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le sont effectivement ; au-lieu que chez les Grecs on n’en reçoit point qui ne soit d’une naissance, d’une intégrité & d’un mérite distingué, parce qu’on ne peut se dispenser de les faire entrer dans les secrets de l’état.

Cependant on a vu quelques scribes chez les Romains parvenir aux grandes dignités. Cicéron parle d’un citoyen, qui ayant été scribe sous Sylla, devint préteur de la ville sous la dictature de César ; mais voici un exemple mémorable de la modestie d’un de ces officiers de justice, je veux parler de Cicéreius qui avoit été scribe sous le premier Scipion. Il concouroit pour la préture avec le fils de ce grand homme ; mais dans le seul dessein de le doubler, & de lui rendre hommage. Aussi-tôt qu’il vit que les centuries lui donnoient la préférence, il descendit du temple, quitta la robe blanche, déclara ses pures intentions à tous les électeurs, & les conjura de donner leurs voix au mérite de son rival, & à la mémoire de son illustre pere.

Les scribes toutefois ne pouvoient monter aux charges de la république, à moins qu’il ne renonçassent à leur profession. On en voit la preuve dans la personne de Cneius Flavius qui étoit scribe d’un édile curule. Ayant obtenu lui-même l’édilité, il ne fut reçu dans cet emploi, au rapport de Tite-Live, qu’après s’être obligé par serment, à ne plus exercer son ancienne profession.

Comme il arrivoit souvent que la noblesse qui entroit dans la magistrature, surtout les jeunes gens, ignoroient le droit & les lois, ils se virent forcés de les apprendre des scribes que l’usage & l’expérience en avoient instruits ; de sorte qu’ils devenoient par ce moyen les docteurs de cette jeune noblesse, & qu’ils n’abusoient que trop de leur place ; c’étoit d’ailleurs pour eux une occasion favorable d’augmenter leur crédit, & de s’ouvrir une entrée dans les plus illustres familles de Rome.

Enfin leur arrogance ayant été portée à l’excès sur la fin de la république, Caton se vit obligé de la réprimer par de nouvelles lois. Ils furent partagés en décuries, & rangés sous différens ordres subalternes ; en sorte que les scribes d’un questeur, d’un édile ou d’un préteur, furent appellés scribæ quæstorii, ædilitii, prætorii, &c.

Les pontifes avoient aussi leurs scribes. Onuphrius nous a conservé une ancienne inscription qui le prouve invinciblement : Agriæ Triphosæ vestificæ, Livius Threna ab epistolis græc. scriba à libris pontificalibus, conjugi sanctissimæ B. D. S. M. c’est-à-dire Livius Threna versé dans les lettres grecques, & scribe des livres des pontifes, a dressé ce monument à sa très sainte femme Agria Triphosa.

Les scribes sous les empereurs changerent de nom, ils furent appellés notarii, parce qu’ils se servoient de notes abrégées, au moyen desquelles ils écrivoient aussi vite qu’on parloit. Martial le dit, lib. XIV. épigr. ccviij.

Currant verba licet, manus est velocior illis,
Nondum lingua, suum dextera pergit opus.


(D. J.)

SCRIBE, s. m. (Gramm. & Théolog.) en hébreu sopher, en grec, γραμματεὺς, est un nom fort commun dans l’Ecriture, & qui a plusieurs significations.

1°. Il se prend pour un écrivain, un secrétaire ; cet emploi étoit très-considérable dans la cour des rois de Juda. Saraïa sous David, Elioreph & Ahia sous Salomon, Sobna sous Ezéchias, & Saphan sous Josias, étoient revêtus de cet office. II. Reg. viij. 17, xx. 25, IV. Reg. xix. 2, xxxij. 8 & 9.

2°. Il signifie un commissaire d’armée qui fait la revue des troupes, qui en tient registre, qui en fait le dénombrement. Jérémie parle d’un scribe qui étoit

chef ou prince des soldats, & qui leur faisoit faire l’exercice, c. lij. 25. On en trouve aussi le nom employé en ce sens dans les Machabées, l. I.

