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qui fut si funeste à la république. Une démocratie où le luxe fait la loi, ne peut se rétablir que par de violentes secousses qui ramenent les choses aux principes de la constitution de cet état. (D. J.)

Scrutin, s. m. (Hist. ecclés.) nom de l’assemblée ecclésiastique dans laquelle on examinoit les dispositions des cathécumenes ; les évêques se chargeoient d’instruire eux-mêmes les compétens ou élûs quelques jours avant leur baptême, & ces instructions se faisoient dans des assemblées qu’on appelloit scrutin. On leur donnoit alors par écrit le symbole & l’oraison dominicale, afin qu’ils apprissent l’un & l’autre par cœur. On les leur faisoit réciter dans le scrutin suivant, & quand ils les savoient parfaitement, on retiroit l’écrit de leurs mains, de peur qu’il ne tombât au pouvoir des infideles. On voit encore quelques traces de ces scrutins à Vienne en Dauphiné, & à Liége. (D. J.)

SCRUTUM, (Littérat.) & scruta au pluriel, est un mot grec σχρύτον, qui signifie proprement toutes sortes de vieilles ferrailles & autres ustensiles de ménage, telles que l’on vend à Paris sur les quais & ailleurs. Lucilius dit :

Quidni ? Et scruta quidem ut vendat scrutarius laudat.

« Pourquoi non ? puisque les marchands de vieille ferraille louent bien cette marchandise pour la débiter ».

Cependant le mot scrutum ou scruta, avoit une signification plus étendue, & signifioit toutes sortes de marchandises que vendent les Merciers & les Quinquailliers ; car le scholiaste d’Aristophane nous apprend que les anciens au lieu de γρυτοπώλης, scrutarius, disoient ῥυποπώλης, seplasiarius, mercier, quinquaillier ; c’est dans ce sens-là que Sidonius Apollinaris a employé scruta, lorsqu’il a écrit dans le VII. liv. de ses Epîtres, nunc quædam frivola, nunc ludo apta virgineo scruta donabat. (D. J.)

SCULPTEUR, s. m. (Artiste.) artiste, qui par le moyen du ciseau forme des statues, taille le bois, la pierre, le marbre, & autres matieres propres à faire des représentations & des imitations des divers objets de la nature. Comme on distingue en général les Sculpteurs en anciens, & en modernes. Voyez les articles suivans. Sculpteurs anciens & Sculpteurs modernes. (D. J.)

Sculpteurs anciens, (Sculpt. antiq.) comme les noms des Sculpteurs égyptiens n’ont pas passé jusqu’à nous, & que les Grecs ont effacé tous ceux de Rome, ce sont eux qui rempliront mon titre, & cependant je ne m’attacherai qu’aux plus célebres. L’indication de leurs ouvrages est inséparable de l’histoire de la sculpture, & nous avons tâché de connoître cette histoire.

Agéladès, d’Argos, contemporain d’Onatas. On voïoit de lui à Egyum, ville d’Achaïe, plusieurs statues de bronze, comme un Jupiter enfant, & un jeune Hercule qui n’a point de barbe. Tous les ans on nommoit à ces divinités des prêtres qui gardoient leurs statues chez eux : c’étoit le plus bel enfant du pays qui étoit prêtre de Jupiter, & quand il avoit atteint l’âge de puberté, on lui donnoit un successeur.

Agésandre, de Rhodes, travailla au fameux groupe de Laocoon, de ses deux enfans, & des serpens, conjointement avec Posidore, & Athénodore le rhodien. Ce superbe morceau de sculpture fait d’une seule piece, étoit dans le palais Farnese, & fut trouvé à Rome, sous les ruines du palais Vespasien, sur la fin du seizieme siecle. Mais Virgile, Eneid, liv. II. v. 40. & suiv. a peut-être égalé en poésie l’ouvrage des sculpteurs dont nous venons parlé, par sa description de l’histoire de Laocoon. Voyez donc Laocoon, groupe de sculpture antique.

