé, pour leur demander qu’ils lui livrassent la cavalerie des Usipetes qui s’étoit retirée sur leurs terres. Ils lui dirent que l’empire romain finissoit au Rhin, & qu’il n’avoit rien à voir dans la Germanie. César outré de cette réponse, fit faire un pont sur ce fleuve. L’ouvrage fut achevé en dix jours. L’armée romaine marcha contre les Sicambres, qui se retirerent dans les bois, résolus de s’y défendre s’ils y étoient attaqués. César n’ayant osé l’entreprendre, se contenta de ravager leurs terres, après quoi il repassa le Rhin, & fit rompre le pont qu’il y avoit fait construire.

Les Sicambres paroissent avoir été partagés en trois nations ; celle des Usipetes, celle des Taneteres & celle des Bructeres. Les Usipetes ayant été chassés de leur pays par les Cattes, furent errans pendant quelque tems ; une partie passa dans les Gaules où elle fut défaite par César ; ceux qui échapperent après le combat, s’étant joints aux autres, vinrent s’établir dans cette contrée des Sicambres, qui forme présentement le comté de la Marck & une partie de la Westphalie. Ils furent subjugués par Drusus l’an 743 de Rome, & ne voulurent pas suivre les autres Sicambres dans la Gaule Belgique, les duchés de Guadnes & de Cleves.

Les Teneteres ayant été chassés de leur pays, comme les Usipetes, par les mêmes ennemis, eurent la même destinée, & s’arrêterent avec eux dans le pays des Sicambres, qui leur en assignerent une assez grande étendue entre les Usipetes, les Bructeres & les Ubiens, ce qui forme à-présent une partie de la Westphalie & du duché de Berg, & quelque peu du côté de la Marck. Ils passoient pour les meilleurs cavaliers de la Germanie. C’étoit leur passion, & on remarque dans l’histoire qu’ils aimoient tellement les chevaux, que l’aîné des enfans avoit le privilege de choisir le cheval qui lui plaisoit dans l’écurie de son pere. Les Sueves les chasserent de ce pays, ce qui les obligea de passer le Rhin, & de se réfugier parmi les Ménapiens.

Les Bructeres habiterent originairement entre les Angrivariens & les Chamaves. Ils étoient divisés en grands & petits. Ceux-là occupoient partie de l’Over-Issel, & les évêchés de Munster & de Paderborn. Les petits demeuroient vers la source de l’Ems, dans une partie de l’évêché de Paderborn & dans les comtés de Lippe & de Rieteberg. Ce pays avoit été habité auparavant par les Juhons.

Les Angrivariens & les Chamaves s’étant emparés des terres des Bructeres, ceux-ci vinrent occuper la contrée des Sicambres, qui s’étendoit le long de la riviere de Segus qui renferme aujourd’hui partie du duché de Berg, de l’archevêché de Treves & de la Vétéravie. Segodunum, qu’on prétend être Siegen, étoit leur demeure la plus remarquable.

Ces trois peuples auxquels d’autres se joignirent, quitterent le nom de Sicambres vers la décadence de l’empire romain, pour prendre celui de Francs. Ils occupoient alors tout ce qui étoit entre l’Océan & le Meyn ; & comme le pays étoit extraordinairement peuplé, une partie passa dans la Gaule Belgique, & y jetta les fondemens de la monarchie françoise ; les