3°. Scribe se prend principalement pour un homme habile, un docteur de la loi, dont le ministere consistoit à écrire & à interpréter l’Ecriture. Quelques-uns mettent l’origine de ces scribes sous Moïse ; mais leur nom ne paroît pour la premiere fois que sous les juges. D’autres croient que David les institua ; & d’autres enfin, que comme il est rarement parlé des scribes avant Esdras, & beaucoup depuis lui, cette dignité étoit venue de la Chaldée ou de l’Assyrie, & qu’elle fut premierement établie par les Juifs après leur retour de la captivité.

Quoi qu’il en soit, ces scribes ou docteurs de la loi, étoient fort en crédit & très-estimés chez les Juifs, où ils avoient le même rang que les prêtres & les sacrificateurs, quoique leurs fonctions fussent différentes ; celles des scribes étant uniquement d’étudier la loi, de l’enseigner & de l’expliquer.

Les Juifs en distinguoient de trois sortes ; 1°. ceux dont nous venons de parler, que l’on appelloit proprement les scribes de la loi, & qui étoient les plus considérables ; leurs décisions étoient reçues avec un respect égal à celui qu’on portoit à la loi de Dieu même. 2°. Ceux qu’on appelloit proprement scribes du peuple, étoient une sorte de magistrats, tels qu’il y en avoit aussi chez les Grecs. 3°. La derniere espece de scribes étoient des notaires publics, ou des secrétaires du sanhedrin.

S. Epiphane & l’auteur des récognitions attribuées à S. Clément, comptent les scribes parmi les sectes des Juifs ; mais il est certain que les scribes ne formoient point de secte particuliere, & qu’il y avoit des scribes de toutes les sectes. Il paroit seulement vraissemblable que du tems de J. C. où toute la science des Juifs consistoit principalement dans les traditions pharisiennes, & dans l’usage qu’on en faisoit pour expliquer l’Ecriture, que le plus grand nombre des scribes étoient pharisiens ; & on les voit presque toujours joints ensemble dans l’Evangile. Calmet, Dict. de la Bibl. t. III. lett. v. p. 503.

Scribe, (Commerce.) celui qui écrit. Il ne se dit guère à Paris que de ces écrivains qui écrivent chez eux pour le public, ou qui ont de petits bureaux en divers endroits de la ville, où ils fournissent tout ce qui est nécessaire pour écrire, comme plumes, papier, encre, cire à cacheter, &c. à ceux qui dans quelques occasions pressantes & subites sont obligés de dresser des mémoires ou d’écrire des lettres. Voyez Ecrivain.

Scribe. On nomme ainsi à Bordeaux deux des commis du bureau du convoi, qui sont la plûpart des écritures qui y sont nécessaires, & où ils demeurent tous les jours depuis huit heures du matin jusqu’à onze, & depuis deux heures de relevée jusqu’à cinq, pour enregistrer les déclarations des marchandises, charges des vaisseaux, tenir registres des bateaux ou vaisseaux qui entrent ou sortent, les droits qui sont dûs, & expédier tous les actes nécessaires à ces diverses opérations. Voyez Convoi.

Scribe est aussi le nom qu’on donne dans les bureaux de la comptablie de la même ville, à trois commis dont les fonctions sont de faire toutes les billettes sujettes au droit de sortie au menu, aussi-bien que toutes celles des sénéchaussées qui ne doivent rien ; ils reçoivent pareillement toutes les déclarations d’entrée de terre, c’est-à-dire tout ce qui arrive à Bordeaux par la Dordogne & par la Garonne. Voyez Comptablie, Menu, Billette, &c. Dictionn. de Commerce.

SCRINIUM, s. m. (Littérat.) Ce mot signifie un portefeuille, un coffre, une cassette, une armoire à mettre des papiers ; nous dirions un bureau. Voici l’ex-