Agoracrite, éleve de Phidias, il avoit fait deux ad-

mirables statues, une Minerve, & un Jupiter de

bronze, qui ornoient à Coronée le temple de Minerve Itonia, ainsi appellée du nom d’Itonus, fils d’Amphixion, il concourut avec Alcamene pour la statue de Vénus. Alcamène l’emporta, non par le mérite de son ouvrage, dit Pline, mais par le suffrage des citoyens qui ne voulurent pas lui préférer un étranger. Agoracrite irrité de cette injustice, ne consentit à leur vendre sa statue, qu’à condition qu’elle ne seroit point placée dans Athenes ; & il lui donna le nom de Némésis, la statue vengeresse. Tel est le récit de Pline, auquel il faut ajouter la réfléxion judicieuse de M. de Caylus.

C’étoit, dit-il, une foible vengeance de l’injustice que les Athéniens lui avoient faite, & selon la nature de ce sentiment, elle retournoit contre celui qui s’y livroit ; car cette statue fut placée dans un bourg de l’Attique, nommé Rhamnunte, où certainement elle n’eut pas le nombre d’admirateurs qu’elle méritoit. Mais l’auteur étoit vengé, car le peuple Athénien, grand amateur des beaux ouvrages de l’art, ne pouvoit en jouir, & certainement il y fut plus d’une fois sensible. M. Varron préfere ce morceau à tous ceux qu’il a vûs.

Alcamène, athénien, disciple de Phidias, & l’objet de ses amours, florissoit en la 83e olympiade, selon Pline, il avoit fait une statue de Junon, qu’on mit dans son temple à Athenes. La statue de la Vénus aux jardins étoit encore un ouvrage de ce maître, & des plus beaux qu’il y eût à Athenes. Lucien dans le dialogue qui a pour titre les portraits, & où il fait la peinture d’une beauté accomplie, emprunta de la Vénus d’Alcamène, la gorge, les bras & les mains : celle d’Agoracrite, autre disciple de Phidias, auroit peut-être pû lui plaire également, car quoique les Athéniens eussent décidé le prix en l’honneur d’Alcamène, tout le monde ne fut pas de cet avis.

Anthermus étoit natif de l’île de Scio, fils de Micciade, petit-fils de Malas, aussi sculpteur, & pere de Bupalus d’Athénes, qui vivoient vers la 60. olympiade, environ 540 ans avant J. C. & dont nous parlerons dans la suite.

Apollonius & Tauriscus, tous deux rhodiens, firent conjointement cette antique si célebre de Zéthes & d’Amphion, attachant Dircé à un taureau ; tout est du même bloc de marbre jusqu’aux cordes. Ce bel ouvrage subsiste encore, & est célebre sous le nom du taureau Farnese. Voyez-en l’article.

On ne connoît point le pere d’Apollonius & de Tauriscus ; quelques-uns ont cru qu’ils étoient fils de Ménécrate ; mais, dit Pline, il est plus vraissemblable qu’éleves de celui-ci, & fils d’Artémidore, ils donnoient au premier par reconnoissance le nom de pere ; c’étoit du moins un usage fort ordinaire chez les anciens.

Arcésilaüs devoit être un grand maître, puisque ses modeles se vendoient plus cher aux artistes même que les ouvrages terminés des autres. Nos connoisseurs donneroient aussi, & même de certaines statues antiques de marbre grandes comme nature, pour un petit modele de la main de quelque grand artiste moderne, comme d’un Michel-Ange, d’un Bouchardon, &c.

Arcésilaüs exécuta en terre la statue de Vénus genitrix ; mais César impatient de la voir placée dans son forum, ne lui donna pas le tems de la terminer. L’empressement de ce dictateur est rapportée par Dion, l. XLIII, & par conséquent l’on ne doit pas révoquer en doute, qu’il se soit contenté d’un ouvrage de terre cuite pour une figure qui flattoit tant sa vanité.

Lucullus à qui Arcésilaüs étoit fort attaché, familiaris, le chargea de faire une statue de la Félicité, & convint de lui en donner soixante mille sesterces,