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gne depuis le jour de la bataille, Dinan, Grave & Huy. (D. J.)

SÉNÉGAL, le royaume de, (Géog. mod.) ou royaume de Sénéga ; royaume d’Afrique dans la haute Guinée, le long du fleuve Sénégal, où il s’étend l’espace d’environ 40 lieues. Son roi tributaire d’un autre, s’appelle brac, mot qui veut dire, roi des rois ; mais ce souverain n’est qu’un misérable, qui le plus souvent n’a pas de mil à manger, & qui pille les villages de son domaine, escorté par une centaine de coquins qui sont ses gardes. Ses sujets ne valent pas mieux ; ils se volent réciproquement, & tâchent de se vendre les uns les autres aux Européens qui font commerce d’esclaves sur leurs côtes. Leurs maisons, comme celle de leur roi, sont de paille & d’entrelacemens de palmier, sans portes, ni fenêtres, & n’ayant qu’un trou pour ouverture. Le bas de ces chaumieres est un plancher de sable, où l’on enfonce à mi-jambe. Leurs lits sont faits de quantité de petits bâtons joints ensemble par deux cordes, à-peu-près comme une claie. Quant aux productions de ce pays & aux autres détails qui le regardent, je renvoie le lecteur à l’histoire naturelle du Sénégal, par M. Adançon ; elle est imprimée à Paris, in-4°. 2 vol. avec fig. (D. J.)

Sénégal, île, (Géog. mod.) autrement île de Saint-Louis par les François ; petite île d’Afrique, à l’embouchure de la riviere de Sénégal, à deux lieues au-dessous de la grande île de Bifeche, & environ à trois quarts de lieue au-dessus de l’Islet aux Anglois. Les François y bâtirent un fort dans le dernier siecle, & c’étoit-là le principal comptoir de la compagnie dite du Sénégal. Cette petite île qui n’a pas une lieue de circuit, est à 15d. 57. de latitude septentrionale, au milieu de la riviere de Sénégal. (D. J.)

Sénégal, riviere de, (Géog. mod.) riviere d’Afrique. Elle prend sa source dans le milieu de la Nigritie, coule vers le couchant, forme à son embouchure la petite île de Sénégal, & vient se rendre dans l’Océan, après un cours de trois à quatre cens lieues. Cette grande riviere sépare les Maures ou bazanés d’avec les Negres ; de façon que d’un côté du fleuve ce sont des maures jaunâtres, & de l’autre, des hommes parfaitement noirs ; les premiers sont errans & libres ; les Negres sont sédentaires, & ont des rois qui les font esclaves. Les Maures sont petits, maigres, d’un esprit fin & délié : les Negres sont grands, gras, sans génie. (D. J.)

Sénégal, gomme du, (Hist. des drogues exot.) gomme entierement semblable à la gomme arabique. On l’appelle gomme du Sénégal, parce qu’on l’apporte de la province des Negres, située sur le bord du fleuve Sénégal. On en trouve présentement une grande quantité dans les boutiques, & en plus grands morceaux que la gomme arabique ; mais on ne sait pas de quel arbre elle découle, à moins que ce ne soit de quelque espece d’acacia. On en vend souvent des morceaux blancs & transparens, pour la véritable gomme arabique ; on ne peut les en distinguer en aucune maniere ; & ces gommes ne paroissent point différentes pour les vertus & les qualités. Les Negres se nourrissent souvent de cette gomme dissoute & bouillie avec du lait. Geoffroy. (D. J.)

SENÉKA, le, (Botan. exot.) on l’appelle en anglois the rattle-snake-root, racine de serpent à sonnettes ; c’est la racine de polygala de Virginie, dont on doit la connoissance à M. Teinnint, médecin écossois.

Au commencement de 1738, l’académie des Sciences de Paris reçut une lettre de ce médecin, par laquelle il lui faisoit part de ses observations à la côte de Virginie sur l’usage de la racine d’une plante nommée sénéka, ou seroka dans le pays, & qu’il avoit, disoit-il, employée avec beaucoup de succès pour la guérison des maladies inflammatoires de la

poitrine. M. Teinnint joignit à sa lettre le dessein de la plante, & environ une demi-once de cette racine qu’il avoit si heureusement mis en usage, tantôt en substance à la dose de trente-cinq grains (ce qu’il répétoit plusieurs jours de suite), tantôt en infusion à la dose de trois onces bouillies dans deux pintes d’eau, dont il donnoit au malade trois cueillerées par jour.

Gronovius & Miller nomment la plante, polygala virginiana, foliis alternis, integerrimis, racemo terminatrice erecto, Gron. flor. virg. polygala virginiana, foliis oblongis, floribus in thyrso candidis, radice alexipharmacâ, Miller. Sa racine est vivace, longue d’un demi-empan ou d’un empan, de la grosseur environ du petit doigt, plus ou moins, selon que la plante est plus ou moins avancée, tortueuse, partagée en plusieurs branches garnies de fibres latérales, & d’un côté saillantes, qui s’étendent dans toute sa longueur ; elle est jaunâtre en-dehors, blanche en-dedans, d’un goût âcre, un peu amer, & le germe est aromatique.

Les tiges qui en partent, sont nombreuses ; les unes droites, & les autres couchées sur terre, menues, jaunâtres, simples, sans branches, cylindriques, lisses, foibles, & d’environ un pié de longueur. Ces tiges sont chargées de feuilles ovales, pointues, alternes, longues d’environ un pouce, lisses, entieres ; elles deviennent plus grandes à mesure qu’elles approchent du sommet, & paroissent n’avoir point de queue. Les mêmes tiges sont terminées par un petit épi de fleurs, clair semées, semblables à celles du polygala ordinaire, mais plus petites, alternes, & sans pédicules. On distingue la racine du sénéka par une côte membraneuse, saillante, qui regne d’un seul côté dans toute sa longueur.

M. Teinnint dans son essai on the pleuresy, attribue à cette racine non-seulement les qualités diaphorétiques, mais encore la vertu de résoudre le sang visqueux, ténace & inflammatoire, celle de purger, & d’exciter quelquefois le vomissement ; il ajoute que les Indiens la regardent comme un puissant remede contre le venin du serpent à sonnettes.

M. Orry, contrôleur général, ayant fait venir en France une quantité considérable de cette racine, la fit distribuer à quelques médecins de Paris, qui enchantés de la nouveauté, en rendirent un compte si favorable, que l’historien de l’académie des Sciences appuyé de leur témoignage, mit le sénéka au rang des spécifiques du nouveau monde ; mais cette gloire qu’on lui attribuoit d’opérer des merveilles dans l’hydropisie & les maladies inflammatoires de la poitrine, s’est évanouie. Tous les exemples rapportés par M. Bouvard, un des grands partisans de ce remede, annoncent d’autant moins ses vertus dans les maladies chroniques, qu’il avoue lui-même que de cinq hydropiques auxquels il a donné le polygala de Virginie, il n’y en a pas un seul qui ait été guéri radicalement. Elle n’a pas été plus efficace dans les maladies inflammatoires de la poitrine. Le médecin écossois parle du polygala de Virginie comme purgeant légerement ; & le médecin françois prétend qu’il purge très-abondamment.

Dans cette contrariété d’avis, il faut que les expériences de l’un ou de l’autre médecin mal faites nous aient également été données pour des vérités. Enfin ce nouveau remede a de grands inconvéniens ; il ne peut être employé à cause de son activité, qu’avec beaucoup de circonspection, sans quoi, il ne manqueroit pas de causer plusieurs désordres dans la machine, de l’aveu de ses protecteurs ; la chaleur brûlante qu’il fait sentir à la région de l’estomac, lorsqu’on s’en sert en bol, prouve qu’il possede une âcreté corrosive, & par conséquent dangereuse, même dans les premieres voies ; c’en est assez pour